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Lu

En découvrant l’IREF, stupeur…

En flânant sur Twitter, j’ai pris connaissance du blog de Nicolas Lecaussin sur le site de l’IREF, acronyme révélant de doux mots : Institut de recherches économiques et fiscales ( Concurrence fiscale et liberté économique ). Cela sent son libéralisme à cent lieues, et je devais bien me douter de ce que j’y trouverais…

Pour résumer, l’auteur du billet, évoquant les changements de programme des Sciences Économiques et Sociales, regrette que l’enseignement de l’économie soit subordonné à une idéologie de gauche privilégiant auteurs keynésiens, revues étatistes, etc. Il va jusqu’à prétendre que le véritable responsable du chômage ne serait pas le libéralisme, mais l’Éducation nationale (« L’échec des jeunes n’est pas dû au libéralisme mais à l’Éducation nationale qui ne fait pas bien son travail. » ). Diantre !

À ce moment, je suis encore sur ma chaise, et mon teint pâle n’est pas encore empourpré d’une légitime colère, car je connais bien ce discours, et si je ne le reconnais pas comme juste, il ne m’offusque pas plus que ça (question d’habitude). Au reste, quelle autre vision pourrait-elle être développée sur un tel site ?

Ce que je déplore vivement, c’est que non content de s’en prendre aux programmes, Nicolas Lecaussin bat en brèche le monde enseignant comme personne n’oserait le faire avec telle profession ou telle population, de peur de se voir poursuivi pour discrimination voire racisme.

Que dit-il en somme ? Je cite :

« Dirigé par des syndicats gauchistes et des fonctionnaires méprisants et suffisants, notre système scolaire a sombré. Une partie des enseignants sont régulièrement en grève et ne font que penser à leur statut, à leurs vacances ou à leur départ à la retraite. »

« Les fonctionnaires de l’Education nationale reconduisent leur modèle de gens étriqués, qui cherchent avant tout à se mettre à l’abri (fonction publique, professorat) et à vivre si possible aux dépens des autres. »

Nul besoin d’être fin lecteur pour comprendre l’idéologie qui sous-tend de tels propos.

En effet, quand on croit discerner au sein d’une population une catégorie responsable d’une nuisance ( responsabilité à l’égard de « notre système scolaire [qui] a sombré », « de l’échec des jeunes » ), coupable de se comporter en parasite puisqu’elle s’efforce de « vivre si possible aux dépens des autres », ayant quelques inacceptables tares (« fonctionnaires méprisants et suffisants », « gens étriqués »), rétive au bon fonctionnement de la société (« Une partie des enseignants sont régulièrement en grève et ne font que penser à leur statut, à leurs vacances ou à leur départ à la retraite »), quand on croit, disais-je, discerner au sein de la population une telle catégorie d’individus, on n’est pas sans rappeler certaine idéologie des années 30.
Or qu’en est-il réellement ? Je ne voudrais pas que l’on puisse me soupçonner de bâtir un plaidoyer pro domo, mais enfin les enseignants sont-ils ces parasites susmentionnés ? Sont-ils ces feignasses gangrenant la société ?

M. Lecaussin, je vous invite à vous rendre davantage dans les établissements scolaires afin d’y constater la vigueur du corps enseignant, lequel travaille d’arrache-pied à faire réussir ses élèves.
Souvent, l’enseignant se lève tôt ( le petit jeu des mutations ne lui a pas permis d’obtenir un poste près des gens qu’ils aiment ), fait de longs trajets, et passe sa journée sur son lieu de travail, son emploi du temps ne lui permettant pas de faire autrement. Si son service n’est que de 18 heures d’enseignement effectif pour un certifié, il lui faut 3 fois ce temps au moins pour se comporter en intellectuel qu’il est : pour préparer ses cours, il lit énormément, se documente, se déplace dans des musées, au théâtre, au cinéma, accumule les connaissances qui lui permettront d’enrichir des cours constamment renouvelés. Un forum comme Neoprofs vous donnera une idée de l’investissement des enseignants dans leur travail et de la hauteur de vue qui est la leur. Je n’ai évidemment pas parlé du temps consacré à la correction des copies, du temps que nombre de professeurs consacrent à la préparation de sorties scolaires ( je pense, entre autres, aux professeurs de langue). Je ne parlerai pas non plus du temps consacré à recevoir les élèves et leurs parents de plus en plus enclins à rencontrer les enseignants de leurs enfants. Enfin, on aurait pu évoquer, avec le développement d’internet, le temps croissant à diffuser des informations ( notes, cahiers de textes en ligne ) ou à établir le contact avec parents et élèves ( forum, mails ). Faut-il également préciser que les rares enseignants faisant grève le font parce qu’ils défendent leur vision de l’éducation, laquelle doit reposer sur une conception non pas comptable de la chose, mais sur une véritable politique éducative incompatible avec la politique d’éradication du fonctionnaire mise en place par le gouvernement. Ainsi, tous ceux qui font grève et perdent une journée de salaire ne le font pas de gaieté de cœur en songeant aux vacances prochaines.

Je pourrais continuer longtemps comme cela, et je dois évidemment en oublier, mais vous conviendrez qu’on ne peut pas se laisser aussi facilement insulter.

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Littérature Lu

Le structuralisme coupable ?

Il y a quelque temps, je lisais un article à propos de Michel Foucault sur le site du Monde diplomatique. L’auteur de cet article évoquait Derrida, lequel trouvait que L’histoire de la folie à l’âge classique relevait du « totalitarisme structuraliste ».
Stupeur ! car pour ma part je ne vois pas en quoi le structuralisme peut relever du totalitarisme, à moins qu’il ne s’agisse d’un emploi métaphorique.

Je fais part de cet article à mes collègues, dont l’une me parle aussitôt du petit livre de Tzvetan Todorov paru en 2006 La littérature en péril, dans lequel sont expliqués les liens qui unissent structuralisme et communisme.

Au début de son livre, Todorov explique que les études littéraires étaient « sous l’emprise de l’idéologie officielle », c’est-à-dire celle de la Bulgarie faisant alors partie du bloc communiste en 1956. Il explique également comment il devait réussir le tour de force de parler de la littérature sans bien sûr énoncer la moindre idée personnelle contrevenant à l’idéologie communiste, mais sans non plus « avoir à se plier aux exigences de l’idéologie régnante » c’est-à-dire sans à avoir à exprimer la foi communiste.La solution était simple. Comme l’avaient fait dans les années 20 les formalistes russes, il s’agissait de ne s’intéresser qu’à « la matérialité même du texte, à ses formes linguistique », « à s’occuper d’objets sans teneur idéologique ». Ainsi les observations littéraires échappaient à la censure.

On voit ainsi comment le structuralisme, le formalisme ou toute manière de ne s’intéresser qu’à la forme pure étaient au départ un moyen d’échapper à l’emprise du parti. Plus tard, elle sera un rééquilibrage, une approche conciliant étude du contexte historique, idéologique, esthétique (soit la tendance dominante de la critique à l’époque) et étude de la relation des éléments de l’œuvre entre eux (la tendance de la nouvelle critique, celle de Barthes, Genette, Todorov…).

Je ne suis pas sûr que cela explique la critique de Derrida, que je ne suis pas sûr d’avoir comprise, mais la suite du livre de Todorov est intéressante. Ce dernier pense que l’enseignement ( que ce soit dans le secondaire, à l’université… ) est le reflet d’une conception étroite de la littérature qui considère l’œuvre littéraire comme un objet auto-suffisant, sans rapport avec le monde, fait de jeux formels dont les règles internes prévalent. En classe, on étudie des situations d’énonciation, des genres, des registres, des figures de style, des points de vue, les fonctions de Greimas, les fonctions du langage de Jakobson, bref des concepts forgés par l’analyse littéraire mais pas les œuvres. Le pire est que cela conduit à un désintérêt pour la littérature, ce que la désaffection pour les filières littéraires semble confirmer.

On confond donc le but et le moyen, les outils avec l’objet : « À l’école, on n’apprend pas de quoi parle les œuvres mais de quoi parlent les critiques » (page 19) ; « […] les études littéraires ont pour but premier de nous faire connaître les outils dont elles se servent » (page 18).

Mais, la majeure partie du livre de Todorov n’est pas constituée de ce constat qui tiendrait en une dizaine de pages. Il ne crie pas non plus haro sur le structuralisme ( comment le pourrait-il ? ) qui pourrait facilement être désigné comme le coupable des dérives susmentionnées. Il montre comment on en est arrivé à cette situation. Et alors qu’on pouvait penser que le structuralisme endosserait le rôle du coupable idéal, Todorov montre comment la naissance de l’esthétique moderne à contribué à façonner la notion de Beau, d’Art, et donc d’œuvre auto-suffisante, coupé du monde. De Platon à la théorie de l’art pour l’art, il explique comment l’enseignement et la critique en sont venus à privilégier l’œuvre et ses jeux formels comme un objet clos et non comme « un discours sur le monde » (page 31), ce qu’elle est avant tout.

Je ne peux résumer toutes ces pages ( 37 à 68 ), mais elles valent d’être lues, et on ne pourra ainsi pas accuser le structuralisme de tous les maux.

Enfin Todorov montre pourquoi la littérature est en péril. Selon lui, elle est prise dans un « corset étouffant », « fait de jeux formel, complaintes nihilistes et nombrilisme solipsiste » (page 85).

Pourtant, le structuralisme a beaucoup apporté. Il faut se souvenir de ce qu’était la critique littéraire auparavant. Pensez à la philologie. Relisez Contre Sainte-Beuve. Mais Todorov prévient en s’opposant à tout manichéisme : « on n’est pas obligé de choisir entre le retour à la vieille école du village, où tous les enfants portent la blouse grise, et le modernisme à tous crins ; on peut garder les beaux projets du passé sans avoir à conspuer tout ce qui trouve sa source dans le monde contemporain » ( page 24 ).

Au reste, le structuralisme a-t-il été autre chose qu’une tentative de déchiffrer le monde, de lui donner du sens ? Ne serait-il pas paradoxal que l’on fasse le procès de ce qui n’a jamais été autre chose qu’« un discours sur le monde » ? Cherchant à définir l’homme structural, Roland Barthes le désignait ainsi, Homo significans, percevant « le frisson d’une machine immense qui est l’humanité en train de procéder inlassablement à une création du sens » (” L’activité structuraliste ” in Essais critiques, pp. 218-219). Et parlant de la littérature, Barthes écrivait « qu’elle est à la fois intelligible et interrogeante, parlante et silencieuse, engagée dans le monde par le chemin du sens qu’elle refait avec lui, mais dégagée des sens contingents que le monde élabore » ( c’est moi qui souligne ).


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Humeur Littérature Lu

Sauvegarde qui peut

Il y a peu, Pierre Assouline regrettait sur son blog le contenu fort rétrograde de l’émission de Finkielkraut sur France Culture dans laquelle était invité Jean-Claude Carrière. On s’étonnera peut-être que l’on s’étonne du contenu des émissions de Finkielkraut. Au reste, je ne saurais dire ce que je pense de ce dernier dont les propos à forte teneur réactionnaire me semblent souvent choquants (sur France Inter à propos de Roman Polanski), mais j’en parlerai peut-être un jour, si je n’ai rien d’autre à faire.
Bref.
Pierre Assouline déplorait que nombre d’idées reçues sur l’informatique, sur son écrasante domination et sa menace sur le livre aient été une fois de plus répétées à l’envi. Or il se trouve que je lis actuellement une série d’entretiens entre Umberto Eco et Jean-Claude Carrière (N’espérez pas vous débarrasser des livres). J’ai la conviction (il faudrait vérifier, écouter l’émission de France Culture) que la présence d’Umberto Eco a servi de garde-fou aux débordements disons réactionnaires de Carrière. Ce dernier ne cache pas ou mal sa défiance pour l’informatique. Umberto Eco étant un utilisateur de longue date d’ordinateurs (dès les années 80), il s’est intéressé à la programmation (à l’époque, le basic, entre autres), il ne rechigne pas non plus à exploser quelques envahisseurs extraterrestres pour se divertir, etc. Il ne voit donc pas dans l’informatique une menace. En revanche, il croit en la supériorité du livre sur l’ordinateur, mais il ne pense pas que l’informatique tuera le livre. La préface est déjà un avertissement (celle de Jean-Philippe de Tonnac menant les entretiens), qui reprend en la démentant la citation hugolienne, laquelle expliquait comment l’intelligence humaine avait quitté l’architecture (la cathédrale) pour l’imprimerie (« Ceci tuera cela. Le livre tuera l’édifice »). Cependant, les cathédrales existent toujours. Il en sera de même pour le livre. L’e-book ne tuera pas le livre. Ils coexisteront. De toute façon, l’e-book n’entre pas en concurrence avec le livre. Il en est une déclinaison, une évolution qui ne remplace par l’objet originel dans lequel Umberto Eco voit la perfection. Selon lui, on ne peut pas faire mieux, on ne peut pas inventer mieux (comme la roue, la cuillère…). Mon propos n’étant pas de prouver la supériorité du livre sur l’ordinateur, je n’insiste pas (j’aime trop les deux), mais lisez N’espérez pas vous débarrasser des livres. C’est passionnant (Carrière dit des choses très justes sur l’informatique, notamment les nouvelles techniques, page 47).
Poursuivons.
Pierre Assouline se rit des invités de Finkielkraut qui s’inquiètent « du caractère précaire de la conservation des données » en informatique. À dire vrai, j’imagine que l’émission a dû être éprouvante à écouter (Finkielkraut pareil à lui-même, Carrière qui se lâche, etc.), mais ils ne doivent pas avoir tout à fait tort. Dans N’espérez pas vous débarrasser des livres, Umberto Eco évoque à juste titre ce problème à plusieurs reprises. Lorsqu’il explique, page 82, qu’il n’a jamais retrouvé une première version du Pendule de Foucault enregistré sur une disquette en 1984 ou 1985, on frémit. Ces données sont extrêmement précaires et pas seulement parce qu’on peut les égarer, mais parce qu’elles sont gravées sur des supports en permanente évolution et obsolescence (de la bande magnétique à la clef USB en passant par les disquettes de différents formats, les CD-ROM, les DVD-ROM, les disques durs IDE et SATA puis SSD…). Dans le livre d’entretien, ils omettent un autre problème qui me paraît particulièrement inquiétant, celui du format choisi. La plupart du temps, nous confions nos précieuses données (et la mémoire de l’humanité tout entière) à un éditeur de logiciel que beaucoup ne se donnent même pas la peine de payer. Très souvent, il s’agit de Microsoft (Word, Works…). Avez-vous pourtant idée du nombre de logiciels de traitement de texte existant ? Vous êtes-vous déjà demandé ce qui arriverait si le logiciel que vous avez l’habitude d’utiliser cessait d’exister ? Ce n’est pas impossible. Pensez à AppleWorks. Pensez à… Word qui pourrait disparaître ou dont le format de fichier a changé (de .doc à .docx). C’est pourquoi il serait sain de s’en remettre à un format ouvert, celui d’OpenOffice (.odt).
De tout cela, j’en conclus qu’un vieux « chnoque » comme Jean-Claude Carrière a des choses fort intéressantes à dire et à nous apprendre, même si elles me semblent provenir d’un esprit qui ne comprend pas bien (et encore !) son époque. Et puis, c’est la première fois que je lis avec tant d’intérêt un auteur avec lequel je pourrais être en total désaccord sur certains points, tant il est vrai que la méfiance envers internet m’horripile (pensez à Jacques Séguéla et à je ne sais plus qui).
En tout cas, je retourne à ma lecture inachevée, et télécharge l’émission de France Culture.
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Divers

On

« on » est un mystère grammatical, une aporie dans une vaine tentative de classement.
Tout d’abord, sa métamorphose est surprenante puisqu’il s’est transformé en ce qui est censé le remplacer. Autrefois un nom (du latin homo, hominis), il est devenu un pronom dont la tournure « l’on » (utilisée essentiellement pour éviter un hiatus) témoigne encore.
Ne désignant généralement personne (il est pour cela appelé pronom indéfini), il est rangé parmi les pronoms personnels.
Enfin, mot singulier, il est trop souvent ressenti comme un pluriel. En effet, nombre d’individus s’obstinent à accorder le participe passé avec « on ».
Récemment, j’ai encore lu ceci : « On s’est bien amusés ».
Sauf erreur de ma part, le sujet étant au singulier, l’auxiliaire également, le participe devrait l’être aussi. Pourquoi accorder ce participe en dépit du sujet et de l’auxiliaire au singulier ?
La seule réponse — peu satisfaisante — est que ce « on » est ressenti comme un pluriel. Il est d’ailleurs pronominalisable en « nous » : « Nous, on s’est bien amusés »
Dans ce cas, ce n’est plus la grammaire (un ensemble de règles morpho-syntaxiques et sémantiques) qui prévaut, mais le seul critère sémantique, un peu comme avec « la plupart ». On dira, en effet, « La plupart se sont amusés » et non « La plupart s’est amusé » (ça peut se comprendre. La tournure est elliptique. Il faut entendre «La plupart des gens se sont amusés »). On reconnaîtra que la grammaire est constituée de tout cela ; ce sont la morphologie, la syntaxe et le sémantisme qui font la grammaire, et que parfois démêler entre ces trois-là est bien difficile.
En ce cas, je ne peux m’empêcher de penser, qu’il faudrait aller jusqu’au bout et écrire : « On se sont bien amusés ». On ne choisirait pas le sémantisme au détriment de la morphologie, mais on contreviendrait à une autre règle, celle de l’euphonie. Il faut que ça sonne à l’oreille !
Le plus simple ne consisterait-il pas à considérer que « on » est singulier et que le participe ne s’accorde pas ?
Bref, quand on m’interroge au sujet de ce « on », je n’ai pas grand-chose de plus satisfaisant à dire que ce que j’ai écrit ici.
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Vu

Le président

Un ami m’a prêté Le président d’Henri Verneuil avec dans le rôle titre Jean Gabin qui y excelle (j’insiste car, malgré Un singe en hiver ou La traversée de Paris, je n’ai jamais vraiment été fasciné par cet acteur).
Cela va bientôt faire un an que j’ai ce film, et je me suis enfin décidé à le regarder à la faveur d’une convalescence. Dans un autre genre, j’ai vu Doctor Who que le même ami m’avait prêté également, mais je suis moins enthousiaste à propos de cette série.
C’est fou comme on devient cultivé après une maladie (on lit, on écrit, on regarde). Pensez à Roland Barthes qui avait lu tout Michelet dans un sanatorium.
Malheureusement, je n’ai eu qu’une petite grippe. Aussi ne deviendrai-je jamais Roland Barthes (soupir).
Que dire de ce film ?
Que c’est sinon un chef-d’œuvre du moins un excellent film, certes.
Qu’il y exprime la vision que son auteur a du chef d’état, oui. Encore faudrait-il préciser que ce film est l’adaptation du roman de Georges Simenon.
Que ceci, que cela ? Oui et oui. Magnifiquement tourné (la réunion pendant le concert est mémorable, le «suicide collectif aux accents de Wagner» !), magnifiquement filmé (pratiquement que des scènes d’intérieur : splendide maison de campagne pour l’essentiel, assemblée nationale, Matignon… seuls le début, une partie de pétanque et une longue balade montrant la campagne de l’époque nous donnent ainsi à voir combien la France a changé !), magnifiquement interprété (Jean Gabin, Bernard Blier…). On remarquera que ce film montre la France à un tournant historique (le passage à l’Europe, qui avait commencé bien avant, mais si on parle aujourd’hui d’eurosceptiques, à l’époque c’étaient les souverainistes qui s’opposaient à l’Europe. Dire qu’il y en a encore !).
Enfin, il faut bien avouer que les dialogues de Jacques Audiard font merveille. Qu’on ne se méprenne pas, sans le reste précédemment cité, ces dialogues ne vaudraient pas tripette. Mais, il fallait bien Audiard pour donner vie à ce président vieillissant (Émile Beaufort), blessé par quarante années de vie politique mais toujours intègre dans ses idéaux, plus fougueux qu’un anarchiste, roué, matois serait plus exact, intelligent, fin, généreux, éloquent, savant, drôle enfin.
Quelques exemples.
Le président mange avec sa secrétaire. La jeune fille le servant lui demande si elle peut prendre son après-midi. S’ensuit ce dialogue :
Le Président  : Ah ! Pour quoi faire ?
La jeune fille : Ma grand-mère est malade.
Le Président : C’est bien ça… enfin… d’ailleurs, c’est bien de votre part de vous intéresser à votre grand-mère. Eh bien prenez donc votre après-midi. Allez !
La jeune fille s’en va.
La secrétaire : Menteuse ! Coureuse ! Et vous lui passez tout !
Le Président : C’est le seul élément jeune de cette maison.
La secrétaire : Vous ne croyez tout de même pas à cette histoire de grand-mère ?
Le Président : Oh ! bien sûr que non, mais elle témoigne d’une imagination délicate.
La secrétaire : D’un certain culot, oui !
Le Président : Non ! Le culot aurait été de me dire : «Monsieur le Président, j’ai besoin de mon après-midi pour aller me faire sauter »!
La secrétaire (air interloqué) : ????
Le Président : Bah ! Quoi ! Le culot, le culot, c’est ça !
Il faudrait enfin citer l’ensemble de la séance de l’assemblée lors de laquelle Gabin se lance dans une intervention qui, selon Wikipedia, ferait référence aux deux cents familles.
À l’assemblée, ses propos font mouche à chaque fois :
Un député : Quand on ne veut pas du pouvoir, on le refuse M. Beaufort ! On peut très bien vivre dans l’ombre !
Le Président : Et ne jamais en sortir, vous en savez quelque chose !
Le Président s’en prend aux patrons. De droite selon lui, et un député lui rétorque qu’il y a aussi des patrons de gauche :
Le Président : Il y a aussi des poissons volants, mais qui ne constituent pas la majorité du genre.
Et puis, il manie le paradoxe :
Le repos, c’est fait pour les jeunes. Ils ont toute la vie devant eux, moi pas.
Pourquoi ne fumez-vous pas Millerand ? Ça rend aimable !

presidentUn ami m’a prêté Le président d’Henri Verneuil avec dans le rôle titre Jean Gabin qui y excelle (j’insiste car, malgré Un singe en hiver ou La traversée de Paris, je n’ai jamais vraiment été fasciné par cet acteur).

Cela va bientôt faire un an que j’ai ce film, et je me suis enfin décidé à le regarder à la faveur d’une convalescence. Dans un autre genre, j’ai vu Doctor Who que le même ami m’avait prêté également, mais je suis moins enthousiaste à propos de cette série.

C’est fou comme on devient cultivé après une maladie (on lit, on écrit, on regarde). Pensez à Roland Barthes qui avait lu tout Michelet dans un sanatorium.

Malheureusement, je n’ai eu qu’une petite grippe. Aussi ne deviendrai-je jamais Roland Barthes (soupir).

Que dire de ce film ?

Que c’est sinon un chef-d’œuvre du moins un excellent film, certes.

Qu’il y exprime la vision que son auteur a du chef d’état, oui. Encore faudrait-il préciser que ce film est l’adaptation du roman de Georges Simenon.

Que ceci, que cela ? Oui et oui. Magnifiquement tourné (la réunion pendant le concert est mémorable, le «suicide collectif aux accents de Wagner» !), magnifiquement filmé (pratiquement que des scènes d’intérieur : splendide maison de campagne pour l’essentiel, assemblée nationale, Matignon… seuls le début, une partie de pétanque et une longue balade montrant la campagne de l’époque nous donnent ainsi à voir combien la France a changé !), magnifiquement interprété (Jean Gabin, Bernard Blier…). On remarquera que ce film montre la France à un tournant historique (le passage à l’Europe, qui avait commencé bien avant, mais si on parle aujourd’hui d’eurosceptiques, à l’époque c’étaient les souverainistes qui s’opposaient à l’Europe. Dire qu’il y en a encore !).

Enfin, il faut bien avouer que les dialogues de Jacques Audiard font merveille. Qu’on ne se méprenne pas, sans le reste précédemment cité, ces dialogues ne vaudraient pas tripette. Mais, il fallait bien Audiard pour donner vie à ce président vieillissant (Émile Beaufort), blessé par quarante années de vie politique mais toujours intègre dans ses idéaux, plus fougueux qu’un anarchiste, roué, matois serait plus exact, intelligent, fin, généreux, éloquent, savant, drôle enfin.

Quelques exemples.

Le président mange avec sa secrétaire. La jeune fille le servant lui demande si elle peut prendre son après-midi. S’ensuit ce dialogue :

Le Président  : Ah ! Pour quoi faire ?

La jeune fille : Ma grand-mère est malade.

Le Président : C’est bien ça… enfin… d’ailleurs, c’est bien de votre part de vous intéresser à votre grand-mère. Eh bien prenez donc votre après-midi. Allez !

La jeune fille s’en va.

La secrétaire : Menteuse ! Coureuse ! Et vous lui passez tout !

Le Président : C’est le seul élément jeune de cette maison.

La secrétaire : Vous ne croyez tout de même pas à cette histoire de grand-mère ?

Le Président : Oh ! bien sûr que non, mais elle témoigne d’une imagination délicate.

La secrétaire : D’un certain culot, oui !

Le Président : Non ! Le culot aurait été de me dire : «Monsieur le Président, j’ai besoin de mon après-midi pour aller me faire sauter »!

La secrétaire (air interloqué) : ????

Le Président : Bah ! Quoi ! Le culot, le culot, c’est ça !

Il faudrait enfin citer l’ensemble de la séance de l’assemblée lors de laquelle Gabin se lance dans une intervention qui, selon Wikipedia, ferait référence aux deux cents familles.

À l’assemblée, ses propos font mouche à chaque fois :

Un député : Quand on ne veut pas du pouvoir, on le refuse M. Beaufort ! On peut très bien vivre dans l’ombre !

Le Président : Et ne jamais en sortir, vous en savez quelque chose !

Le Président s’en prend aux patrons. De droite selon lui, et un député lui rétorque qu’il y a aussi des patrons de gauche :

Le Président : Il y a aussi des poissons volants, mais qui ne constituent pas la majorité du genre.

Et puis, il manie le paradoxe :

Le repos, c’est fait pour les jeunes. Ils ont toute la vie devant eux, moi pas.

Pourquoi ne fumez-vous pas Millerand ? Ça rend aimable !

On en restera sur ces belles paroles.

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Divers Éducation

Le babil

J’adore le babil des nourrissons, la lallation plus précisément. J’adore provoquer ces sons qui précèdent l’acquisition du langage articulé.
C’est exactement le contraire des «bibelots d’inanité sonore» abolis par Mallarmé, mais il est vrai que ce sont des bibelots. On ne cesse de les répéter, de se les renvoyer ou de les brandir tel un hochet, dans un claquement de langue, de dentales et de labiales. En revanche, ce n’est pas du psittacisme. Chaque répétition est pleine d’une nuance nouvelle, pleine de l’intelligence qui s’éveille.
C’est une fête vocale.
Plus tard, paraît-il, l’enfant intègrera un mot par heure. Cela s’appelle l’explosion lexicale.
En tout cas, ces premiers moments de la communication verbale sont poignants. Au reste, je me suis toujours demandé (enfin depuis que j’ai des enfants) à quoi pouvait ressembler la pensée sans langage. À cet égard, le tout-petit est fascinant, et s’il ne parle pas, il n’en communique pas moins. La relation humaine ne passe donc pas que par la parole, mais elle devient ensuite essentielle, à tel point que sans elle, on peut mourir.
C’est du moins ce que j’avais lu un jour chez Aldo Naouri. Il racontait comment Frédéric de Prusse avait eu l’idée saugrenue de faire élever des enfants dans un lieu isolé. Interdiction formelle de leur parler avait été faite aux nourrices. Il s’agissait de retrouver la langue originelle, celle de Dieu probablement ( je confonds peut-être avec un livre de Paul Auster… ).
Alors ?
Alors, les enfants sont tous morts, tant il est vrai que l’affection, la nécessaire relation se font par la parole indispensable.

leoJ’adore le babil des nourrissons, la lallation plus précisément. J’adore provoquer ces sons qui précèdent l’acquisition du langage articulé.

C’est exactement le contraire des «bibelots d’inanité sonore» abolis par Mallarmé, mais il est vrai que ce sont des bibelots. On ne cesse de les répéter, de se les renvoyer ou de les brandir tel un hochet, dans un claquement de langue, de dentales et de labiales. En revanche, ce n’est pas du psittacisme. Chaque répétition est pleine d’une nuance nouvelle, pleine de l’intelligence qui s’éveille.

C’est une fête vocale.

Plus tard, paraît-il, l’enfant intègrera un mot par heure. Cela s’appelle l’explosion lexicale.

En tout cas, ces premiers moments de la communication verbale sont poignants. Au reste, je me suis toujours demandé (enfin depuis que j’ai des enfants) à quoi pouvait ressembler la pensée sans langage. À cet égard, le tout-petit est fascinant, et s’il ne parle pas, il n’en communique pas moins. La relation humaine ne passe donc pas que par la parole, mais elle devient ensuite essentielle, à tel point que sans elle, on peut mourir.

C’est du moins ce que j’avais lu un jour chez Aldo Naouri. Il racontait comment Frédéric de Prusse avait eu l’idée saugrenue de faire élever des enfants dans un lieu isolé. Interdiction formelle de leur parler avait été faite aux nourrices. Il s’agissait de retrouver la langue originelle, celle de Dieu probablement ( je confonds peut-être avec un livre de Paul Auster… ).

Alors ?

Alors, les enfants sont tous morts, tant il est vrai que l’affection, la nécessaire relation se font par la parole indispensable.

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Vu

Napi

Vous ne trouvez pas que ça sent le navet ?

Et moi qui désespère de voir un jour une belle adaptation de L’Odyssée

Je voudrais tant qu’un réalisateur consacre son talent à celui d’Homère comme Peter Jackson a pu consacrer le sien au Seigneur des anneaux.

En tout cas, je ne sais pas comment on dit navet en grec. Peut-être que les Grecs n’en avaient pas ?

Vous en voulez d’autres ? Allez voir sur YouTube !

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Littérature Lu

Les mots préférés de Jean-François Parot

Jean-François Parot a ses mots favoris.
Quand on le lit, on est certain de trouver quelques mots comme – si ma mémoire ne me fait pas défaut – aménité, alacrité, acrimonie ou encore atermoyer ou gabegie. Il faudrait établir une de ces listes chères à Umberto Eco, car on en trouverait beaucoup d’autres.
Force est de constater que le père de Nicolas Le Floch a une prédilection pour le mot homicider dont tout le monde connaît le sens, à ceci près que Jean-François Parot a ressuscité son emploi pronominal, s’homicider qui équivaut à se suicider, occurrence  moderne moins accessible de prime abord, le pronom sui (soi) paraissant plus savant que le nom homo, hominis.
On retrouve s’homicider dans pratiquement chacun de ses livres (je n’ai pas pu tout vérifier, ayant prêté certains d’entre eux) :
« Vous êtes convaincu comme moi-même que ce jeune homme s’est homicidé, n’est-ce pas ? » (L’homme au ventre de plomb, chapitre I, page 36, édition 10/18)
« Tout laisse à croire qu’ayant tué la fille il a tenté de se punir en s’homicidant. », (Le crime de l’hôtel Saint-Florentin, chapitre II, p. 53, édition JC Lattès)
« Il y a possibilité qu’il ait voulu s’homicider […] » (Le cadavre anglais, chapitre III, p.91, édition JC Lattès)
« Pouah ! Songeriez-vous à vous homicider ? » ( Le noyé du Grand Canal, chapitre II, p.47, édition JC Lattès)
La fréquence de ce mot dans les romans de Jean-François Parot tient peut-être à des questions d’ordre générique. Dans un roman policier, il n’est probablement pas surprenant qu’il y ait des morts, fussent-ils homicidés. Pourtant, cette récurrence – notamment dans les premiers chapitres et ce de façon quasi systématique – m’apparaît davantage comme une ficelle romanesque, une volonté d’en imposer par un effet de réel créé par l’emploi d’un vocabulaire du XVIIIe siècle particulièrement savoureux. Au reste, il n’est pas impossible que l’auteur affectionne particulièrement ce mot est l’emploie à l’envi. Toutes ces hypothèses ne sont pas exclusives. Je suis d’ailleurs convaincu que Jean-François Parot aime le XVIIIe siècle dans ses bâtiments, ses hommes, ses histoires jusque dans ses mots (on rougit de dire tant d’évidences…). Il n’est donc pas rare de lire sous la plume de cet auteur ses mots fétiches revenant régulièrement, pour mon plus grand plaisir, parce que s’il ne le répétait pas, je les oublierais comme le délicieux pet-en-l’air désignant une robe de chambre (L’affaire Nicolas Le Floch, p. 157 et Le noyé du Grand Canal, p. 103  édition JC Lattès)

parotJean-François Parot a ses mots favoris.

Quand on le lit, on est certain de trouver quelques mots comme – si ma mémoire ne me fait pas défaut – aménité, alacrité, impéritieacrimonie ou encore atermoyer ou gabegie. Il faudrait établir une de ces listes chères à Umberto Eco, car on en trouverait beaucoup d’autres.

Force est de constater que le père de Nicolas Le Floch a une prédilection pour le mot homicider dont tout le monde connaît le sens, à ceci près que Jean-François Parot a ressuscité son emploi pronominal, s’homicider qui équivaut à se suicider, occurrence  moderne moins accessible de prime abord, le pronom sui (soi) paraissant plus savant que le nom homo, hominis.

On retrouve s’homicider dans pratiquement chacun de ses livres (je n’ai pas pu tout vérifier, ayant prêté certains d’entre eux) :

« Vous êtes convaincu comme moi-même que ce jeune homme s’est homicidé, n’est-ce pas ? » (L’Homme au ventre de plomb, chapitre I, page 36, édition 10/18)

« Tout laisse à croire qu’ayant tué la fille il a tenté de se punir en s’homicidant. », (Le Crime de l’hôtel Saint-Florentin, chapitre II, p. 53, édition JC Lattès)

« Il y a possibilité qu’il ait voulu s’homicider […] » (Le Cadavre anglais, chapitre III, p.91, édition JC Lattès)

« Pouah ! Songeriez-vous à vous homicider ? »  et  «[…] on ne pouvait parfois éviter que des prisonniers n’en vinssent à des pensées funestes et ne s’homicidassent. » ( Le Noyé du Grand Canal, chapitre II, p.47 et 424, édition JC Lattès)

La fréquence de ce mot dans les romans de Jean-François Parot tient peut-être à des questions d’ordre générique. Dans un roman policier, il n’est probablement pas surprenant qu’il y ait des morts, fussent-ils homicidés. Pourtant, cette récurrence – notamment dans les premiers chapitres et ce de façon quasi systématique – m’apparaît davantage comme une ficelle romanesque, une volonté d’en imposer par un effet de réel créé par l’emploi d’un vocabulaire du XVIIIe siècle particulièrement savoureux. Au reste, il n’est pas impossible que l’auteur affectionne particulièrement ce mot et l’emploie à l’envi. Toutes ces hypothèses ne sont pas exclusives. Je suis d’ailleurs convaincu que Jean-François Parot aime le XVIIIe siècle dans ses bâtiments, ses hommes, ses histoires jusque dans ses mots (on rougit de dire tant d’évidences…). Il n’est donc pas rare de lire sous la plume de cet auteur ses mots fétiches revenant régulièrement, pour mon plus grand plaisir, parce que s’il ne les répétait pas, je les oublierais comme le délicieux pet-en-l’air désignant une robe de chambre (L’Affaire Nicolas Le Floch, p. 157 et Le Noyé du Grand Canal, p. 103  édition JC Lattès).

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Te iPodum laudamus

IMG_0393Aujourd’hui, j’ai envie d’entamer un chant de louange et d’allégresse à l’iPod.

Au reste, ce blog fonctionne sur un mode binaire : on y loue ou on y blâme. Rien de très original. On est, pour reprendre les termes de l’ancienne rhétorique, dans le domaine de l’épidictique : on loue ou on blâme.

Louons donc.

L’iPod, ce petit objet technique (technique, pas technologique), frivole, pour certains, est pour moi d’une importance capitale.

C’est mon dada, et je l’enfourche.

Il ne sert pas à me tympaniser de bruits de casseroles qui sombreront tôt ou tard dans les limbes musicaux de l’oubli. Enfin si ! Il me sert à écouter ma musique, mais pas seulement.

Dès le début de l’utilisation de cet objet, un mot a attiré mon attention. Podcast.

Le podcast, dont l’étymologie dit assez le lien étroit qu’il entretient avec ledit objet, est une émission audio, vidéo parfois, que l’on peut télécharger et écouter sur son ordinateur ou son iPod.

Aujourd’hui, tout le monde diffuse des podcasts. Si j’en avais le temps, j’en ferais. Télérama a ses podcasts. France radio a ses podcasts, et ça, c’est le comble du bonheur (vous ne le voyez pas, mais j’entre en pâmoison). Songez qu’il y a peu, on enregistrait des émissions de radio avec une cassette. Quelle époque barbare ! Aujourd’hui on les télécharge, et on les écoute où l’on veut (dans sa voiture, chez soi, en marchant…). Pascale Clark, Stéphane Guillon, ou même Umberto Eco égaient mes mornes trajets, mes moments perdus, comme dans les salles d’attente où, auparavant, j’en étais réduit à feuilleter un méchant Voici vieux de plusieurs années, souillé par des milliers de mains de patients, traînant sur la table basse entre Le Point et Auto machin truc (que l’on ne me dise pas qu’on peut lire un livre : soit la pire station de radio a été sélectionnée, soit un phtisique agonisant emplit la salle de sa terrible toux , soit on entreprend de vous faire parler de la pluie et du beau temps, et le reste à l’avenant…).

Heureusement, il y a, et qui l’eût cru (qui l’eût dit, ajoutait Corneille), le livre audio, qui vous permet, avec les écouteurs sur les oreilles, de vous absenter du monde. Je n’ai connu qu’une seule personne capable de vous parler dans un tel moment…

Il fut un temps où le livre audio me semblait l’intrus des librairies.

Je me souviens, à Bordeaux, que les enregistrements d’œuvres littéraires figuraient en nombre réduit sur un présentoir isolé, perdu au milieu de milliers de livres, les véritables vedettes du lieu. Régulièrement, je passais à côté de ces enregistrements dans la plus grande indifférence. Je les voyais, parce que je passais devant, mais jamais je n’avais eu l’envie d’en écouter un seul.

Depuis les choses ont changé.

Je ne les regarde toujours pas quand j’en vois, mais la raison en est toute différente.

Il y a que j’ai accueilli la dématérialisation de la musique avec joie. Voir disparaître toutes ces boîtes, tous ces fragiles et encombrants CD a été une réjouissance. Ils sont désormais « dans » mon ordinateur bien rangés. Je les trouve instantanément. Et quand je ne parviens pas à mettre la main sur un titre, je tape les premières lettres, et le fichier désiré apparaît aussitôt.

En fait, il y a quelques années, un ami était venu un jour avec un iPod. C’était, je crois, en 2004. La chose était blanche, était épaisse, avait une capacité de quelques gigas. L’écran était en noir et blanc.

IMG_0424J’ai fini par en acquérir un, puis deux, puis trois, véritable tonneau des danaïdes. Jamais remplis. Je passe mon temps à déverser là-dedans toutes sortes de fichiers. Et depuis l’iPod touch, les possibilités se sont accrues.

Ainsi, disais-je, j’aime désormais particulièrement écouter les livres audio. Peut-être l’indifférence éprouvée jadis s’est-elle muée en goût quand il s’est agi de chercher des enregistrements de contes pour mes filles. La découverte des contes de Pierre Gripari lus par lui-même fut une grande réjouissance. Un de ces moments clefs qui changent radicalement votre vision des choses. Je voyais aussi sur iTunes ce catalogue immense de livres, mais en anglais, à l’époque de livres à télécharger. J’avais fait quelques essais, mais mon niveau en anglais me permettait rarement d’être assez attentif à l’enregistrement audio et à la route en même temps (cette écoute est très liée au transport, à la marche, au déplacement, alors que la lecture du livre est lié à l’immobilité, à la chaise, au fauteuil). Et puis, récemment, j’ai découvert de façon assez inattendue litteratureaudio.com, par un lien sur Wikipedia.

Depuis, j’ai téléchargé une bonne quantité d’enregistrements. Ils sont disponibles au téléchargement gratuitement au format MP3. Ils sont de qualités inégales, tant il est vrai que lire à voix haute est un don qui n’est pas donné à tout le monde. C’est comme chanter, si on n’a pas ce je-ne-sais-quoi, qui vous différencie des autres, vous avez beau chanter correctement, vous ne procurez aucun frisson. Lire, c’est la même chose. Cela demande des dons d’interprétations, un véritable travail d’acteur invisible ! Mais le catalogue est vaste, et on trouve de très bonnes lectures gracieusement offertes. On ne va pas faire le difficile. Et songez qu’un livre audio dans le commerce, c’est une douzaine d’euros…

Enfin, avec l’accès à internet, l’iPod – et depuis l’iPhone – s’est mû en véritable petit ordinateur. Je ne m’étalerai pas sur ma dépendance à internet, mais j’évoquerai tous ces logiciels que l’on peut installer, les jeux par exemple, mais je ne saurais vous inviter à jouer, mais plutôt à travailler, quoique j’apprécie grandement de pouvoir massacrer des hordes de zombies assoiffés de sang. Umberto Eco vous expliquerait – pardonnez cette digression (autre partie de la rhétorique) – que des jeux avec des armes sont sains, et que ceux qui jouent au Lego travaillent ensuite à Auschwitz… Bref, je vous conseillerai de charger votre iPod de tous ces logiciels que sont les dictionnaires à bas prix voire gratuits : Littré, Larousse, TLF, Antidote, dictionnaires des synonymes, des difficultés de la langue française, des citations…

J’arrête là.

La prochaine fois, je blâme.

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Éducation

Lire ou ne pas lire Guy Môquet ?

lettre_guy_moquet

Il est demandé aux enseignants des lycées de lire la lettre de Guy Môquet.
Qui s’étonnera que ces enseignants n’aient pas envie de la lire ?
Pour commencer, qui peut comprendre qu’un gouvernement de droite invite à la lecture d’un communiste ? Quel enseignant peut avoir envie de répondre à l’injonction présidentielle ? Faudra-t-il lire Maurice Barrès si l’idée vient à l’esprit d’un de nos élus ?
N’y a-t-il pas un programme ? L’enseignant n’a-t-il pas élaboré un projet pédagogique ?
Il faut donc lire la lettre ? Débattre ensuite ?
D’accord. Arrêtez tout !
Au collège, qu’est-ce que cela donnerait ?
« Voyons, mardi, il y a une intervention sur la violence au cinéma, jeudi j’avais prévu d’aller au CDI, et puis vendredi il y a le cross du collège… Bon heureusement, l’intervention de la gendarmerie sur les conduites à risque n’aura pas lieu cette semaine… Ah ! mais, j’oubliais ! Il y a collège au cinéma ! »
Évidemment, on pourrait faire un effort, au point où on en est…
Mais, le pire est encore de considérer que l’enseignant n’a qu’un droit : obéir. En tant que fonctionnaire, l’enseignant voudra bien s’abstenir de fournir la moindre réflexion et s’exécuter :
« Les enseignants ont un devoir […] c’est de faire leur métier d’enseignant, donc d’obéir aux directives »
On doit cette belle phrase à Henri Guaino, le conseiller spécial de l’Élysée.
On admirera la tournure tautologique : les enseignants doivent faire leur métier d’enseignant. Jusque-là, je n’apporterai pas la contradiction à ce brillant penseur élyséen. En revanche, la conclusion me semble plus que sujette à caution. Faire son métier consiste donc à « obéir aux directives » ! Selon moi — mais je ne suis qu’un petit fonctionnaire provincial mal payé — l’enseignant qui fait son devoir a d’autres ambitions que celles d’exécuter des ordres. Au reste, si les nouveaux programmes revendiquent fièrement la liberté pédagogique, ce n’est tout de même pas pour la battre en brèche dès qu’un conseiller prend cette parole tout emprunte de rhétorique présidentielle, composée de phrases courtes à tournure emphatique.
Tout cela est certes regrettable, mais on est susceptible dans la profession.

Il est demandé aux enseignants des lycées de lire la lettre de Guy Môquet.

Qui s’étonnera que ces enseignants n’aient pas envie de la lire ?

Pour commencer, qui peut comprendre qu’un gouvernement de droite invite à la lecture d’un communiste ? Quel enseignant peut avoir envie de répondre à l’injonction présidentielle ? Faudra-t-il lire Maurice Barrès si l’idée vient à l’esprit d’un de nos élus ?

N’y a-t-il pas un programme ? L’enseignant n’a-t-il pas élaboré un projet pédagogique ?

Il faut donc lire la lettre ? Débattre ensuite ?

D’accord. Arrêtez tout !

Au collège, qu’est-ce que cela donnerait ?

« Voyons, mardi, il y a une intervention sur la violence au cinéma, jeudi j’avais prévu d’aller au CDI, et puis vendredi il y a le cross du collège… Bon heureusement, l’intervention de la gendarmerie sur les conduites à risque n’aura pas lieu cette semaine… Ah ! mais, j’oubliais ! Il y a collège au cinéma ! »

Évidemment, on pourrait faire un effort, au point où on en est…

Mais, le pire est encore de considérer que l’enseignant n’a qu’un droit : obéir. En tant que fonctionnaire, l’enseignant voudra bien s’abstenir de fournir la moindre réflexion et s’exécuter :

« Les enseignants ont un devoir […] c’est de faire leur métier d’enseignant, donc d’obéir aux directives »

On doit cette belle phrase à Henri Guaino, le conseiller spécial de l’Élysée.

On admirera la tournure tautologique : les enseignants doivent faire leur métier d’enseignant. Jusque-là, je n’apporterai pas la contradiction à ce brillant penseur élyséen. En revanche, la conclusion me semble plus que sujette à caution. Faire son métier consiste donc à « obéir aux directives » ! Selon moi — mais je ne suis qu’un petit fonctionnaire provincial mal payé — l’enseignant qui fait son devoir a d’autres ambitions que celles d’exécuter des ordres. Au reste, si les nouveaux programmes revendiquent fièrement la liberté pédagogique, ce n’est tout de même pas pour la battre en brèche dès qu’un conseiller prend cette parole tout emprunte de rhétorique présidentielle, composée de phrases courtes à tournure emphatique.

Tout cela est certes regrettable, mais on est susceptible dans la profession.