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Le cahier de textes numérique

J’ai trouvé la lecture du Bulletin officiel du 9 septembre 2010 sur le cahier de textes particulièrement instructive, et je ne suis manifestement pas le seul !

Précisant les modalités de sa mise en œuvre, ce bulletin rappelle à notre bon souvenir ce qu’est un cahier de textes aujourd’hui, grâce à l’informatique (il faut dire que le dernier bulletin datait du 3 mai 1961).

Ce qui a le plus choqué, et à juste titre, c’est que l’enseignant soit enjoint à livrer dans le futur cahier de textes numérique « tout document, ressource ou conseil à l’initiative du professeur, sous forme de textes, de fichiers joints ou de liens » ! Il s’agit, en somme, d’envoyer sur internet des fichiers dont nous n’avons pas les droits. C’est à se demander comment il est possible qu’une telle proposition n’ait pas heurté le bon sens des têtes pensantes du ministère !

À lire ce bulletin, on comprend aussi que le cahier de textes sera être un véritable chef-d’œuvre : doivent évidemment y figurer le travail réalisé, mais aussi le travail à faire, le tout accompagné – on l’a vu – de plein de fichiers illégaux (cf. ci-dessus). On nous demande également d’accorder un soin tout particulier à la mise en page : « polices de caractères, soulignement, couleurs, etc. » (au cas où quelqu’un aurait souhaité faire un truc répugnant à l’œil).

En outre, « Les textes des devoirs et des contrôles figureront au cahier de textes, sous forme de textes ou de fichiers joints. Il en sera de même du texte des exercices ou des activités lorsque ceux-ci ne figureront pas sur les manuels scolaires ».

Les manuels scolaires… C’est bien ça… Ce cahier de textes sera un véritable manuel scolaire !

Personnellement, ça ne me dérange pas plus que ça. Évidemment, ça va râler dans les salles de profs ou les forums d’enseignants, et je le comprends. Malheureusement, la mauvaise foi de certains d’entre eux est malvenue. J’ai lu la réaction d’un enseignant qui disait : « et maintenant il faudrait que j’utilise mon abonnement internet et mon ordinateur pour remplir des cahiers de textes ». Ah ! Comme si on payait encore un forfait à la connexion ! Comme si notre ordinateur allait souffrir de la nouvelle (j’ai écrit « nouvelle » ?) nécessité de remplir son cahier de textes !

Mais ont-ils vraiment tort ces enseignants qui rechignent ? Pas tout à fait. Les enseignants sont énervants à râler dès qu’on leur demande quelque chose, mais je dois quand même reconnaître ceci : on demande toujours plus à l’enseignant, sans pour autant revaloriser un salaire sans rapport avec les vicissitudes de la vie. Au reste, la dernière fois qu’un inspecteur est venu me voir, il n’en avait rien à faire de mon cahier de textes numérique. Même pas regardé ! Pourtant il y avait tout : la mise en page, les liens, et tutti quanti !

J’ai plus ou moins abandonné finalement, essentiellement parce que le collège a depuis investi dans un logiciel à l’interface archaïque et peu ergonomique qui ne permet pas tout à fait ce que demande le Bulletin officiel. Et, compte tenu des travaux que connaît notre établissement, on ne peut pas encore l’utiliser (le serveur déménage).

À propos d’informatique, quelques mots pour finir. Je veux bien admettre la nécessité d’évoluer dans nos pratiques. Ce qui me gêne, cependant, est le peu de matériel figurant dans les collèges. Dans la salle des profs, il y a trois ordinateurs que l’ex-RDA aurait méprisés (je le redis, juste pour le plaisir, où diable le Conseil général est-il allé chercher des écrans à tube cathodique ?) pour une cinquantaine de profs. S’il n’y a pas d’ordinateurs, comment fait-on ? En somme, on met la charrue avant les bœufs, mais le ministère se dit peut-être que les bœufs sont déjà là…

Il se trouve que les bœufs ont pratiquement tous un ordinateur portable. En revanche, ils n’ont pas tous envie de l’utiliser ou même de l’amener. Encore une fois, ça se comprend : chez nous, il n’y a pas de serrure dans notre collège rénové, mais pas fini (quelqu’un a oublié de commander les barillets)… Alors, moi, mon ordinateur, je l’ai sur moi en permanence, même pour aller aux toilettes.

Pour finir ce billet (je ne voudrais pas que l’on pense que je suis rétif au cahier de textes numérique), je voudrais donner un modeste aperçu de ce à quoi devrait ressembler un cahier de textes (si j’ai bien tout compris) :

Mercredi 8 septembre 2010

Séance 1° (fin)

Leçon 1 : La chanson de geste

Lecture du poème de Victor Hugo

Distribution du texte et du questionnaire de la séance suivante pour ceux qui veulent se mettre en avance.

Pour le lundi 13 septembre, apprendre la leçon 1

Qui voudrait faire un tel travail pour le même salaire ? Si je le fais, c’est parce que j’en ai envie, mais on ne saurait contraindre qui quoi que ce soit à réaliser ce travail de cénobite. Qui a envie d’utiliser les mochissimes logiciels scandaleusement vendus pour faire cela ? Ne pourrait-on trouver un logiciel élégant, simple, ergonomique ? Libre ? J’avoue ne pas m’être penché sur la question.