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Si les lycéens n’ont pas la maturité pour être éduqués au numérique, les collégiens l’ont

Exercice de sixièmeLa page d’exercices en sixième est devenue, cette année, l’une des pages les plus consultées. Elle compte désormais près de 150 exercices en tout genre, dont l’essentiel est constitué d’exercices de grammaire, d’orthographe et de conjugaison. Ceux-ci visent à permettre aux élèves de maîtriser le programme de l’année, mais aussi de combler les lacunes qui seraient les leurs. C’est pourquoi je m’efforce de créer des exercices dès que je constate une difficulté (Quand faut-il mettre un ou deux «s» ? Quand faut-il mettre une cédille ?, etc.). L’avantage de ces exercices principalement créés avec Hot Potatoes est de permettre de différencier la pédagogie en donnant des exercices ciblant telle ou telle difficulté. De cette façon, un élève qui n’aurait pas une de ces difficultés peut continuer à travailler sur le programme sans avoir à souffrir les révisions superfétatoires.

Mais compte tenu d’un certain nombre d’obstacles liés pour la plupart aux travaux de rénovation du collège, je n’ai pas pu pendant longtemps utiliser mon propre site avec mes élèves. À présent que les choses sont à peu près rentrées dans l’ordre, je peux enfin utiliser Ralentir travaux avec ceux pour lesquels il a été, à l’origine, créé. Or je me suis aperçu de quelques petites choses qu’il est absolument nécessaire de savoir si vous désirez, en tant qu’enseignant ou en tant que parent, utiliser cette page d’exercices.

L’élève face à l’ordinateur

La toute première chose que j’ai observée est qu’on ne peut pas laisser un élève seul face à son exercice, particulièrement s’il s’agit d’un exercice «binaire» qui appelle une réponse ou une autre. C’est typiquement le cas des exercices consacrés aux homophones, «on» ou «ont» par exemple. Un élève, peu soucieux de comprendre ce qu’il fait, complétera par «on» ou «ont» plus ou moins au hasard, appuiera sur Vérifier (l’exercice met alors en gras les bonnes réponses, laisse les fausses). À la suite de quoi, l’élève corrigera par son contraire ce qui est faux, aura donc cette fois-ci tout bon, et passera à l’exercice suivant sans avoir rien compris pour autant. Dans ces conditions, l’exercice ne sert à rien.

Exercice sur les homophones

Pour être certain que l’exercice a servi à quelque chose, il faut demander à l’élève de restituer la règle lorsqu’il a fini. S’il n’y parvient pas, on peut le renvoyer à la lecture de la leçon et refaire l’exercice avec lui (ou faire d’autres exercices). Dans tous les cas, il faut exiger de l’élève qu’il fasse son exercice dans un onglet. Il pourra passer à autre chose si vous n’avez pas la possibilité de faire le point avec lui immédiatement, et quand vous serez disponible, vous pourrez vérifier le taux de réussite à l’exercice et interroger l’élève afin de vérifier ce qu’il a compris.
L’utilisation des onglets dans Firefox ou Chrome est fort pratique en ceci qu’elle évite de cliquer sur les flèches pour revenir en arrière ou pour aller en avant. Utiliser ces flèches est toujours une perte de temps, surtout si le réseau est lent. Il faut attendre que la page se recharge, on retourne en arrière, va en avant, etc. Je conseille donc à mes élèves d’ouvrir la page des exercices dans un onglet, de lancer un exercice dans un autre et enfin d’en ouvrir un troisième pour y faire des recherches dans Google ou un dictionnaire comme le Larousse ou Reverso.

Un onglet

Puisque les élèves travaillent avec un ordinateur, la tentation est grande de leur rappeler que le clavier ne sert pas qu’à taper du texte, mais qu’on peut effectuer toutes sortes d’actions qui augmenteront l’efficacité du travail. On peut évoquer l’inévitable ctrl + a pour sélectionner du texte, les fameux ctrl + c et ctrl + v pour copier et coller. Si très peu d’élèves utilisent ces raccourcis, aucun ne pense jamais à taper ctrl + f pour effectuer une recherche sur une page qui contient des centaines de lignes lorsque l’on cherche un mot précis (l’essayer, c’est l’adopter). Fort heureusement, certains ont constaté qu’en utilisant la touche Backspace, on passait d’une zone de saisie à l’autre sans avoir pour autant à lâcher le clavier pour la souris. Ça soulage énormément notamment lorsque l’on fait des exercices à trous.

Quoi qu’il en soit, dans le cas où un élève était confronté à une difficulté, je lui demande toujours de noter la leçon ou, si celle-ci est trop longue, de l’imprimer. À la fin (c’est-à-dire au bout de quelques séances), on procède à une évaluation, notée ou non. En ce cas, l’exercice aura permis de prendre conscience d’une lacune, d’y remédier facilement, et même d’obtenir de meilleurs résultats lors de l’évaluation, une évaluation qui cible les difficultés de l’élève, lequel (on l’a vu) n’a pas les mêmes que celle de son voisin.

La tentation d’évacuer la difficulté

J’ai remarqué un autre problème : une tendance à zapper, à passer d’un exercice à un autre, sans trop se préoccuper de cohérence, allant, par exemple, d’un exercice de conjugaison sur le présent de l’indicatif à des mots croisés sur les dieux romains. En début de séance, je précise donc l’objectif à atteindre. Ainsi on travaillera sur les homophones grammaticaux ou sur le présent, et sur rien d’autre tant que l’ensemble des exercices donnés n’auront pas été faits et compris (le taux de réussite doit donc être, selon l’exercice, supérieur à 85%).

Au début, je laissais les élèves butiner au gré de leur fantaisie (que je croyais être l’expression de leurs besoins) dans la série d’exercices. J’ai vu alors des élèves travailler avec plus ou moins d’efficacité, mais j’ai observé chez eux un goût prononcé pour certains types d’exercices. Quels que soient les objectifs fixés par ces exercices (vocabulaire, connaissances, orthographe, littérature…), ils sont toujours choisis par les élèves en fonction de leur aspect non scolaire ou, disons, moins scolaire. Ainsi, les pendus, les quiz (surtout en images comme celui sur les Métamorphoses, sur les contes ou la guerre de Troie), les mots croisés ou les charades ont la préférence des élèves. Ces dernières ont d’ailleurs connu un certain succès. Elles ont évidemment un côté ludique, elles permettent de travailler le vocabulaire et surtout l’orthographe sans qu’il n’y paraisse ou plus précisément les élèves ont besoin de l’orthographe pour réussir l’exercice. De ce point de vue, ils ont véritablement besoin d’un dictionnaire (ouvert dans un onglet, consultable à l’envi, sans qu’il soit nécessaire de revenir sans cesse à la page précédente). Je me suis rendu compte que les élèves avaient très envie d’en rédiger à leur tour, et que la création de ce type d’exercices avec Hot Potatoes était encore plus formatrice, obligeant les élèves à beaucoup de rigueur dans la rédaction des charades, des définitions, dans l’utilisation de l’orthographe, de la ponctuation, etc. Dans le cas contraire, les charades sont infaisables.

Il y aurait beaucoup d’autres exercices à concevoir que le temps ou des connaissances insuffisantes en JavaScript ne me permettent pas de réaliser. J’aimerais faire davantage de dictées, mais cela prend beaucoup de temps d’enregistrer les textes. Par ailleurs, le réseau étant chez nous excessivement lent, l’exercice devient rapidement infaisable.

En guise de conclusion

De tout cela, je retiens que l’usage de l’informatique au collège n’est pas qu’un petit supplément d’âme dans un enseignement somme toute relativement conventionnel. Je me souviens avoir lu sur Twitter que les exerciseurs étaient le degré zéro de l’informatique. Sur le moment, j’accréditais cette formule d’une certaine pertinence. Avec le temps, je pense que les exercices réalisés de cette façon sont un moyen de différencier la pédagogie. En effet, un élève procède à son rythme et, s’il le désire ou le peut, on peut lui proposer de réaliser le programme de l’année, d’aller plus loin, de revenir en arrière sans que cela ne gêne qui que ce soit qui voudrait aller plus vite ou plus lentement. Les parents peuvent même reprendre les exercices avec l’enfant s’ils ont internet à la maison (ce qui est devenu généralement le cas). Et l’on ne risque pas d’oublier le manuel ! Au reste, en dépit de ce que prétend le pourrisseur du web, je suis persuadé que les élèves ont la maturité nécessaire pour être éduqués au numérique… pour peu que l’enseignant le désire et soit très présent.

Dernier point. Pour ceux qui n’ont pas de difficultés particulières (et pour lesquels les révisions susmentionnées sont donc inutiles), on peut très bien les faire travailler sur des tâches plus complexes (des exposés, des rédactions…). Quelques élèves ont même accepté de jouer les tuteurs, et d’expliquer à qui le voulait les règles sur lesquels d’aucuns achoppaient. C’est alors l’occasion pour eux de formuler les choses avec clarté, concision et rapidité, car ils sont très sollicités.

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Pour en finir avec le pourrisseur du web

Un canular pertinent ?

Pourquoi la talentueuse galéjade d’un dénommé Loys n’en finit-elle pas de faire couler de l’encre ? Cette farce n’est-elle donc pas réussie ? Bien sûr qu’elle l’est, et c’est précisément pour cette raison qu’elle est couronnée de succès. De surcroît, elle pose un vrai problème que l’Éducation nationale devra prendre un jour à bras-le-corps. Je veux parler de l’utilisation d’internet dans la rédaction de réponses à un devoir et même lors d’un examen. Mieux encore, on comprend que c’est un problème de société lorsque l’on constate que les lycéens paresseux n’ont pas l’apanage du vice dénoncé. L’auteur du blog À la toison d’or ne dit pas autre chose :

“Des élèves de lycée recopient leurs devoirs ? Et pourquoi ne le feraient-ils pas ? On a vu en moins d’un an un journaliste culturel à succès, une ancienne ministre, un présentateur vedette de journal télévisé et celui qui est présenté comme le plus grand écrivain actuel se rendre coupable de plagiat ! Soit ils ont avoué, soit ils ont présenté des excuses tellement lamentables que personne n’a été dupe.”

Le plagiat, la copie éhontée sont donc des problèmes réels qu’on ne peut ignorer. De ce point de vue, il est intéressant de reconnaître que l’article de Loys met en évidence la plaie que représente ce que j’ai déjà appelé les marchands du temple, ces commerçants du soutien scolaire qui vendent des commentaires et des dissertations à la qualité douteuse. Eux aussi pourrissent le web.

Mais alors, si cet article est bien écrit, est même brillant et pose de vrais problèmes, que ne sommes-nous satisfaits ? Eh bien si l’on passe les petites manifestations d’ego auctoriales (“j’ai voulu démontrer aux élèves que les professeurs peuvent parfois maîtriser les nouvelles technologies aussi bien qu’eux, voire mieux qu’eux”, “cette expérience […] me vaut aujourd’hui une belle réputation dans mon lycée.”), le méchant et pernicieux piège tendu aux élèves, force est de constater que le texte n’apporte aucune réponse au problème posé ou, plus précisément, il l’évacue de la pire des manières.

Foin du numérique

Retournons au bon vieux temps où l’ordinateur n’existait pas. Tel pourrait être le credo de Loys. Exigeons des élèves qu’ils se passent de leurs jouets technologiques. Cette injonction rappelle fortement le désir finkielkrautien de débrancher les établissements scolaires. Outre que, avant de les débrancher, j’aimerais qu’on les branche, on peut s’interroger quant à la légitimité d’une telle demande. Si elle n’étonne plus de la part du philosophe (s’exprimant sur France culture le samedi matin), elle laisse pour le moins perplexe quand il s’agit de notre jeune auteur qui voit dans le numérique le mal qui ronge notre école. Tout se passe comme si de jeunes gens nés à une époque où Steve Jobs n’était déjà plus un hippie puant et défoncé, mais un entrepreneur qui allait changer notre rapport à la machine, tout se passe comme si ces jeunes gens, disais-je, n’avaient jamais rien compris à l’informatique. Ils ont la même réaction que leurs aînés qui ont assisté à la naissance de Pong, ils ne comprennent pas l’intérêt de l’ordinateur personnel. Pire encore, ils le conçoivent comme un péril. Ils poussent des cris d’orfraie et tels des prophètes de malheur nous annoncent que l’école va à sa perte et que son fossoyeur est la machine.

Des enseignants passéistes

C’est précisément cela que je trouve détestable. Cette vaine propension à regretter ce qui est, au lieu de le prendre en compte et d’agir en conséquence. Vous pouvez regretter tant que vous voulez l’omniprésence des machines, elles sont bien là et toutes les incantations visant à restaurer un état antérieur sont frappées d’inanité. Pour pasticher Jean-Marie Tjibaou, je dirais volontiers que notre avenir est devant nous. Le retour en arrière est un mythe. Nous n’aurons pas d’école sans ordinateurs. Faites-vous à cette idée.

Et j’aurais tant voulu que notre contempteur des usages numériques nous dise, tel Umberto Eco, qu’il faut apprendre à “exercer son sens critique face à internet”, “ne pas tout accepter pour argent comptant” (N’espérez pas vous débarrasser du livre). Ne me répondez pas que c’est ce qu’il a fait. Il a éventuellement apporté à des lycéens la preuve qu’il fallait être prudent, il n’a rien enseigné. Or l’exercice, selon Eco, pourrait être : “à propos du sujet proposé, trouvez dix sources de renseignements différentes et comparez-les” (op. cit.). Si Loys avait eu cette idée, celle d’éduquer à l’usage d’internet, son article aurait eu l’assentiment général. Au lieu de ça, ses mesquineries piégées exaspèrent, ses regrets nauséabonds fleurent bon la nostalgie de l’école du passé. Le mot “nauséabond” peut paraître excessif, mais il faut comprendre une chose. Le succès de Loys est le succès de tous les réacs en général et en particulier de professeurs qui, dans un forum bien connu, se débondent en épandant leur regret d’une école qui ne leur convient pas. Parmi eux, un chasseur de mouches (c’est ce qu’indique son pseudo) est le grand réac en chef. Je le soupçonne, tel un personnage huysmansien, de s’être fait tatouer sur la plante des pieds le nom de Meirieu pour le fouler toute la journée. Il hait le collège unique, conspue l’usage de l’informatique en classe, conchie les réformes visant à faire de l’école autre chose qu’une fabrique de crétins (mais après tout, c’est son fonds de commerce). Il abhorre jusqu’à l’Éducation nationale qu’il voudrait voir instruire et non éduquer.

Instruire ?

Vous pouvez m’attribuer d’ores et déjà le point Godwin, je me l’attribue si vous le voulez : la seule fois, en près de 200 ans, qu’on est revenu au ministère de l’Instruction publique, c’était sous le gouvernement de Vichy. Comment, aujourd’hui, peut-on encore prétendre que les enseignants ne sont là que pour instruire et non éduquer (si le sujet vous intéresse, j’y consacrerai un autre article) ? Quoi qu’il en soit, le grand réac a ses thuriféraires parmi lesquels vous trouverez notre pourrisseur du web et sa vulgate : le web est truffé d’erreurs, point de vérité hors du livre dans lequel ils semblent avoir toute confiance. C’est à croire qu’ils n’ont jamais lu la Bible, aucune histoire de la Révolution française ou de la franc-maçonnerie.

Tapage médiatique

L’accueil réservé à de tels personnages fait donc frémir. Ils ont accaparé toute l’attention du public sur Twitter, sur Facebook, sur Europe 1, sur France 2 et que sais-je encore ? Que fallait-il faire pour cela ? Rien ou presque. Il suffisait de dire que les lycéens sont des crétins feignants et que le web est un vivier à sottises. Et tout le monde d’applaudir ! Les bras m’en sont tombés. Tous les gens qui, depuis des années, contribuent à faire du réseau des réseaux un lieu hautement éducatif sont boudés, ignorés, peut-être même maintenant méprisés, et un enseignant venu pourrir le web, falsifier une encyclopédie est accueilli en héros ! C’est pour cela que j’ai écrit cet article Comment j’ai nourri le web. Si c’était à refaire, je l’intitulerais Comment ils nourrissent le web afin d’y inclure tous ceux qui travaillent dur pour publier le fruit de leur travail sur internet. Heureusement, certains d’entre eux ont eu l’idée d’un Wiki rassemblant toutes les contributions. C’est la fin de l’histoire du pourrisseur du web. Que celui-ci retourne dans son cénacle où l’on célèbre l’école d’antan et le charme discret de la bourgeoisie. Je vote pour la damnatio memoriae.

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Comment j’ai nourri le web

Une expérience réussie

J’ai beaucoup ri en lisant l’article Comment j’ai pourri le web. J’ai ri d’un rire primesautier, sans trop porter d’attention à l’objet de ma lecture, une parmi tant d’autres lors d’un mercredi après-midi. J’ai d’ailleurs trouvé l’idée de cette expérience excellente. L’idée de montrer aux élèves qu’ils ne devaient pas se fier aveuglément à ce qu’ils trouvent sur internet, l’idée de leur montrer la vénalité et l’inanité des sites qui vendent des commentaires ou des dissertations, l’idée enfin que la paresse est un bien vilain défaut, tout cela me plaisait. Mais je ne m’attendais pas à une telle conclusion. L’auteur y affirmait qu’internet creuse «la tombe de l’école républicaine», que paradoxalement on ne profite du numérique que quand on a formé son esprit sans lui».

L’école se meurt, c’est la faute à internet

À ce moment de ma lecture, ces réflexions me chiffonnent. Je les ai déjà lues quelque part. D’ailleurs, en parcourant la liste de liens en regard de ce texte, je ne m’y trompe plus, je suis bien en présence d’un lecteur de Néoprofs, de Bonnet d’âne, probablement membre de Sauver les lettres, etc. Ce n’est pas bien grave. Ce sont mes réacs préférés, mais je sais à quoi m’en tenir. Je suis donc en présence d’un article pour lequel l’auteur va consacrer toute son intelligence à vouloir démontrer une chose : l’école meurt, et le numérique est son virus. Je me garderai bien de récolter un point Godwin si tôt, mais enfin le parallèle avec la décadence (le corps qui dépérit), le mal localisé, incarné… On a là tous les poncifs de la pensée réactionnaire. Il ne manque plus que le nivellement par le bas, le bon sens, et on y est.

Évidemment, je ne vais pas entamer un paragraphe pour expliquer l’innocuité du numérique à l’école. Dans la majorité des écoles, collèges et lycées de France et de Navarre, le numérique se réduit à une misérable salle informatique pour des centaines d’élèves. Ce n’est pas ça qui est mortifère. À lire le contempteur des usages informatiques, les élèves paresseux et pas très futés seraient les fautifs. Mais il faut dire que ces pauvres enfants, à qui l’on confie des bijoux technologiques dès leur plus tendre âge, ont des enseignants qui préfèrent se gausser de leur nullité plutôt que leur apprendre à s’en servir.
Et que dire de ce prétendu paradoxe dont la formulation ne se pare des plumes de la rhétorique que pour masquer son indigence ? Des phrases comme celle-là, je vous en ponds à la dizaine : «On ne profite du sport que quand on a formé son corps sans lui» ou encore «On ne profite de l’informatique que quand on n’a jamais utilisé un ordinateur ». Ah ! mince ! Celle-là a déjà été faite…

Une manipulation un rien perverse

Et puis, tout de même, quelque talentueuse que soit la démonstration, elle n’est pas dépourvue d’une certaine perversité. Semer des erreurs sur un texte et un auteur dont les élèves ignorent tout ; attendre d’eux, dénués qu’ils sont, qu’ils se fourvoient dans le piège tendu pour ensuite jeter le blâme sur des procédés auxquels on s’attendait qu’ils s’adonnent et qu’on a même favorisés, si cela n’est pas de la manipulation, de la perversité… Les voix de la pédagogie étant inextricables, la chose était concevable si elle amenait à prendre en compte l’usage des sources sur internet, à poursuivre la démonstration par un travail sur le bon usage des sources sur internet ou ailleurs. Parce qu’il n’y a qu’un naïf pour prétendre que le plagiat éhonté est l’apanage de notre époque. Pour autant que je sache, les élèves ont toujours puisé où ils le pouvaient des réflexions toutes prêtes, leur épargnant ainsi le moindre effort de pensée. Ce n’est franchement pas une nouveauté. Je ne développe pas ce point ; on ne va pas ergoter pour savoir si aujourd’hui c’est plus facile ou si, avant, prendre le stylo pour recopier était d’un quelconque profit. Tout au plus fera-t-on remarquer que si l’on ne veut pas, lors d’un devoir, qu’un élève en classe prenne son iPhone pour butiner des réponses toutes faites, on peut aussi se donner la peine de le surveiller.

Pour conclure

Achevons. L’idée est de battre en brèche l’usage d’internet, de le pourrir annonce le titre. La conclusion est évidemment sans appel : «Leur servitude [celle des élèves] à l’égard d’internet va même à l’encontre de l’autonomie de pensée et de la culture personnelle que l’école est supposée leur donner.» Ainsi l’école serait l’opposée d’internet, l’école émancipe tandis qu’internet asservit. Je n’ai vu aucune démonstration permettant d’aboutir à ce constat. J’ai vu en revanche des lycéens paresseux, mais est-ce que cette paresse s’origine dans l’usage d’internet ? Très sincèrement ? La question ne m’intéresse même pas. Ce qui m’intéresse, c’est ce que ce prof clame haut et fort : «Je pourris internet». Et plus je lisais cet article, plus je me disais que je faisais exactement le contraire. Depuis cinq ans, je m’efforce de nourrir internet, d’y apporter tout ce qui permettrait à mes élèves d’apprendre, de comprendre, de se documenter, d’obtenir de l’aide, de s’entraîner, de réfléchir, etc. Ma démarche est exactement l’inverse de celle prônée par l’auteur de cet article. Je veux que mes élèves n’aient pas à s’inscrire ni à payer pour obtenir une information qui plus est erronée. Je veux que mes élèves sachent où chercher, raison pourquoi je mets tous les liens des sites qui me semblent fiables. Je veux que mes élèves puissent me contacter dès qu’ils achoppent sur une notion, qu’ils puissent retrouver tous mes cours, faire des exercices, etc. Tout cela s’appelle Ralentir travaux, et certainement pas Pourriture du web.

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Liste de lecture pour un collégien

Le rat de bibliothèque

On m’a demandé récemment quels romans pourrait lire un garçon – bon lecteur – actuellement en classe de quatrième. J’ai aussitôt suggéré quelques titres, puis j’ai promis de rédiger une liste bien évidemment non exhaustive contenant divers romans, mais aussi des contes ou des nouvelles.
Cette liste est constituée de titres qui me sont plus ou moins rapidement venus à l’esprit, parce qu’ils m’ont marqué et qu’il m’a semblé qu’ils pourraient plaire à un jeune lecteur. Comme cette liste s’adresse à un collégien de niveau quatrième, elle prend appui naturellement sur le programme (et s’en affranchit parfois). Elle est classée par genre (si tant est que cela soit toujours possible).

Science fiction

Je suis une légende de Richard Matheson
Journal d’un monstre de Richard Matheson
La Nuit des temps de Barjavel
Le Voyageur imprudent de Barjavel
La Machine à explorer le temps d’H. G. Wells
La Planète des singes de Pierre Boulle
Le Passeur de Lois Lowry

Romans policiers

Le Chien des Baskerville d’Arthur Conan Doyles
Les Aventures de Sherlock Holmes d’Arthur Conan Doyles
L’Île aux trente cercueils de Maurice Leblanc
L’Aiguille creuse de Maurice Leblanc
Dix petits nègres d’Agatha Christie
Le Crime de l’Orient-Express d’Agatha Christie
Pars vite et reviens tard de Fred Vargas

Récits fantastiques / surnaturels / noirs

La Vénus d’Ille suivi de Colomba et de Mateo Falcone de Prosper Mérimée
Le Horla de Guy de Maupassant
Nouvelles histoires extraordinaires d’E. A. Poe
Contes fantastiques de Théophile Gautier
Le Moine d’Antonin Artaud
Le Sorcier d’Honoré de Balzac
La Peau de chagrin d’Honoré de Balzac
Les Mystères du château d’Udolphe d’Ann Radcliffe
Le Diable amoureux de Jacques Cazotte
La disparition d’Honoré Subrac de Guillaume Apollinaire
Les Armes secrètes de Julio Cortázar
Le K de Dino Buzzati

Romans d’aventures / historiques

Le Monde perdu d’Arthur Conan Doyles
Le Capitaine Fracasse de Théophile Gautier
Les Mystères de Paris d’Eugène Sue
Les Misérables de Victor Hugo
Oliver Twist de Charles Dickens
Les trois mousquetaires d’Alexandre Dumas
Vingt après d’Alexandre Dumas
Pauline d’Alexandre Dumas
L’Île mystérieuse de Jules Verne
Voyage au centre de la terre de Jules Verne

Récits ou contes du XIXe

L’auberge rouge d’Honoré de Balzac
Trois contes de Gustave Flaubert
Contes du jour et de la nuit de Guy de Maupassant
La Maison Tellier de Guy de Maupassant

Qu’en pensez-vous ? Voyez-vous de regrettables oublis ?
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Un iPad au collège

L'iPad sur le bureau

Ma femme ayant récemment eu le bon goût de m’offrir un iPad, j’ai immédiatement délaissé mon MacBook Pro (et ma femme) au profit de la tablette d’Apple. Je pensais, au début, simplement faire l’essai du passage de l’un à l’autre, voir s’il était seulement envisageable de troquer l’un pour l’autre, mais je me vois aujourd’hui difficilement faire marche arrière. Les quelques lignes qui suivent tentent d’apporter une réponse, même si tout a probablement déjà été dit sur la chose. Mais enfin, voici mon expérience propre.

Un poids en moins

Moi qui trimballe ma machine chaque jour que Steve Jobs fait (ou faisait), la première chose que j’ai observée – ou plus précisément ressentie – est la légèreté nouvelle de mon sac. Le Mac avec son chargeur atteint facilement ses quatre kilos alors que l’iPad pèse moins de 700 grammes ! Mon sac me paraît même vide, et ne l’a pas en horreur (le vide). J’ai aussi gagné de la place sur mon bureau. S’il y a bien une chose que je déplore depuis que j’enseigne à l’aide d’un ordinateur et d’un vidéoprojecteur, c’est le truchement de la machine, cette frontière même ténue qui s’interpose entre mes élèves et moi. Et franchement, quoi de plus triste que ces professeurs qui restent assis derrière leur bureau, les mains sur le clavier ? Désormais, je branche donc l’iPad sur le vidéoprojecteur (il faut pour cela un adaptateur VGA). L’iPad est d’ailleurs si petit qu’il se ferait presque oublier s’il ne suscitait chez les élèves un émerveillement auquel je ne m’attendais pas. S’ils sont parfaitement blasés quand un enseignant sort son ordinateur, fût-ce un Mac tout rutilant, ils sombrent dans une béatitude dont on les sort difficilement les premiers jours quand on exhibe (malgré soi) un iPad. Les jours passants, l’outil se fait plus ou moins oublier et l’on peut travailler. Mais je ne peux m’empêcher de me demander ce que serait un cours si d’aventure l’administration consentait à équiper ma salle d’un vidéoprojecteur wi-fi (je ne sais même pas si la chose existe) ? Que ne pourrait-on faire alors ? Déambuler dans la salle, quitter ce bureau monotone, et, la tablette à la main, afficher tel ou tel point de grammaire en fonction des difficultés aperçues dans les rangs (par exemple)… Il va de soi que, dans ces conditions (et même sans wi-fi), on ne tourne plus le dos aux élèves lorsque l’on écrit au tableau. Pas mal, non ?

En plus du poids, il est un autre avantage lié aux tablettes numériques : la batterie qui, pour ce que j’en fais, tient largement toute la journée. Je n’ai donc pas besoin de prise de courant, et il y a ainsi, dans ma classe, un fil de moins dans lequel les élèves venant au tableau peuvent se prendre les pieds. Ce n’est pas rien.

Comme dans un livre

iCal

S’il est une chose qui, lorsque j’allume l’iPad me séduit tout particulièrement, c’est l’interface dans ce qu’elle a de plus proche avec l’objet qu’elle imite. Ainsi, le calendrier (iCal) ou les livres (dans iBooks) ont l’avantage du numérique (je peux les projeter, les annoter, zoomer…), ils ont aussi l’avantage du papier dont on tourne les pages. Ils se présentent dans toute leur familiarité d’objets connus. C’est alors un plaisir esthétique et pratique qu’on ne cesse que difficilement d’apprécier benoîtement à chaque utilisation. Ainsi quand je donne les devoirs à faire, les élèves ont le calendrier sous les yeux. C’est, il me semble, plus facile d’envisager la semaine dans sa globalité avec les temps forts de la semaine ou au contraire ses moments libres, et de juger de la pertinence de donner tel ou tel travail à tel ou tel moment. Les alarmes me rappellent chaque jour que j’ai donné tel travail à tel élève qui en avait besoin. Elles me rappellent également la punition que j’aurais oublié de réclamer autrement.

L'ïle mystérieuse dans iBooks

Non, mieux qu’un livre

J’apprécie également l’utilisation d’applications tels les dictionnaires : Le Petit Robert, le TLFi, Antidote Ardoise ou Le Larousse illustré. Ces dictionnaires sont un véritable plaisir à utiliser, et je regrette simplement que les élèves n’aient pas une tablette à eux afin de pouvoir consulter ces ouvrages lorsqu’ils travaillent en classe notamment lors des rédactions. À ce sujet, je préciserai – dans le débat sans cesse ravivé Papier vs Numérique – que jamais je ne retournerai au support papier (du moins en ce qui concerne les dictionnaires). Je ne comprendrai jamais que l’on puisse regretter le pavé que représente un dictionnaire, épais, lourd et donc intransportable. Et que dire de ses articles en noir et blanc à la typographie minuscule ? Quel contraste offre alors le Petit Robert sur iPad qui s’offre le luxe de l’espace, de la clarté, de la couleur, de la lisibilité en somme ! Ça y est ! J’entonne un hymne lyricotechnologique. Pardonnez-moi. De surcroît, avec ce système d’application, on fait même l’économie de l’insupportable CD de vérification à glisser tous les 45 jours (oui, je sais les Ayatollahs du libre vont hurler, et ils n’auront pas forcément tort) que le Petit Robert m’inflige sur le Mac.

Quelques inconvénients

Évidemment, il y a bien quelques petites choses qui me chagrinent. Ainsi, on peut regretter que les suites bureautiques ne soient pas vraiment pléthoriques. C’est le moins que l’on puisse dire… Il y a bien iWork, et je m’en accommode, mais j’apprécierais de pouvoir lire le format .odt par exemple. Cependant, la suite d’Apple est assez agréable à utiliser et transférer un document créé sur le Mac ou l’iPad se fait assez aisément en dépit de l’absence d’un véritable système de fichiers (ça, c’est une remarque pour ceux qui voudraient tant voir un port USB sur ce type de tablette). Je n’ai pas encore acheté Keynote (il faut dire qu’on passe son temps à acheter chez Apple), mais j’ai Pages pour le traitement de texte, et Numbers pour les feuilles de calcul.

Pages

Je suis moins habile avec le clavier de l’iPad qu’avec le clavier de mon ordinateur. Si les élèves les plus lents apprécient de me voir taper moins vite, je regrette pour le moment ma maladresse et le peu d’habileté que j’ai pour le moment sur ce type de clavier. Quant à Numbers, je déplore juste que les feuilles de calcul que j’ai importées soient amputées des annotations ou encore des fonctions (les moyennes).

N’ayant pas un iPad 3G mais uniquement Wi-Fi, je regrette l’absence de connexion internet au collège notamment pour accéder à mon propre site ou encore pour utiliser DropBox ou Box.net. L’iPad dépourvu de connexion à internet paraît quelque peu amputé, mais s’offrir le luxe d’un abonnement iPhone plus iPad…

Dernier point. Je suis parfois gêné par les reflets des lumières au plafond. J’ai donc légèrement déplacé mon bureau afin de ne pas être importuné par l’éclairage. C’est évidemment un détail, mais il se rappelle forcément à votre bon souvenir. Heureusement, la SmartCover permet d’incliner la tablette et de se jouer ainsi des reflets indésirables. À ce moment-là, il faut bien songer à vérifier qu’un élève n’a pas collé sa table à votre bureau et ne fasse choir la tablette ainsi en équilibre d’un grand coup de cartable.

En classe
L’iPad relié au vidéoprojecteur (au plafond)

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Éducation Humeur Informatique

SCONET

Dans notre établissement, pendant quelques années, nous avons utilisé Campus pour remplir et éditer les bulletins. Las de dépenser des milliers d’euros pour une prestation peu satisfaisante, il a été décidé que nous adopterions SCONET (Scolarité sur le Net).

SCONET, nous dit Wikipédia, est une application nous permettant «via un simple navigateur sur un réseau sécurisé» de rentrer nos notes et nos appréciations.

Pour y accéder, nous avons reçu une clé OTP (One Time Password). Cette clé affiche un code qui change toutes les minutes.

Clé OTP

Dès lors, on est confronté à un grand moment d’informatique. Qui peut, en effet, savoir que dans la zone de saisie dite «Passcode OTP», l’utilisateur est convié à entrer non seulement le code fourni par la clé OTP mais aussi le code PIN qui a été demandé auparavant ?

SCONET (capture 1)

Si j’en crois mon expérience en matière d’informatique, je n’ai jamais eu à rentrer deux codes en une seule case, mais peut-être me trompé-je… Quand on pense à quel point l’informatique peut avoir ce côté anxiogène, on se dit vraiment qu’on est con de ne pas y avoir pensé… Mais pouvait-on seulement y penser ?

Bref, on rentre son code PIN et le code OTP qui a eu le temps de changer plusieurs fois avant qu’on ait compris quoi que ce soit, et l’on parvient à cette page :

SCONET (capture 2)

À ce moment, on se dit qu’on a loupé quelque chose. C’était quand même bien la peine de nous faire rentrer un double code si c’est pour aboutir à une page dont le certificat n’est pas valide ! À ce sujet, en matière de sécurité, le navigateur Chrome est assez prolixe :

SCONET (capture 3)

Évidemment, on passe outre l’avertissement ; on veut rentrer ses notes, et bon an mal an on arrive sur cette page (avec un beau https) :

SCONET (capture 4)

Le hasard me fait cliquer sur Portail ARENB. Bingo ! Et on arrive là :

SCONET (capture 5)

Et là, avant de comprendre que si l’on veut rentrer ses notes il faut cliquer sur Rechercher, il se passe un certain temps. De clic en clic, on arrive sur une page dans lequel un petit bouton + est niché. C’est lui le Graal :

SCONET (capture 6)

Enfin ! On s’acquitte de sa tâche. On valide et tout et tout. On nous dit qu’on a bien fait tout ce qu’il fallait… et qu’on peut quitter notre navigateur :

SCONET (capture 7)

Pour ma part, même si le message m’évoque fortement les Guignols («Vous pouvez retrouver une vie normale»), je ne peux m’empêcher de protester et de penser que je vais peut-être rester et continuer à flâner sur le net.

Cette petite aventure au pays de l’Éducation nationale s’achèvera lors du conseil de classe par un beau plantage avec l’indicible écran bleu de la mort :

SCONET (capture 8)

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Orange Ô désespoir ou l’incroyable histoire de mon abonnement internet

Contrairement à ce que laisse entendre le titre, cette diatribe ne vise pas uniquement Orange mais aussi SFR. Ladite diatribe aurait d’ailleurs aussi pu s’intituler Comment j’ai eu internet dans ma cambrousse ?

Laissez-moi vous raconter cette histoire.

Le haut débit sous les cocotiers

L'ADSL en Nouvelle-Calédonie

Quand j’ai quitté la Nouvelle-Calédonie, j’avais internet. Pas du bas débit, de l’ADSL s’il vous plaît (en 2004 il me semble). Certes en 256 ko/s mais de l’ADSL quand même. Une fois mon séjour achevé et conformément à la loi, le fonctionnaire que je suis a été prié – au terme d’une durée de quatre ans – de retourner sur le territoire de ses ancêtres (en 2006, ça c’est sûr). Dont acte. La somme de mes points m’a permis d’obtenir la Champagne-Ardenne. Quel chanceux je fais ! Quand je pense que j’aurais pu avoir Biarritz ! Je m’y installe et pense déjà à ma future connexion internet. Las ! je découvre que je ne pourrai avoir que du bas débit ! Misère…

Quid facimus ? pensais-je in petto.

Bah rien…

En plein travaux de rénovation de la bâtisse que j’ai acquise que la banque possède, je reçois un coup de fil. Une voix doucereuse venue du service commercial d’Orange me déclare, avec la certitude de celui qui sait, que je vais – contrairement à ce qui m’avait été dit – pouvoir jouir du haut débit. Et aussitôt de dégainer ma carte bleue. On me dit alors que je recevrai une Livebox, etc.

Les jours passent, les semaines, les mois aussi d’ailleurs, mais d’internet haut débit point du tout.

Bien sûr, je m’enquiers auprès des services compétents. On n’en sait rien, On va voir, On vérifie, Attendez, On vous rappelle, On ne sait plus, Qui vous a dit ça ? etc. Qu’importe la personne à qui j’ai lâché mon numéro de carte bleue, cette personne s’est évanouie dans les limbes du démarchage d’abonnements à internet. La seule solution consiste à contracter un abonnement en bas débit. Et ça, c’est l’horreur. Il ne me reste plus qu’à maugréer et à déplorer en un silence plein d’aigreur le désintérêt des fournisseurs d’accès à internet pour les paysans isolés que nous sommes.

Enfin le haut débit en France métropolitaine

Antenne me permettant de recevoir internetLe temps passe. Et puis un jour, j’apprends que je vais avoir le haut débit.

Je manque de défaillir.

Il y a même une réunion à la mairie où on nous explique comment cela va se passer. À l’approche des élections (nous sommes alors à l’aube de 2007), il ne sera pas dit qu’on aura laissé des gens sans accès au haut débit. Internet devient un droit fondamental, en passe de devenir inaliénable, il faut que les paysans que nous sommes aient internet. Le conseil général se sort alors les doigts du… du… du porte-monnaie et met du pognon là où l’opérateur historique ne saurait le faire (merde, ce sont des paysans en nombre insuffisant quand même).

Là, je déchante : pour la modique somme d’une quarantaine d’euros, on aura du 512 voire du 1 Mo. Mais il faut voir comment ! On tire une ligne classique qui parvient jusque dans l’église. Dans la sacristie, on place un routeur et sur le faîte, à côté du coq, on met une antenne diffusant les précieux kilo-octets par Wi-Fi que l’on reçoit avec une antenne géante ! Ça s’appelle le Pack Surf Wi-fi. Alléluia ! Comment ne pas croire en dieu ? Malheureusement, comme le disait un jour le créateur du feu Nabaztag dans l’émission Plein écran, le Wi-Fi, c’est de la merde. Le moindre truc vous dévie une onde et vous prive de votre connexion, vous savez celle que vous avez acquise à prix d’or sans les communications illimitées, la télé et tutti quanti. J’oubliais ! Sans la box (bon sang ! que je déteste ce mot) non plus. Il faut faire l’acquisition d’un routeur, mais j’y reviendrai plus tard.

L’internet du pauvre pour un prix de riche

Quelle que soit la qualité de ma connexion, j’ai le haut débit. Pas du 18 Mo comme à dix kilomètres pour un prix inférieur avec les communications téléphoniques, et tout et tout mais le haut débit quand même. Nos élus voulaient pouvoir affirmer que tout le monde a le haut débit, mais ils omettent de dire que tout le monde n’a pas le même haut débit : par Wi-Fi avec les aléas qui lui sont inhérents ou par Satellite avec des quotas ou encore par les fils de cuivre avec les avantages que cela présente, par la fibre…

Après un début très difficile (ça ne marchait vraiment pas), je suis souvent amené à me plaindre de déconnexions, parfois fort longues, fort ennuyantes, en général réglées plus ou moins rapidement. Raison pour quoi, je rêve d’avoir une connexion normale par les petits fils de cuivre de mon téléphone.

Et SFR vint

C’est à ce moment que SFR intervient. Ceux-là, je ne les apprécie guère, mais je me range à leurs arguments. Avec eux, j’aurai une connexion classique. Je souscris donc à un abonnement chez SFR. Je reçois les identifiants puis la «box», et je n’ai plus qu’à attendre le raccordement qui m’apportera enfin la paix intérieure. Malheureusement, en dépit de l’éligibilité à laquelle il semble que je puisse prétendre, je reçois un courrier m’informant que les services techniques n’ont pas été en mesure de me satisfaire. Il faut donc que je renvoie la «box».

Box SFR

Pas grave. Le Wi-Fi, avec mon antenne géante changée entre-temps, me satisfait plus ou moins. Ce n’est pas extraordinaire, mais ça marche. De temps à autre, j’appelle le service technique toujours pour des problèmes de déconnexion, mais en principe cela est réglé plus ou moins vite. À condition que l’inopinée déconnexion ne se produise pas un week-end (que je ne veux pas écrire weekend).

Un beau jour, je reçois un coup de fil de… SFR : «Coucou, c’est nous. On a fait des travaux. Vous êtes éligible et blabla, blabla». Moi : «Non merci, on m’a déjà fait le coup. Je reste chez Orange». SFR : «Si, si. Sur mon ordinateur, etc. Et puis si je vous le dis, etc.» Bref, je décline. On en reste là.

Et puis un autre beau jour, non pas un beau jour, paf ! Plus de connexion. Me piquant d’être un peu geek tendance Nerd à pulsion No-life, je bidouille. On débranche. On ping. On change de chaîne. On change même les DNS. On vérifie tout et tout. Mais il faut se rendre à l’évidence, force est de constater que ça ne marche plus. Rien n’y fait. Et le service technique d’avouer au téléphone son impuissance et de m’annoncer la nécessité d’une intervention technique… dans trois semaines.

J’en tombe de ma chaise. Je frémis, je brûle, je bous ! Ni une ni deux, je me connecte (de mon établissement scolaire) et je cherche quelles solutions s’offrent à moi. Après tout, du temps a passé, peut-être suis-je vraiment à nouveau éligible.

Et après ?

Vous connaissez l’art de la temporisation ? Dans un roman, cela consiste à différer la suite de l’histoire en racontant autre chose afin d’impatienter le lecteur, de piquer sa curiosité et de le pousser – in fine – à lire la suite.

Ce que je vais faire.

Trois semaines sans internet. Évidemment, dans mon collège, je pouvais assouvir mes pulsions technophiles. Je n’ai donc souffert que le minimum. Et puis j’avais mon iPhone… C’est d’ailleurs à cette période que j’ai lu l’article sur la 4G. On y disait que les opérateurs s’engagent à couvrir plus de 90% du territoire. Ce qu’ils avaient fait pour la 3G (s’engager je veux dire)… S’étaient-ils engagés à faire de même pour l’Edge ? En tout cas, dans ma cambrousse, je n’ai ni l’un ni l’autre. Ni Edge ni 3G. Ah si ! j’ai un réseau Edge. Un sous-réseau, un truc indéfinissable probablement commun à tous les opérateurs, quelque chose d’une telle lenteur que le bas débit fait office de rêve de geek. Si si ! Voyez plutôt cette vidéo montrant le temps qu’il faut pour afficher entièrement un site pourtant adapté à un téléphone mobile (je vous préviens, c’est la vidéo la plus ennuyante du net) :

Alors quand je reçois un coup de fil m’annonçant avec grand fracas que les clés 3G c’est vachement bien, je pouffe et je raccroche.

Bref, c’est cette maigre connexion qui me permet de patienter trois semaines. Et je vous l’ai dit, je me suis demandé que faire. Sur internet, je n’ai pas trouvé grand-chose. Orange ne permet pas de prétendre au haut débit de façon classique, mais SFR oui. Je m’en étonne, mais ils sont formels. Le désespoir suspend mes doutes, et malgré ma déplorable expérience passée, je souscris. Je me dis que cette fois, c’est la bonne. Alors je reçois mes identifiants, la «box», et je n’ai plus qu’à attendre le raccordement. J’ai bon espoir, je suis naturellement et benoîtement confiant.

J’attends.

Je n’ai plus internet, mais j’attends.

Et le couperet tombe. Un courrier venant de SFR m’informe que les services techniques n’ont pas été en mesure d’établir la connexion demandée. Je dois donc renvoyer à nouveau leur putain de «box». À ce moment, je me pose quand même une question : soit ils sont cons, et ça m’étonnerait un peu, soit ils ne sont pas cons, et ça m’étonnerait beaucoup. Ils s’amuseraient à prétendre des choses fausses, à distribuer des «box» et à se les faire renvoyer à leur frais ? J’ai des doutes… Lors de mon abonnement, on m’a demandé si je voulais basculer entièrement chez SFR, et ne plus dépendre en aucun cas d’Orange, ce que j’ai décliné. Si j’avais accepté, je n’aurais pas l’ADSL, mais mes communications téléphoniques seraient payées à SFR… Est-ce le but de la manœuvre ? Nous forcerait-on un peu la main en faisant miroiter un prétendu abonnement internet impossible pour faire souscrire à un nouvel abonnement téléphonique ? Je me pose la question… Ça me semble un peu tordu comme raisonnement, mais enfin…

Abonnement possible

Abonnement impossible

Quoi qu’il en soit, j’ai eu la réparation par Orange de ma connexion. Leur nouvelle installation n’a pas été sans problème d’ailleurs. Tout marchait à nouveau, excepté que ladite installation était incompatible avec mon routeur Netgear. On m’a conseillé un Belkin, ce que j’ai fait sans sourciller tant j’étais désireux de retrouver enfin une connexion. Évidemment, j’ai dépensé une quarantaine d’euros pour un nouveau routeur alors que l’ancien fonctionne très bien, mais pas avec ma nouvelle installation. Passons.

Jusqu’au prochain problème, tout ça ne sera certainement qu’un méchant souvenir, mais franchement j’ai ri à gorge déployée quand j’ai reçu ce mail de SFR :

Mail de SFR

Y a-t-il un sens du comique chez les FAI ?

Mon problème est-il réglé pour autant ? Il y a quelques jours, j’ai reçu un courrier de la mairie.

Courrier de la mairie

Ils le font exprès ?

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Logiciels payants et logiciels libres

Kernel Panic J’ai eu récemment quelques soucis avec Mac OS X Lion m’obligeant à procéder à une réinstallation totale du système. C’est ce qu’on appelle faire une clean install. Soit. Désireux de chasser impitoyablement le moindre bug, j’ai évité de réimporter toutes mes petites données via Time Machine. Il a donc fallu tout réinstaller à la main, à l’ancienne : télécharger les logiciels (je ne les garde plus sur un disque externe, il est tellement plus simple de tout retélécharger), les installer, les enregistrer, les activer, et tout le tralala.

J’installe Photoshop Element. Je possède la version 6 de ce logiciel que j’ai acheté il y a quelque temps, soucieux que j’étais de ne plus utiliser une version complète d’un logiciel dépassant mes moyens et intellectuels et financiers (vous voyez ce que je veux dire). J’ai d’ailleurs failli acheter la dernière version de Photoshop Element, mais l’essai de 30 jours que j’ai pu en faire ne m’a que très peu convaincu, et surtout un bug gênant m’a dissuadé de me délester de plus d’une soixantaine d’euros (être enseignant, ça a parfois des avantages), un bug que j’espérais voir disparaître avec ma toute récente réinstallation (d’ailleurs ça m’a rappelé la première installation de Windows XP au début du siècle quand je n’utilisais pas encore Mac OS) : avec un compte non administrateur, certaines palettes d’effets ne s’affichent pas, elles ne fonctionnent donc plus ! J’ai essayé, j’ai repassé mon compte en admin, Photoshop Element fonctionne très bien bien. On peut dire «bien», pas «très bien» : c’est comme ça que ça fonctionne chez Adobe : il y a un bug ? N’espérez pas un correctif ! achetez la prochaine version et priez pour que le bug soit corrigé. Dans le cas qui me préoccupe, les versions 7, 8 et 9 ne changent rien à l’affaire. Photoshop Element veut fonctionner sur un compte admin. Eh bien non ! C’est un principe : je n’utilise pas un compte administrateur !

Du coup, j’utilise Pixelmator que j’ai acheté il y a longtemps déjà et dont je n’ai pas payé une seule mise à jour. Évidemment, une version 2 étant prête à voir le jour, je vais peut-être repasser à la caisse. Cela dit, quand on voit (ce qu’on voit, dirait Coluche) la dernière version de The Gimp, il est permis d’avoir quelques hésitations…

Mais ce qui m’a vraiment exaspéré, lors de cette réinstallation de Mac OS, c’est Parallels Desktop, un logiciel qui permet la virtualisation d’un autre système (vous pouvez installer une distribution Linux ou un Windows sur votre Mac au sein même de Mac OS X). Cette possibilité est apparue avec les processeurs x86 quand Apple a abandonné le Power PC (vous avez déjà émulé Windows, au fait, sur un PowerBook ?). Le premier a avoir publié son programme, ce n’est pas VMWare, qui s’est fait griller la priorité, mais Parallels ! C’est même l’un des premiers logiciels que j’ai acheté pour mon premier MacBook Pro avec processeur Intel en 2006. L’année d’après, j’ai acheté la mise à jour, j’ai donc acheté la version 2, puis la version 3 l’année suivante, et la version 4 l’année d’après. Déjà quelque peu lassé, j’avais freiné des quatre fers, et puis je ne sais plus comment, j’ai tout de même obtenu la version 5 (dans un bundle, je crois). L’année suivante a vu l’apparition de la version 6, et puis plus récemment de la version 7, et si tout se passe bien en 2050, il y aura eu à peu près autant de versions que d’années dans ce cinquantenaire…

Quoi qu’il en soit, je veux réinstaller Parallels Desktop ! Tout d’abord, je constate la difficulté de se procurer la version 5. Heureusement, j’avais tout de même, dans un coin d’un de mes disques durs, gardé une copie. J’installe et l’installateur me propose de télécharger une version plus récente (que j’espère être la 5 pour laquelle j’ai un numéro de série). La chose se passe avec une lenteur qui indique que leurs serveurs ne sont pas consacrés à permettre au client de rapatrier une version ancienne. Au bout d’un temps interminable (et d’un échec), j’installe la chose… et paf ! Incompatibilité avec Lion ! Hein ? Quoi ? Tout ou presque est compatible ou rendu compatible avec Lion, et là non ? Hein ? Quoi ? Sur le site de l’éditeur, on m’apprend que la version 5 restera incompatible avec Lion, cette version qui marchait très bien avec Snow Leopard, et qui – alors vraiment très curieusement – semblait fonctionner avant formatage du disque sur… Lion.

Dépité, je me fais une raison. Je m’apprête à ressortir une énième fois ma carte bleue mon compte Paypal et dépenser plein d’euros, et puis je me suis dit : «Mais quel con ! Pourquoi ne pas télécharger VirtualBox qui est gratuit ?» Dont acte.

Exit Parallels. Ils sont peut-être polis chez Parallels. Dans les mails qu’ils vous adressent pour vous signaler une mise à jour payante, ils ne s’adressent pas à vous en ces termes : «Chère vache à lait, nous sommes heureux de vous annoncer la mise à jour de, etc., etc.)», mais franchement à prendre les gens pour des cons, un jour les cons, ils s’en vont. C’était pourtant bien Parallels Desktop, nettement plus abouti que VirtualBox, mais pour l’utilisation que j’en fais, ça sera suffisant.

Évidemment, je ne suis pas contre les mises à jour ! C’est génial qu’un programme soit actualisé régulièrement. En revanche, on ne va peut-être pas payer la moindre mise à jour dès qu’on change d’icône ou qu’une option cachée est ajoutée ! Pixelmator est apparu en 2007, je n’ai pas déboursé un centime depuis, et pourtant le programme a évolué très régulièrement. Je prendrai très probablement la version 2. Une mise à jour payante tous les quatre ou cinq ans, ce n’est pas l’horreur. Un éditeur canadien fait de même. C’est Druide pour lequel j’ai payé une seule mise à jour sur des dizaines ! Du coup, leur logiciel Antidote est peut-être un peu cher, mais au regard de ce qu’il permet et de la fréquence des mises à jour offertes, je veux bien payer.

Alors je me demandais ce que j’allais faire : passer au tout libre ou rester sur Mac OS (j’ai quand même réinstallé Ubuntu sur une partition). J’aime trop Lion pour m’en passer, mais je me fais cette réflexion : il y a de plus en plus de logiciels libres sur ma machine : Firefox, LibreOffice, VirtualBox, VLC, etc.

Et je me fais ces réflexions : heureusement que le libre promeut des standards qui vous permettent aisément de passer d’un système à l’autre (iWork, c’est bien ! mais uniquement entre Macs, et ne me dites pas qu’on peut «exporter»). Vive LibreOffice ! Il se lance même plus vite que Pages ! Heureusement que des logiciels libres vous permettent de vous affranchir de la voracité commerciale de certains éditeurs (mais tous ne sont pas à mettre dans le même panier, on l’a vu) ! Heureusement qu’un navigateur – Firefox pour ne pas le nommer – vous offre (littéralement) la possibilité d’avoir une réelle vie privée sur internet grâce à de très nombreuses extensions (dont j’ai déjà parlé dans ce billet : Internet tel que je l’utilise). Heureusement que Linux permet à des logiciels d’exister. L’exemple en fera peut-être sourire quelques-uns, mais Aircrack-ng existerait-il sur une autre plateforme que Linux (ne me dites pas que ça existe sur Windows) ?

En somme, il y en a pour tout le monde : pour ceux qui veulent payer beaucoup, tout le temps, à tort et à travers, un peu, parfois, pas du tout. En tout cas, il faudra tout de même observer qu’Apple (au moins de façon logicielle) l’a compris : on veut bien payer, mais pas des sommes exorbitantes (ça dépend aussi du type de programme, je veux bien le comprendre). Mac OS X Lion coûte moins d’une trentaine d’euros, c’est beaucoup, beaucoup moins que Windows. Certains diront : «C’est beaucoup plus qu’Ubuntu» !

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On dit «la voiture à ma sœur» ou «la voiture de ma sœur » ?

Nombre d’individus poussent des cris d’orfraie lorsqu’ils surprennent, dans les propos de leur interlocuteur, une erreur de grammaire. Un excès de rigueur les conduit à mépriser l’emploi de «malgré que» (si fréquent chez certains grands écrivains) ou l’emploi du subjonctif après la locution conjonctive «après que». Pour ces gens, l’horreur est à son comble lorsqu’un indélicat mésuse de la préposition «à» et l’emploie à la place de «de». Et aussitôt de s’exclamer : « On ne dit pas la voiture à ma sœur, mais la voiture de ma sœur ». Avec une pointe de suffisance aigre, on fait ainsi valoir son indignation lorsque quelqu’un commet un solécisme disgracieux dû à une banale erreur de préposition.

Parfois, on me demande mon avis, et en tant que professeur de français, je suis sommé de rétablir les droits du bon usage, ce qui me laisse bien souvent perplexe…

Je rétorque que, tout d’abord, je dis la grosse bitte à Dudule, et non la grosse bitte de Dudule. Et toc ! Ou j’évoque, quand je sens que mon entourage ne sera pas sensible à la chansonnette populaire, le Moyen Âge, période pour laquelle on utilisait beaucoup la préposition à là où on emploierait aujourd’hui la préposition de. Ainsi, on trouve dans Aucassin et Nicolette (je puise un exemple au pif) :

Et se tu fenme vix avoir,

je te donnerai la file a un roi u a un conte […]

On lit bien : «la fille à un roi ou à un conte» et non «la fille d’un roi ou d’un conte».

D’ailleurs, comme le fait remarquer Geneviève Joly dans son Précis d’ancien français, «la construction du complément déterminatif du nom à l’aide de la préposition a n’a aucune connotation familière en ancien français. Elle est très représentée encore au XVIe siècle, surtout en poésie» (page 238). Elle cite même deux exemples d’emploi de la préposition appartenant «déjà à un niveau de langue déjà marqué» chez deux écrivains du grand siècle :

Je suis la très humble servante au seigneur Anselme (Molière, L’Avare, I, 4)

La vache a notre femme

Nous a promis qu’elle ferait un veau (La Fontaine, Contes, IV, 11, 72)

De toute façon, au Moyen Âge, le cas régime absolu (très fréquent) se passait complètement de préposition et cela donnait, et donne toujours de curieuses associations, comme en témoigne encore le délicieux nom de la ville de Bourg-La-Reine, ce qui, comme chacun sait, signifie le bourg de la reine, et non une injonction à bourrer la reine (à propos, vous connaissez la blague : Bourg-La-Reine ou Choisy-le-Roi… Le doute m’habite…) !

Il n’en reste pas moins que l’usage, aujourd’hui, ressent comme vulgaire certain usage de la préposition à, ce qui n’a jamais dérangé le bas peuple qui l’utilise depuis fort longtemps, comme en témoigne des locutions comme la bande à Bonnot, la fête à la grenouille, etc.

Il convient cependant de faire un choix. À tout prendre, je mets donc les puristes de mon côté en utilisant la bonne préposition, et en n’attirant pas sur moi la désapprobation des censeurs. Et puis, on ne glisse pas sur une merde à chien, on ne s’exclame pas « Fils à pute », que diantre ! Alors utilisons la préposition «de» !

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Blâme et éloge de la mouche

« Va-t’en, chétif Insecte, excrément de la terre »

C’est en ces termes que le lion s’adresse au moucheron dans la fable de Jean de La Fontaine. On voit, chez le moraliste toujours, combien le misérable insecte est de surcroît gonflé d’orgueil !

S’il est vrai que la mouche peut s’avérer être un redoutable adversaire que pas même la force léonine ne peut vaincre, tout porte à croire qu’elle s’efforce pourtant de rechercher inlassablement un but unique : se faire exploser à coups de tapette si opportunément dite à mouches.

Depuis que je vis à la campagne, du printemps à l’automne, il n’est pas un instant qui ne me fait déplorer la si vaine existence du diptère (précisons que d’aucuns – pour rester dans les bornes étroites de la politesse – disent « sodomiser les diptères » pour « enculer les mouches », improbable préoccupation qui a pourtant ses adeptes… ). Pas un jour, disais-je, qui ne me fait regretter l’inopportun insecte : il vrombit systématiquement au plus près de mes tympans lorsque je tente de lire un livre ou de travailler sur mon ordinateur. En ces périodes troublées, je ne peux d’ailleurs pas regarder une vache dans les yeux. J’y vois le désespoir morne et résigné de l’animal envahi, qui n’a pas su inventer la tapette ou le papier tue-mouches pendouillant si inélégamment dans nos cuisines.

Chaque fois que la mouche se rappelle à mon bon souvenir, je m’étonne de l’opiniâtreté de celle-ci : aussitôt chassée, elle revient derechef. Je voudrais alors que la formule jupitérienne (disons sartrienne) ait la capacité de chasser ce symbole du remords : « Abraxas, galla, galla, tsé, tsé ». Mais rien n’y fait. Alors je frappe, petit Jupiter à tapette à mouches (celle dont le milieu est orné d’un visage et dont le rictus ridicule saisit l’ennemi foudroyé au moment de la mise à mort), je frappe et frappe jusqu’à éviscérer mes proies. C’est une hécatombe de petits boyaux qui s’étalent sur les vitres déjà maculées des déjections d’insectes soulagés. Ah ! il porte bien son nom ce scatophage stercoraire (la mouche à merde) dont les menus gastronomiques sont sur papier hygiénique. Quelle image du cycle de la vie puisque La larve de la mouche vit dans les matières organiques en putréfaction (je fais du Michel Houellebecq : je plagie un article sur la mouche) ! Dans la merde tu naquis, dans la merde tu trépasses.

Mais le soulagement est aussi vif que bref. Aussitôt mouches nouvelles de surgir. C’est un véritable fléau biblique. Le dieu des Hébreux avait envoyé des mouches piqueuses et suceuses pour punir les Égyptiens ; je n’ai droit qu’à la mouche à merde. La malignité divine me refuse ses créations les plus subtiles. Je ne désarme pas pour autant. Je suis devenu Sisyphe imprécateur : « Va-t’en, chétif Insecte, excrément de la terre » répété-je à mon tour. Mais l’inanité, la vanité de ma rage me fait repartir la tapette basse, je m’avoue vaincu (« La puissance des mouches : elles gagnent des batailles, empêchent notre âme d’agir, mangent notre corps » écrivait Pascal) et je me souviens que la mouche est éminemment littéraire. L’on a déjà évoqué La Fontaine ou Sartre. Il y a Rimbaud et ses « mouches éclatantes / Qui bombinent autour des puanteurs cruelles ». Il y a aussi William Golding et Sa Majesté des Mouches régnant sur les enfants libres…

Force est de constater que l’insecte fascine, et pas seulement l’entomologiste. Lucien de Samosate en fit même l’éloge. Il faut reconnaître que certains points sont particulièrement convaincants :

Dans ses amours et son hymen, elle jouit de la plus entière liberté : le mâle, comme le coq, ne descend pas aussitôt qu’il est monté ; mais il demeure longtemps à cheval sur sa femelle qui porte son époux sur son dos et vole avec lui, sans que rien trouble leur union aérienne.

Salvador Dali voyait dans les mouches ce qu’il appelait « les fées de la Méditerranée » (l’insecte évoquerait même, parait-il, la méthode paranoïaque-critique). Au reste – et c’est la première fois, si j’ose dire, que j’ai commencé à regarder l’insecte dans les yeux – La mouche (le remake de Cronenberg), est aussi le titre d’un film dans lequel un homme inventant une machine permettant de se téléporter devient un être mi-homme mi-mouche.

Enfin le dictionnaire rappelle, par sa polysémie, la richesse du mot. La mouche n’est pas qu’un vil insecte. C’est également un petit morceau de taffetas noir qui faisait ressortir la pâleur des beautés du grand siècle (Verlaine en parle de cette mouche « Qui ravive l’éclat un peu niais de l’œil »). C’est enfin l’espion (le mouchard) dont les romans de Jean-François Parot offrent un bel exemple : Tirepot, portant deux pots et une ample robe de toile, monnaye au badaud parisien la possibilité de se soulager. Faisant ainsi la causette avec ses clients, il sait beaucoup de choses sur la capitale et devient la mouche du commissaire Nicolas Le Floch.

Et puis le mot « mouche » abonde dans de charmantes expressions : prendre la mouche, faire mouche, faire la mouche du coche, etc.

Mais quelque littéraire que soit la mouche, aussi polysémique soit-elle, que l’on voie en elle des trésors d’imagination, l’insecte ne peut faire oublier l’importunité de son obstinée présence. C’est ce que me rappelle la radio qui diffuse Alanis Morissette qui, voulant chanter l’ironie de la vie, s’écrie : « It’s a black fly in your chardonnay ». Quelle poétesse !