Laissez-moi vous raconter cette histoire.
Le haut débit sous les cocotiers
Quand j’ai quitté la Nouvelle-Calédonie, j’avais internet. Pas du bas débit, de l’ADSL s’il vous plaît (en 2004 il me semble). Certes en 256 ko/s mais de l’ADSL quand même. Une fois mon séjour achevé et conformément à la loi, le fonctionnaire que je suis a été prié – au terme d’une durée de quatre ans – de retourner sur le territoire de ses ancêtres (en 2006, ça c’est sûr). Dont acte. La somme de mes points m’a permis d’obtenir la Champagne-Ardenne. Quel chanceux je fais ! Quand je pense que j’aurais pu avoir Biarritz ! Je m’y installe et pense déjà à ma future connexion internet. Las ! je découvre que je ne pourrai avoir que du bas débit ! Misère…
Quid facimus ? pensais-je in petto.
Bah rien…
En plein travaux de rénovation de la bâtisse que j’ai acquise que la banque possède, je reçois un coup de fil. Une voix doucereuse venue du service commercial d’Orange me déclare, avec la certitude de celui qui sait, que je vais – contrairement à ce qui m’avait été dit – pouvoir jouir du haut débit. Et aussitôt de dégainer ma carte bleue. On me dit alors que je recevrai une Livebox, etc.
Les jours passent, les semaines, les mois aussi d’ailleurs, mais d’internet haut débit point du tout.
Bien sûr, je m’enquiers auprès des services compétents. On n’en sait rien, On va voir, On vérifie, Attendez, On vous rappelle, On ne sait plus, Qui vous a dit ça ? etc. Qu’importe la personne à qui j’ai lâché mon numéro de carte bleue, cette personne s’est évanouie dans les limbes du démarchage d’abonnements à internet. La seule solution consiste à contracter un abonnement en bas débit. Et ça, c’est l’horreur. Il ne me reste plus qu’à maugréer et à déplorer en un silence plein d’aigreur le désintérêt des fournisseurs d’accès à internet pour les paysans isolés que nous sommes.
Enfin le haut débit en France métropolitaine
Le temps passe. Et puis un jour, j’apprends que je vais avoir le haut débit.
Je manque de défaillir.
Il y a même une réunion à la mairie où on nous explique comment cela va se passer. À l’approche des élections (nous sommes alors à l’aube de 2007), il ne sera pas dit qu’on aura laissé des gens sans accès au haut débit. Internet devient un droit fondamental, en passe de devenir inaliénable, il faut que les paysans que nous sommes aient internet. Le conseil général se sort alors les doigts du… du… du porte-monnaie et met du pognon là où l’opérateur historique ne saurait le faire (merde, ce sont des paysans en nombre insuffisant quand même).
Là, je déchante : pour la modique somme d’une quarantaine d’euros, on aura du 512 voire du 1 Mo. Mais il faut voir comment ! On tire une ligne classique qui parvient jusque dans l’église. Dans la sacristie, on place un routeur et sur le faîte, à côté du coq, on met une antenne diffusant les précieux kilo-octets par Wi-Fi que l’on reçoit avec une antenne géante ! Ça s’appelle le Pack Surf Wi-fi. Alléluia ! Comment ne pas croire en dieu ? Malheureusement, comme le disait un jour le créateur du feu Nabaztag dans l’émission Plein écran, le Wi-Fi, c’est de la merde. Le moindre truc vous dévie une onde et vous prive de votre connexion, vous savez celle que vous avez acquise à prix d’or sans les communications illimitées, la télé et tutti quanti. J’oubliais ! Sans la box (bon sang ! que je déteste ce mot) non plus. Il faut faire l’acquisition d’un routeur, mais j’y reviendrai plus tard.
L’internet du pauvre pour un prix de riche
Quelle que soit la qualité de ma connexion, j’ai le haut débit. Pas du 18 Mo comme à dix kilomètres pour un prix inférieur avec les communications téléphoniques, et tout et tout mais le haut débit quand même. Nos élus voulaient pouvoir affirmer que tout le monde a le haut débit, mais ils omettent de dire que tout le monde n’a pas le même haut débit : par Wi-Fi avec les aléas qui lui sont inhérents ou par Satellite avec des quotas ou encore par les fils de cuivre avec les avantages que cela présente, par la fibre…
Après un début très difficile (ça ne marchait vraiment pas), je suis souvent amené à me plaindre de déconnexions, parfois fort longues, fort ennuyantes, en général réglées plus ou moins rapidement. Raison pour quoi, je rêve d’avoir une connexion normale par les petits fils de cuivre de mon téléphone.
Et SFR vint
C’est à ce moment que SFR intervient. Ceux-là, je ne les apprécie guère, mais je me range à leurs arguments. Avec eux, j’aurai une connexion classique. Je souscris donc à un abonnement chez SFR. Je reçois les identifiants puis la «box», et je n’ai plus qu’à attendre le raccordement qui m’apportera enfin la paix intérieure. Malheureusement, en dépit de l’éligibilité à laquelle il semble que je puisse prétendre, je reçois un courrier m’informant que les services techniques n’ont pas été en mesure de me satisfaire. Il faut donc que je renvoie la «box».
Pas grave. Le Wi-Fi, avec mon antenne géante changée entre-temps, me satisfait plus ou moins. Ce n’est pas extraordinaire, mais ça marche. De temps à autre, j’appelle le service technique toujours pour des problèmes de déconnexion, mais en principe cela est réglé plus ou moins vite. À condition que l’inopinée déconnexion ne se produise pas un week-end (que je ne veux pas écrire weekend).
Un beau jour, je reçois un coup de fil de… SFR : «Coucou, c’est nous. On a fait des travaux. Vous êtes éligible et blabla, blabla». Moi : «Non merci, on m’a déjà fait le coup. Je reste chez Orange». SFR : «Si, si. Sur mon ordinateur, etc. Et puis si je vous le dis, etc.» Bref, je décline. On en reste là.
Et puis un autre beau jour, non pas un beau jour, paf ! Plus de connexion. Me piquant d’être un peu geek tendance Nerd à pulsion No-life, je bidouille. On débranche. On ping. On change de chaîne. On change même les DNS. On vérifie tout et tout. Mais il faut se rendre à l’évidence, force est de constater que ça ne marche plus. Rien n’y fait. Et le service technique d’avouer au téléphone son impuissance et de m’annoncer la nécessité d’une intervention technique… dans trois semaines.
J’en tombe de ma chaise. Je frémis, je brûle, je bous ! Ni une ni deux, je me connecte (de mon établissement scolaire) et je cherche quelles solutions s’offrent à moi. Après tout, du temps a passé, peut-être suis-je vraiment à nouveau éligible.
Et après ?
Vous connaissez l’art de la temporisation ? Dans un roman, cela consiste à différer la suite de l’histoire en racontant autre chose afin d’impatienter le lecteur, de piquer sa curiosité et de le pousser – in fine – à lire la suite.
Ce que je vais faire.
Trois semaines sans internet. Évidemment, dans mon collège, je pouvais assouvir mes pulsions technophiles. Je n’ai donc souffert que le minimum. Et puis j’avais mon iPhone… C’est d’ailleurs à cette période que j’ai lu l’article sur la 4G. On y disait que les opérateurs s’engagent à couvrir plus de 90% du territoire. Ce qu’ils avaient fait pour la 3G (s’engager je veux dire)… S’étaient-ils engagés à faire de même pour l’Edge ? En tout cas, dans ma cambrousse, je n’ai ni l’un ni l’autre. Ni Edge ni 3G. Ah si ! j’ai un réseau Edge. Un sous-réseau, un truc indéfinissable probablement commun à tous les opérateurs, quelque chose d’une telle lenteur que le bas débit fait office de rêve de geek. Si si ! Voyez plutôt cette vidéo montrant le temps qu’il faut pour afficher entièrement un site pourtant adapté à un téléphone mobile (je vous préviens, c’est la vidéo la plus ennuyante du net) :
Alors quand je reçois un coup de fil m’annonçant avec grand fracas que les clés 3G c’est vachement bien, je pouffe et je raccroche.
Bref, c’est cette maigre connexion qui me permet de patienter trois semaines. Et je vous l’ai dit, je me suis demandé que faire. Sur internet, je n’ai pas trouvé grand-chose. Orange ne permet pas de prétendre au haut débit de façon classique, mais SFR oui. Je m’en étonne, mais ils sont formels. Le désespoir suspend mes doutes, et malgré ma déplorable expérience passée, je souscris. Je me dis que cette fois, c’est la bonne. Alors je reçois mes identifiants, la «box», et je n’ai plus qu’à attendre le raccordement. J’ai bon espoir, je suis naturellement et benoîtement confiant.
J’attends.
Je n’ai plus internet, mais j’attends.
Et le couperet tombe. Un courrier venant de SFR m’informe que les services techniques n’ont pas été en mesure d’établir la connexion demandée. Je dois donc renvoyer à nouveau leur putain de «box». À ce moment, je me pose quand même une question : soit ils sont cons, et ça m’étonnerait un peu, soit ils ne sont pas cons, et ça m’étonnerait beaucoup. Ils s’amuseraient à prétendre des choses fausses, à distribuer des «box» et à se les faire renvoyer à leur frais ? J’ai des doutes… Lors de mon abonnement, on m’a demandé si je voulais basculer entièrement chez SFR, et ne plus dépendre en aucun cas d’Orange, ce que j’ai décliné. Si j’avais accepté, je n’aurais pas l’ADSL, mais mes communications téléphoniques seraient payées à SFR… Est-ce le but de la manœuvre ? Nous forcerait-on un peu la main en faisant miroiter un prétendu abonnement internet impossible pour faire souscrire à un nouvel abonnement téléphonique ? Je me pose la question… Ça me semble un peu tordu comme raisonnement, mais enfin…
Quoi qu’il en soit, j’ai eu la réparation par Orange de ma connexion. Leur nouvelle installation n’a pas été sans problème d’ailleurs. Tout marchait à nouveau, excepté que ladite installation était incompatible avec mon routeur Netgear. On m’a conseillé un Belkin, ce que j’ai fait sans sourciller tant j’étais désireux de retrouver enfin une connexion. Évidemment, j’ai dépensé une quarantaine d’euros pour un nouveau routeur alors que l’ancien fonctionne très bien, mais pas avec ma nouvelle installation. Passons.
Jusqu’au prochain problème, tout ça ne sera certainement qu’un méchant souvenir, mais franchement j’ai ri à gorge déployée quand j’ai reçu ce mail de SFR :
Y a-t-il un sens du comique chez les FAI ?
Mon problème est-il réglé pour autant ? Il y a quelques jours, j’ai reçu un courrier de la mairie.
Ils le font exprès ?