Peut-être vous demandez-vous quel est ce site, peut-être voulez-vous savoir où vous mettez les pieds.
Eh bien, il y a maintenant un an et demi, après quelques tentatives infructueuses d’utiliser l’informatique pour enseigner le français en classe, j’ai eu l’idée de faire ce site. La raison première en est fort simple : le HTML (ou le XHTML) est relativement simple à apprendre comparativement aux difficultés que l’on peut rencontrer quand on veut apprendre un langage comme le C ++. Pour être tout à fait franc, on peut même s’en passer totalement, au début en tout cas… De surcroît, un site internet s’utilise sur n’importe quelle plate-forme (Mac, Linux ou Windows) et ne nécessite aucune installation spécifique sur un poste de travail. C’est l’assurance d’une adoption facile et rapide.
Dès le début, j’avais alors expliqué ici même quelles étaient mes intentions en créant ce site.
Aujourd’hui, il me semble utile de les reformuler, ne serait-ce que parce qu’elles ont un peu évolué ou parce que l’enjeu n’est peut-être plus tout à fait le même.
Ce site est né du désir d’occuper une place laissée vacante par l’enseignement (ou les enseignants, comme on voudra), celui du soutien scolaire. Précisément, je déteste l’idée qu’on puisse monnayer un service né de l’angoisse des élèves et de leurs parents. J’en avais déjà parlé ici (Post du 17 octobre). Sur internet, on trouve nombre de sites proposant, moyennant finance, une aide scolaire. Or il ne devrait pas y avoir de place pour cela. L’enseignant est à même d’aider ses élèves. L’Education n’est pas un marché. L’inégalité scolaire peut être sinon stoppée du moins limitée (1).
Je me suis dit alors que je pouvais mettre en ligne des cours accessibles aux collégiens de tout niveau. Ceux-ci pourront obtenir les cours aisément en cas d'absence, vérifier qu'ils n'ont pas commis d'erreur, trouver un supplément d'informations... Passés dans une classe supérieure, ils pourront aussi réviser telle ou telle notion apprise superficiellement ou tout simplement oubliée. Je me suis ensuite rendu compte également qu’un logiciel comme HotPotatoes me permettait de générer des exercices interactifs simplement (c’est-à-dire sans aucune connaissance en programmation) et qu’un élève désireux de progresser pourrait même ainsi organiser une partie de son travail au gré de ses réussites, de ses difficultés, de ses envies et de ses répulsions (2).
J’avais aussi dans l’idée de proposer des séquences complètes. Je m’explique. Internet regorge de propositions de séquences en tout genre, mais le plus souvent, on a simplement accès au plan d’une séquence sans les exercices, sans les textes qui servent de support, sans la trace écrite de l’enseignant qui a fait ou tenté telle ou telle séance dans le monde réel. Je voulais proposer tout cela : une sorte de manuel numérique en somme offrant de surcroît documents audio, vidéos, picturaux, etc. Pour ma part, je trouve l’idée intéressante en ceci qu’elle permet de s’affranchir du problème du poids du manuel ou de la limitation des pages (3). On peut ainsi créer un manuel de dix mille pages si l’on veut ; on peut même créer des déclinaisons de séquences, c’est-à-dire des séquences proposant une vingtaine de textes, une trentaine d’objectifs, pour une quarantaine de séances. Aussi pourrait-on choisir, selon la classe, selon l’année et notre humeur ou celle des élèves, les éléments qu’il nous faut pour composer notre séquence. Ce serait une multitude de séquences en une seule…
Quoi qu’il en soit, Ralentir travaux a évolué par gonflement interne, par ajouts successifs : des lectures, des poèmes, du théâtre, des diaporamas, des photos, des vidéos, encore et encore des séances et des séquences, des illustrations, un blog, un forum, etc.
Et le champ du possible s’étend encore.
Ce que l’on peut faire est une révolution de l’enseignement, mais que l’on ne s’y trompe pas, ce serait prendre le train en marche. D’autres le font et vont très loin (4). Peut-être ce type de site n’est-il d'ailleurs qu’un pis-aller en attendant que l’Etat, soucieux d’autre chose que de diminuer les moyens qu’elle donne à l’éducation, mesure les enjeux de l’utilisation de l’informatique à l’école.
Que l’on songe à cette invention des années soixante : l’e-mail, dont je ne veux pas franciser l’orthographe, n’est-il pas un grand soulagement pour l’élève qui n’a pas bien compris une consigne, une leçon et qui peut demander des explications à son professeur en lui écrivant ? N’est-ce pas non plus un grand soulagement pour ce professeur qui — le lendemain — s’adresse à un élève qui a fait son travail au lieu d’arborer un sourire gêné qui signifie : « Je n’avais pas compris ce qu’il fallait faire… »
Toujours est-il que je me retrouve avec un site quelque peu lourd à maintenir. Ce n’est même plus un site, c’est un chantier permanent. Je parviens même à y trouver des choses dont j’avais oublié l’existence.
Au reste, je n’ai jamais eu l’intention de maintenir ce site seul. En fait, ce site est même la négation de la solitude de l’enseignant (voir le numéro du mois de décembre du Monde de l’éducation) : c’est un partage des cours, un partage des idées, des ressources, c’est l’acceptation du regard de l’autre, c’est faire cours porte ouverte en somme.
Le titre du site est d’ailleurs emprunté au recueil de poèmes de trois écrivains surréalistes. C’est une façon de dire que ce site ne peut être fait par un seul. C’est évidemment aussi une invitation à la patience, à la lenteur propice au travail, une invitation à l’humilité : sans fausse pudeur, voici mon travail. Prenez-le pour ce qu’il est c’est-à-dire en cours d’accomplissement, imparfait, perfectible. S’il est bon il vous sera utile, s’il ne l’est pas, il gagnera toujours à être soumis à votre regard. Pour plagier Montaigne, votre approbation ou votre condamnation me seront utiles.
Dès lors, on l’aura compris, le destinataire de ce site est double voire triple. Il s’adresse aux élèves. C’est un lieu où l’on peut trouver de l’aide, des cours, des exercices. Il s’adresse à mes collègues. C’est un espace de travail, de communication. Enfin, il s’adresse aux parents. Il les informe sur ce qui se fait en classe, sur ce que font leurs enfants.
Pour tout dire, j’ai de plus en plus de mal à faire évoluer ce site, parce que tout simplement je ne parviens pas à tout faire. Evidemment, cela peut très bien continuer ainsi : petit à petit, je rassemble mes travaux et les années passant, j’aurais quelque chose de plus ou moins satisfaisant. Néanmoins, que ne gagnerait-on pas à travailler ensemble ? Ralentir travaux deviendrait alors un véritable site.
Notes :
1 - A condition, que les élèves aient un accès à un internet. Aujourd’hui, si beaucoup de gens ont un ordinateur, tous n’ont pas internet. En zone rurale, on ne trouve nul cybercafé, et le collège avec sa douzaine de postes dans l’unique salle informatique pour plusieurs centaines d’élèves (sans même évoquer le sous-équipement des écoles primaires) n’est pas à même de pallier ce problème. Du coup, on se retrouve à générer de l’inégalité scolaire.
2 - Certains élèves réclament des exercices parce qu’ils voudraient pouvoir approfondir telle ou telle notion. D’autres trouvent là un soutien.
3 - L’idée ne peut évidemment être exploitable que dans un établissement où des élèves auraient un ordinateur portable comme cela se fait par endroits. Les élèves n’auraient plus à porter des sacs de dix kilos, n’oublieraient plus rien… ou oublieraient tout s’ils n’ont pas leur ordinateur. Enfin, l’idée de manuels chèrement payés finissant au rebut parce qu’ils sont trop anciens ou en inadéquation avec les programmes m’incite à penser que la notion même de manuel est dépassée.
4 - Je pense aux universités qui mettent sous forme de podcasts leurs cours, je pense aux enseignants de bonne volonté qui le font déjà en diffusant des cours filmés (voyez plutôt).