Comme chaque année dans les Landes, les collégiens ont reçu un ordinateur à la fin du mois de septembre. Ils devront le rendre avant la fin de l’année, ce qui correspond à peu près à la mi-juin. Sur une année de 9 mois, c’est 7/8 mois avec un ordinateur.
Dans mon collège, cela fait donc deux jours que nos élèves travaillent avec une machine et ce qui m’a intéressé, c’était de déterminer ce que cela change de passer du papier à l’ordinateur. Bien sûr, en deux jours, pas le temps de faire grand-chose et, pourtant, le bouleversement est considérable.
Le clavier
Même si beaucoup de choses se font à la souris, l’utilisation de ce « périphérique » s’impose dès les premiers instants. Je me souviens pourtant avoir lu quelque part que l’apprentissage du clavier était aujourd’hui d’autant plus superfétatoire que de nouvelles manières de saisie du texte se développaient (que l’on songe à la dictée vocale). Mais, dans le cadre scolaire, j’imagine mal toute une classe dicter à voix haute le contenu de la leçon. Et puis si la dictée vocale fonctionne chaque jour un peu mieux, il faut reconnaître qu’elle est encore perfectible. Que ceux qui dictent à leur smartphone leur texto en voiture ou leur tweet à la montre connectée lèvent la main. Au reste, l’apprentissage de la programmation ne se fera pas à coups de dictée de vocale. On a besoin du clavier.
Les élèves, qui sont devenus, rappelez-vous, des petites poucettes, sont aujourd’hui davantage accoutumés au clavier de leur téléphone qu’à celui de l’ordinateur. Ils peinent à trouver ou à obtenir certains caractères. Ils sollicitent essentiellement les index voire un index. ???? La prise de note (dans le sens de « noter ce qui est écrit ») est lente. Heureusement, au Conseil départemental des Landes, on a pensé à ajouter dans la pléiade d’applications installées et qui bouffent la moitié du SSD une application pour apprendre à taper au clavier. C’est bien fait. Ça a le charme des années 90 avec son Garfield et son ordinateur avec un écran à tube cathodique, avec son logo Macromédia, mais c’est rudement bien fait. Il y a des jeux pour apprendre à trouver les lettres le plus rapidement possible. Il y a des exercices très progressifs pour apprendre à taper au clavier en positionnant correctement les doigts, les mains, et d’ailleurs tout le corps afin d’éviter la fatigue musculaire. Et puis on peut découvrir les joies de la dactylographie en tapant des séries de lettres, de mots voire de dictées. C’est un apprentissage ultra nécessaire si l’on ne veut pas être confronté à des élèves à la traîne, tapant avec deux doigts et se fatiguant la nuque et les yeux à chercher tel ou tel caractère. C’est-à-dire à peu près 80% des élèves. ???? Rappelons quand même que les élèves vont devoir taper du texte au kilomètre et qu’ils vous seront grés de les avoir initiés à ce savoir.
C’est aussi un apprentissage qui fera disparaître cette affreuse catégorie de gens qui ont appris à taper au clavier par eux-mêmes, livrés à une frénésie désordonnée, une vélocité de cul-de-jatte lâché sur une messagerie instantanée, heurtant les touches avec une certaine violence précipitée et maladroite. Parfois, le bruit est assorti du mouvement d’un bracelet qui frappe la table ou l’ordinateur. Bref, c’est l’horreur. Il y a des gens qui ont une façon de taper sur le clavier qui me fait détester leur voisinage. Inversement, il y a une grâce dactylographique, une élégance du mouvement et du son auxquelles, j’en suis sûr, vous êtes sensibles.
Et puis, à un moment donné, les élèves découvrent les combinaisons de touches pour former telle lettre, pour former une lettre accentuée, pour obtenir tel caractère. Enfin, on découvre les raccourcis claviers qui évitent tant d’efforts inutiles, qui font gagner du temps. Les crtl + a ou c ou v ou x ou y ou z ou s ou i ou u, etc. Pour ne prendre que les plus simples ! J’ai eu mon succès habituel en présentant crtl + f, ce moment magique de celui qui cherche une info dans 300 pages.
On a découvert des raccourcis plus complexes en rappelant qu’il est possible d’en retrouver un certain nombre en jetant un œil dans les menus des applications utilisées.
Quelques applications
La première application utilisée est souvent le traitement de texte. Nous n’avons pas eu le temps de faire grand-chose avec, mais nous avons été heurtés à quelques petits écueils.
Comme l’enregistrement n’est pas automatique, il faut enregistrer son document et le faire régulièrement. (et rappeler qu’il faut le faire) Un simple régulier crtl + s fait l’affaire.
Nous n’avons pas encore abordé la question des styles, mais nous y viendrons. On a juste eu le temps de préciser que les polices fantaisistes et les couleurs turquoises ou fuschia étaient à proscrire. On a également évoqué la taille de la police et la possibilité de zoomer dans le document si l’on n’y voyait pas suffisamment.
En les observant noter la leçon, j’ai pu remarqué qu’ils étaient embêtés… avec les couleurs (Pourquoi ça écrit en rouge alors que je voulais du noir ?). Mais c’est quand on en est arrivé à l’insertion d’un tableau que je me suis aperçu que personne ne savait comment faire. ???? Du moins, il avaient trouvé l’icône permettant d’insérer un tableau, mais de là à reproduire le petit tableau que j’avais fait, moi, avec trois de ses colonnes fusionnées… c’était autre chose. Le traitement de texte est d’un usage primordial. C’est par le biais de ce logiciel qu’ils me rendront des travaux. Ils ont donc besoin de savoir l’utiliser pleinement. À un élève qui produisait un contenu complètement déstructuré et qui me disait « L’important, c’est que je me comprenne, moi », je lui répondais qu’il faudrait bien que je comprenne, moi, ce qu’il écrit dans les documents qu’il me rendra…
Ceux-ci seront le plus souvent exportés au format PDF (puisque je les corrige sur mon iPad avec l’application PDF Expert et mon stylet). C’est là un premier travail à la notion de format. Et je voyais bien que pour eux une image, c’est une image. gif, png, jpg, pdf, raw… Tout cela est bien loin de leurs préoccupations.
On a enfin remarqué que le correcteur orthographique n’était pas toujours d’une grande aide. Si l’élève écrit un mot dont l’orthographe lui donne de grandes difficultés, le traitement de texte ne saura pas lui proposer la solution.
En revanche, en utilisant Le Petit Robert, c’est autre chose. Écrivons le mot phonétiquement et le logiciel trouvera la solution !
S’organiser
Nous utiliserons Evernote pour créer un cahier numérique. Ça a été un moment intéressant d’expliquer que l’informatique se développe à coups de métaphores. Celle du bureau, par exemple. Je n’ai pas pu résister aux joies de l’explication étymologique. De la bure recouvrant la table, au bureau sur lequel on écrit, en terminant par le bureau de l’ordinateur, on voit là combien la vie des mots est riche de significations. Mais revenons à nos métaphores. Evernote n’y échappe pas. Avec cette application, on prend des notes qui prennent place dans des carnets qu’on peut créer autant que besoin est. Les carnets peuvent être assemblés, ce qu’on appelles des piles. On a là une sorte de classeur, métaphore que l’on retrouve avec l’application OneNote de Microsoft.
On voit là que le numérique reproduit le réel. Rien de neuf sous le soleil, mais on voit bien aussi qu’il y ajoute des fonctionnalités inédites. Le classeur numérique peut et doit être partagée. Avec moi, bien sûr mais aussi avec les autres élèves. J’ai accès à leur cahier en permanence. Les absents ont le mien en permanence. L’application contenant un chat, c’est comme si en ouvrant le cahier de l’élève, il y avait à l’intérieur une possibilité de communication entre les élèves et leur professeur.
C’est d’ailleurs une belle façon de communiquer des documents. Fin des photocopies. C’est aussi un extraordinaire moyen de rattraper les cours que l’on a manqués.
Le rapport au cours
La machine en main, le comportement des élèves en classe a complètement changé. En bien et en mal. Tout d’abord, ils doivent comprendre que ce n’est pas une version moderne de la fenêtre par laquelle ils regardent pour tromper leur ennui. Bref, si l’on n’a pas besoin de l’ordinateur, on le ferme. Je ne veux pas parler à des élèves qui font autre chose. Mais quand ils notent (et il faut préciser que nous avons réceptionné ces ordinateurs à un moment où on faisait un travail très classique de révision de la conjugaison), j’ai remarqué un surcroît d’attention. Habituellement, les élèves attendent que le malchanceux qui est au tableau ait fini d’écrire pour recopier. Là, ils notaient en même temps. Ne risquant pas de raturer un résultat incorrect, ils pouvaient sur leur traitement de texte tout noter sans risque d’erreur et sans avoir à recopier deux fois les choses (une fois au brouillon, une fois au propre).
Ce ne sont là que quelques remarques, quelques observations rapides. Ce ne sont pas des pratiques numériques extrêmement développées, mais les élèves ont eu le sentiment de découvrir une machine et des usages possibles auxquels ils n’avaient jamais été confrontés, alors même qu’ils sont des usagers depuis plusieurs années. Et ce sur des choses très simples ! Imaginez quand nous poursuivrons avec la web radio, la télé ou l’initiation au wikicode ! Il y a tant à faire pour créer cette culture numérique qui n’appartient à aucune matière et que parfois aucune matière ne saisit.