Article mis à jour le 24.06.16
Nombre d’enseignants ont trouvé le sujet de l’épreuve de français (2012) du brevet des collèges excessivement facile. Sans aller jusqu’à hurler avec les loups de Sauver les lettres, on peut s’étonner qu’un questionnaire portant sur un conte ne contienne quasiment aucune question de grammaire. À lire le sujet de l’épreuve, on en vient même à se dire que ce sujet pourrait être donné à des élèves de sixième.
En effet, il pourrait – exception faite de la question portant sur l’indirect libre – être traité sans réelle difficulté par les plus jeunes collégiens. Est-ce à dire que le sujet de troisième n’était qu’un sujet de sixième ? Que le niveau du brevet – qui est celui du collège, non celui de troisième – est celui du plus petit niveau ? Que le niveau est de plus en plus bas ? Que c’est la faute du socle ? Et je ne sais quoi d’autre ?
Pour répondre, ou plus précisément, pour tenter d’apporter sinon un début de réponse du moins un embryon de réflexion, j’ai dû faire un peu d’archéologie scolaire. Sans remonter jusqu’à la protohistoire du brevet, rappelons que, de 1978 à 1985, ce diplôme s’obtient par le contrôle continu. Ce n’est qu’en 1986 que les collégiens – dont je fus – passèrent à nouveau cette épreuve. À quoi pouvait bien alors ressembler cette épreuve ? Était-elle plus difficile que celle à laquelle nos collégiens ont droit aujourd’hui ? Pour y répondre, pas la peine de chercher sur le web, on ne trouve pas grand-chose. J’ai cherché, mais vainement. Peut-être qu’un autre que moi saura mieux s’y prendre, mais je n’ai pas trouvé. Je me suis alors souvenu que mon père qui était chef d’établissement dans le collège où j’ai passé le brevet avait gardé les sujets de français (et aussi d’histoire et de maths pour ceux que cela intéresse). Par chance, j’avais gardé le sujet, que je vous laisse découvrir.
La différence saute aux yeux. C’est bien simple, le sujet de l’année 2012 est l’exact contraire du sujet de 1986. Autant le premier évacue la grammaire (et ce sera systématiquement le cas pour tous les sujets qui suivront), autant le second lui accord une place symétriquement proportionnelle au nombre de questions de compréhension. L’important n’est alors pas tant de montrer sa compréhension du texte que de faire la preuve de ses capacités grammaticales. Les exigences sont nombreuses : conjugaison du futur, du passé simple (avec un trait d’union !), du passé composé, du conditionnel présent. Le binôme nature et fonction est évidemment de la partie . Et, enfin, des questions sur les propositions subordonnées que je n’oserais pas donner au meilleur de mes élèves.
Que faut-il conclure ? Que le niveau d’exigence a baissé ? Que le niveau des élèves a conséquemment baissé ? La réponse pourrait paraître évidente au professeur de français que je suis. Il n’est que de voir ce qu’on demandait aux élèves et ce qu’on leur demande aujourd’hui. La différence est telle qu’il n’y a pas l’ombre d’une hésitation. Vraiment ? Ce serait faire peu de cas d’un détail. Mon père avait gardé les sujets. Il avait aussi gardé une photocopie de ma copie. Rétrospectivement, cela fait un peu mal. Ce n’est pas mauvais, ce n’est pas bon.
Si je m’en sors relativement honorablement en dictée, je découvre (ou redécouvre, on oublie ce genre de choses) que je n’étais pas une flèche en grammaire. Je ne vous montrerai pas les horreurs que j’ai pondues sur les propositions subordonnées, mais voici un exemple de mes capacités en conjugaison ou à répondre à des questions englobant nature et fonction.
Voudrait-on remettre un tel sujet au goût du jour ? Alors il faudrait rappeler que seulement 50 % des élèves ont obtenu leur brevet cette année-là. Probablement, la notation n’était pas la même. En lisant le barème, je prends conscience que la dictée en 1986 comptait pour 15 points. Aujourd’hui, c’est 6 points, auxquels il faut certes ajouter les 4 points de l’exercice de réécriture. Mais ce sont 15 points sur 80, alors que l’épreuve de français actuelle (voir le sujet de l’année 2016) compte pour 40 points…
Je vous laisse conclure. Le sujet de l’année 2012 était, en effet, très facile (et certaines questions posées en 2014 et en 2015 étaient ridiculement faciles). Pour autant, nombre d’élèves auront achoppé sur tel ou tel point. Finalement, si l’on considère le sujet de 2012, un texte de Michel Tournier, c’est encore un peu élitiste pour beaucoup d’élèves (qu’est-ce qu’un calife ? C’est vraiment un conte ? Quelle est cette histoire de cuisinier et de commémoration ?).
La question n’est-elle pas de savoir ce que l’on veut « retirer » de ce collège. Désire-t-on qu’un élève sache manier les propositions subordonnées consécutives ou sache écrire correctement et comprendre ce qu’il lit ? Malgré tout mon amour de la littérature, tout mon intérêt pour la grammaire, toute l’exigence dont je peux faire preuve à longueur de temps, je ne peux que pencher pour la deuxième solution. Et le sujet de 2014 (et dont j’avais proposé une correction), qui invitait les candidats à réfléchir sur la prose poétique de Saint-Exupéry, a montré que des compétences importantes de lecteur étaient requises. Reste que bien souvent les consignes de correction nous invitent à la clémence, ce qui se conçoit, mais une clémence qui a clairement pour objectif de distribuer des points allègrement : « l’élève a le droit de dire qu’il n’a pas compris », nous a-t-on dit l’an dernier.
P.-S.
Suite à de nombreuses demandes, j’ajoute les sujets d’histoire et de maths.
Histoire géographie
Mathématiques