Peu de jours après ce raccommodement, j’étais aux fenêtres de mon hôtel garni avec mes sœurs et quelques Bretons ; nous entendons crier : « Fermez les portes ! Fermez les portes ! » Un groupe de déguenillés arrive par un des bouts de la rue ; du milieu de ce groupe s’élevaient deux étendards que nous ne voyions pas bien de loin. Lorsqu’ils s’avancèrent, nous distinguâmes deux têtes échevelées et défigurées, que les devanciers de Marat portaient chacune au bout d’une pique : c’étaient les têtes de MM. Foulon et Berthier. Tout le monde se retira des fenêtres ; j’y restai. Les assassins s’arrêtèrent devant moi, me tendirent les piques en chantant, en faisant des gambades, en sautant pour approcher de mon visage les pâles effigies. L’œil d’une de ces têtes, sorti de son orbite, descendait sur le visage obscur du mort ; la pique traversait la bouche ouverte dont les dents mordaient le fer : « Brigands ! » m’écriai-je, plein d’une indignation que je ne pus contenir, « est-ce comme cela que vous entendez la liberté ? » Si j’avais eu un fusil, j’aurais tiré sur ces misérables comme sur des loups. Ils poussèrent des hurlements, frappèrent à coups redoublés à la porte cochère pour l’enfoncer, et joindre ma tête à celles de leurs victimes. Mes sœurs se trouvèrent mal ; les poltrons de l’hôtel m’accablèrent de reproches. Les massacreurs, qu’on poursuivait, n’eurent pas le temps d’envahir la maison et s’éloignèrent. Ces têtes, et d’autres que je rencontrai bientôt après, changèrent mes dispositions politiques ; j’eus horreur des festins de cannibales et l’idée de quitter la France pour quelque pays lointain germa dans mon esprit.
Extrait des Mémoires d'Outre-Tombe de François-René de Chateaubriand
1. Quel est le type de discours utilisé l. 2 ?
2. Réécrivez les paroles rapportées ( l. 2 ) au discours indirect en commençant par On nous cria...
3. Relevez un exemple de discours narrativisé.
4. Relevez le champ lexical du corps.
5. Relevez les verbes l. 4 et 5 ( à partir de « nous ne voyions pas » ) et conjuguez-les au temps où ils sont.
6. Quels sont les temps des verbes dans « Si j’avais eu un fusil, j’aurais tiré sur ces misérables » ?
7. Relevez une proposition subordonnée relative. Relevez le pronom relatif, donnez sa fonction et dites quel est son antécédent.
8. Relevez une proposition subordonnée circonstancielle. Quelle est la circonstance exprimée ?
9. Relevez une phrase de chaque type.
10. « Mes sœurs se trouvèrent mal » (l. 12)
Mettez cette phrase à la forme emphatique.
11. « les poltrons de l’hôtel m’accablèrent de reproches » (l. 12-13)
Mettez cette phrase à la forme passive.
12. « Ils poussèrent des hurlements » (l. 10-11)
Faites de cette phrase une phrase interrogative, d’abord par inversion simple puis par « est-ce que ».
13. « Les massacreurs, qu’on poursuivait, n’eurent pas le temps d’envahir la maison et s’éloignèrent ».
Réécrivez cette phrase en conjuguant les verbes au passé composé. Attention aux accords !
14. Donnez la nature et la fonction des mots ou des groupes soulignés.
« j’étais aux fenêtres de mon hôtel garni »
« nous distinguâmes deux têtes échevelées et défigurées »