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Le manuel, ça s’en va et ça revient

Manuel de QuatrièmeD’accord, Apple a retiré mon livre de son magasin en ligne, sans le moindre préavis, pour des motifs somme toute assez futiles, mais incarne-t-elle pour autant le grand méchant inique ? Faut-il la fuir comme la peste ? Que faire maintenant fort de cette expérience ?

Quelques mots (les derniers, j’espère) donc sur toute cette histoire dont je me serais bien passé.

Une censure au rabais

Apple censure-t-elle ?

Non, je ne pense pas que la pomme ait vraiment l’intention de censurer quoi que ce soit. Elle ne frappe pas d’excommunication, après examen, une opinion ou un écrit dont elle condamne la teneur.

Exit donc le sens religieux du terme.

En revanche, le mot «censure» désigne – et c’est un peu différent – l’examen d’œuvres avant d’en autoriser la diffusion. Et c’est, in fine, ce que fait Apple qui examine votre ouvrage et en autorise ou non la diffusion sur son magasin en ligne. Par exemple, si vous vous appelez B., et que vous n’avez plus rien à dire de désagréable sur l’Éducation nationale, et que vous désirez publier un petit porno, ce ne sera pas sur l’iTunes Store, Apple s’opposant à cela, ce en quoi je ne trouve pas grand-chose à redire.

C’est la seule vraie censure qu’elle s’autorise.

Mais si elle interdit la diffusion de mon manuel, c’est – bien sûr – une forme de censure, au sens où l’examen qu’elle fait de mon livre permet ou non sa publication. Mais force est de constater qu’Apple se fiche complètement de ce que contient mon manuel. Apple ne censure pas le contenu (tout au plus interdit-elle l’emploi de certains mots comme «gratuit» ou «iPad»).

C’est plutôt le contenant qui l’intéresse. C’est ainsi une censure au rabais qui ne s’intéresse pas même au contenu de ce qu’elle réprouve. En revanche, des règles plus ou moins évidentes doivent être respectées sinon pas de publication. Un titre manquant, et c’est l’éviction du store.

Un distributeur sachant distribuer

Malheureusement, lesdites règles sont si peu évidentes à concevoir que les gens que j’ai pu rencontrer chez Apple n’ont jamais rien trouvé à redire sur ce manuel qui en aurait imposé ipso facto le retrait. C’est donc que les règles de Cupertino sont absconses, y compris pour ses propres employés. J’ai même pu observer qu’Apple ne s’appliquait pas à elle-même ses propres règles.

Plus ennuyeux encore. Apple se voudrait distributeur de contenus, un commerçant donc, lequel s’arrogerait – au nom de je ne sais trop quoi – le droit d’exiger que telle ou telle chose soit acceptable ou ne le soit pas. C’est ainsi que les mots «libre» et «gratuit» sont muttum non grata. «iPad» aussi. Forbidden. Verboten.

Pourquoi ? On ne sait pas ou du moins on ne le dit pas clairement, mais c’est comme ça. «Obtempérez ou oubliez l’idée de vous voir publier par nous». Tel est en substance le contenu du discours made in Cupertino. Imagine-t-on Carrefour chercher des poux à Daucy qui aurait choisi de mettre tel ou tel mot sur ses emballages ? Imagine-t-on un peu la tête du PDG de ce producteur de légumes à la lecture d’un message expliquant le retrait des marchandises des rayons : «Please remove all mentions of «Qualité» or «Extra fins»».

Évidemment, c’est un peu plus complexe que ça. Apple distribue un contenu qu’il favorise à faire émerger en créant les logiciels permettant de le faire. Une sorte de monstre hybride relevant à la fois de Carrefour et de Daucy en somme.

Apple, mon amour

Bien sûr, j’ai regretté la disparition de mon manuel. J’en ai beaucoup voulu à Apple de l’avoir supprimé sans le moindre préavis. D’un coup, d’un seul, le travail de plusieurs années venait à disparaître des étagères d’Apple (certes momentanément), parce que des mots étaient indésirables et un titre était désiré.

Un peu pénible, non ?

Mais j’ai aussi déploré que cette disparition soit l’occasion de taper sur Apple qui a, il est vrai, tendu le bâton pour se faire battre. Il était légitime de réagir et d’exprimer son rejet de telles pratiques. Je l’ai fait. Et je remercie chaleureusement tous ceux qui l’ont fait. Je pense, entre autres, à Luc Benz, à toute l’équipe de Lyclyc et, naturellement, au Café pédagogique.

Mais je pense aussi à ceux qui sont restés muets, quand Apple a permis la diffusion de mon manuel, et qui se sont éveillés quand elle en a empêché la diffusion. Les mêmes n’ont pas salué le retour du livre sur le store. Mon manuel ne les intéressait pas, mais sa suppression oui. Plus précisément, les agissements d’Apple les intéressaient, le reste pas du tout. On a vu alors une kyrielle de libristes exprimer leur détestation d’Apple. Bon… Pourquoi pas ? Mais je regrette d’avoir été l’occasion de leur fournir des arguments.

Certes, à tout prendre, je suis heureux de voir que cela fait réagir, mais j’aurais aimé que l’on parle plus du manuel que de sa disparition.

Par ailleurs, je ne suis pas un paradoxe près. J’aime Apple, mais je me sens dans mon droit de lui dire que je ne l’aime pas quand elle se comporte comme elle l’a fait. Dont acte. Apple fait des choses extraordinaires, mais elle aussi capable du pire. Elle semble même parfois apprécier le pire. Peut-être alors sera-t-il temps de changer de crémerie si les choses empiraient… En attendant, je compose avec. Je prends mes précautions également. Il est temps de multiplier les supports, d’éviter d’être dépendant du bon vouloir de la seule pomme. Mon site est d’ailleurs là pour ça. Réalisé en HTML 5, il est lisible sur tout support.

iPad à l’école ou pas ?

Je disais que je n’étais pas à un paradoxe près. En voici un autre.

Il faut que je remercie Apple. Sans ses égorgillements, mon manuel n’aurait jamais connu une telle diffusion.

On m’a beaucoup reproché cet autre paradoxe, celui d’avoir réalisé un manuel se prétendant libre et gratuit pour iPad. Il faut dire que l’oxymore devait paraître scandaleux à certains.

J’aimerais quand même m’en expliquer une dernière fois, parce que des gens, dont la lecture a été hâtivement superficielle, m’ont qualifié de tous les noms.

Le manuel est libre. En tant que tel, il est partout où il peut être : sur mon site en HTML, en PDF, au format TXT, au format iBooks pour iPad. Je n’en ai pas eu le temps, mais j’en ferai un ePub. Il sera lisible partout, pour tous.
Vous pouvez le copier, le diffuser, le partager, le modifier. La seule chose que vous ne pouvez pas faire, c’est le vendre. Je m’y oppose catégoriquement. Mais cela doit être clair : être libre, c’est l’être aussi bien sur une distribution Debian que sur iPad. Je ne vois pas pourquoi je n’aurais pas la liberté de mettre mon manuel où bon me semble, y compris dans cette pitoyable métaphore de la «prison dorée». Je peux aussi le photocopier, le lâcher par avion, le distribuer à la criée ou le réécrire en Ruby on rails (non, je plaisante, ça je ne peux pas). Être libre, ce n’est pas fuir Apple.
Il est gratuit. Ça, personne ne me le reproche. Enfin pas que je sache. Ah ! Si les éditeurs !
Il a été fait pour iPad. C’est une belle tablette. La meilleure à mon humble avis, celle pour laquelle il existe toute une pléiade d’applications que j’utilise quotidiennement pour moi, pour mes enfants, pour mes élèves. C’est celle-là que je voudrais voir mes élèves utiliser.

Et donc ?

Reste que tout cela m’a échaudé. Que faire maintenant ? Peut-on avoir confiance en Apple et monter des projets pour que des élèves soient équipés d’iPad ? Peut-on demander à des Conseils généraux d’investir dans ce type d’appareil ? L’Éducation nationale peut-elle travailler avec une telle entreprise ?

Oui, si Apple se comporte en partenaire. Un partenaire qui innove, et produit de belles et robustes machines. Un partenaire qui favorise la création en réalisant des programmes comme iBooks Author. Un partenaire qui diffuse vos œuvres. Un partenaire qui vous écoute, et vous prévient si le besoin s’en faisait ressentir. Au bout du compte, tout le monde sera content. Apple vendra ses iPad parce que les gens auront créé un contenu intéressant.

Non si Apple se comporte en un géant administrativement aveugle et vétilleux, lent et peu prolixe. Après un mois, Apple retire un manuel pour des raisons plus ou moins convaincantes. Peu soucieuse d’explications, elle se contente de vous signifier sans préavis que vous devez effectuer des changements. Le processus de validation est alors excessivement long. Les conséquences fâcheuses, détestables pour l’auteur voyant son œuvre disparaître, ne plus être lue, ne plus pouvoir être lue.

Mais, au moins les élèves seraient-ils ravis. Particulièrement, celui qui arrive en cours d’année à qui on dira : «Apple a retiré le manuel, je ne peux pas t’en donner tant qu’il n’aura pas été à nouveau validé».

Le mot de la fin ? Après avoir pas mal réfléchi, je ne vois pas comment je pourrais – dans l’état actuel des choses – faire mieux qu’avec iBooks Author. Je n’en ferai pas moins un ePub standard.

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Le Store perdu

Au jour d’aujourd’hui (j’ai toujours rêvé d’écrire cette horreur), mon manuel n’a toujours pas réintégré l’iTunes store. J’ai enlevé les mots «libre» et «gratuit» puis «iPad». J’ai ajouté le titre qui manquait, mais rien ne se passe. Il faut dire que c’est dimanche. Alors même le web 2.0, fût-ce celui de Cupertino, profite du jour du Seigneur.

Dans mon attrition, je suis allé errer là où jadis j’avais une place avant d’en être chassé. Je suis allé dans le Store perdu. Et j’ai contemplé les zibooks qui, ont encore le privilège de trôner sur les étagères du magasin en ligne. La curiosité (enfin… une intention maligne) me pousse à en télécharger quelques-uns réalisés par Apple.

Je commence par iPad Guide de l’utilisateur. Et ô stupeur ! Comment !? Celui-là a le droit d’afficher iPad sur sa couverture ? Et moi non !?

iPad Guide de l'utilisateur
Par ailleurs, on se souvient que je devais rectifier un titre manquant. J’avais osé laisser «Titre du livre» que je n’avais pas remplacé par le véritable titre du livre.

Mail d'Apple

Dans mon précédent billet, j’avais évoqué les velléités suicidaires qui s’étaient emparées de moi après un tel manquement. Mais que vois-je en ouvrant le zibook d’Apple ? «Title page» ? Mon Dieu, chez Cupertino, ils auraient fait la même erreur que moi ? Non ????

Acceptable :
Title page

Pas acceptable :
Titre du livre

Retirez-moi tous ces zibooks que nous ne saurions voir ! Que la fameuse «expérience utilisateur» reste pure ! Profitez-en pour virer tout ce qui contient des fautes d’orthographe, tout ce qui fait hurler le typographe un peu vétilleux. Il ne restera pas grand-chose.

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Le manuel de quatrième n’est plus sur le store d’Apple

Not on 32 storesCela fait un mois que le Manuel de quatrième peut être téléchargé sur iTunes.
Pardon. Cela faisait un mois.
Je croyais qu’il avait, pour cela, dûment affronté le regard impitoyable et plein d’exigence des gens ayant la dure charge de trier ce qui peut figurer ou non sur le magasin en ligne d’Apple. J’avais, à cet effet, dû modifier (fort légitimement) quelques points (un titre manquant dans la table des matières ou quelque chose dans ce goût-là). Alors, je pus goûter au bonheur de voir le point vert suivi de «On 32 stores».

Aujourd’hui, je découvre un point rouge suivi de «Not on 32 stores».

Première raison

La raison en est que je dois modifier quelques points. Je dois, et c’est bien normal, corriger «Titre du livre» qui a la mauvaise idée d’apparaître en mode portrait dans la table des matières (mais pas en mode paysage ; c’est facétieux un iPad). Cela correspond à un «paramètre fictif» qui doit être remplacé par un texte réel comme «Manuel de quatrième» (puisque c’est le titre du livre). J’avais oublié de changer ça !
C’est la première raison pour laquelle Apple ôte mon livre de son magasin. Il est vrai que cet oubli est absolument insupportable. Je ne peux plus me regarder dans la glace. Je me hais, je me méprise.

Titre du livre

Deuxième raison (à moins que ce ne soit la première)

Je dois aussi enlever toute mention de «libre» ou «gratuit» sur la couverture et dans le livre.
Là je comprends moins.
Si je peux plus ou moins concevoir qu’aucune mention du prix ne doit figurer sur la couverture (maintenant que cela m’arrive, j’ai remembrance d’une app ayant été retirée de l’App Store pour avoir contrevenu à cette règle), je ne vois vraiment pas pourquoi il me serait interdit de présenter mon manuel comme étant libre et gratuit (ce qu’il est, pas le format iPad bien sûr, mais son contenu accessible sur mon site). Malheureusement, le mail qu’on m’envoie est catégorique «Please remove all mentions of « libre » or « gratuit ».»

Bon, ça s’appelle de la censure.

Et que dire de l’amalgame «libre» et «gratuit», c’est donc synonyme pour Apple ?

Le fait est que mon livre est publié par des commerçants qui détestent que l’on parle de prix : «References Pricing : Prices must not be referenced in the EPUB».

C’est de l’humour californien ?

Post-Scriptum

Peut-on imaginer, un seul instant, comme on me le suggère sur Twitter, investir dans un support pour lequel Apple peut, à tout moment, vous priver de son contenu ? Peut-on espérer travailler avec un manuel agréé par Apple si, pour des raisons plus ou moins pertinentes, ce manuel peut disparaître ? Peut-on demander à un Conseil général d’investir massivement dans des contenus qui vous échappent ?

Post-post-scriptum

J’ai effectué les changements demandés. Je reçois, ce matin, un nouveau message.

Nouveau mail d'Apple
Ça va s’arrêter quand ? Ils ne pouvaient pas me le dire la première fois ? Qu’est-ce que ce sera la prochaine fois ?

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Un manuel de français libre et gratuit pour iPad

 
Les deux classeurs

Le manuel de quatrièmeJe me souviens de ce professeur d’histoire qui avait avec lui, en permanence, deux gros classeurs. Je commençais tout juste à enseigner, et ces classeurs m’apparaissaient comme une somme, un véritable trésor, le fruit d’un travail riche d’expériences, de lectures et de recherches, une sorte de Graal auquel tout enseignant devait nécessairement et inéluctablement parvenir après quelques années d’enseignement. J’admirais d’autant plus ces deux classeurs qu’ils me semblaient la matérialisation de ce qui reste d’habitude invisible, le travail de l’enseignant. En effet, les cours de l’enseignant sont parfois intangibles, car ils n’ont pas nécessairement besoin d’être mis par écrit pour être transmis.
Mais ces deux classeurs avaient aussi un côté dérisoire que leur poids et leur encombrement rendaient évident. Pourquoi donc emporter en tout lieu et en tout temps ces deux énormes classeurs ? Ce professeur leur trouvait-il un usage quotidien ? Voulait-il absolument avoir sous la main le document qui deviendrait tout à coup nécessaire à un de ces moments où le hasard pédagogique vous mène ? Je ne sais plus quelle réponse j’ai obtenue à ce sujet, mais je sais depuis que le numérique a achevé de frapper d’inanité ce lourd bagage. Ces deux classeurs tiennent dans un iPad. Or le site Ralentir travaux d’abord, ce manuel ensuite, ce sont un peu mes classeurs, mais je ne voulais pas les garder fermés. Je voulais les tenir à la disposition des autres, pour à la fois les leur offrir et les leur soumettre. C’était à la fois par altruisme et par égoïsme, car, pour plagier Montaigne, je dirais volontiers que votre approbation comme votre condamnation me seront utiles.

Un manuel numérique

Ce manuel n’a pas la prétention de se substituer aux manuels traditionnels. De toute façon, tant que l’on restera engoncé dans l’opposition hugolienne du «Ceci tuera cela», tant que l’on croira nécessaire de choisir l’un ou l’autre, on restreindra sinon la portée du problème du moins la richesse des techniques d’enseignement. Une technique – le plus souvent – ne remplace pas une autre. Internet n’a pas remplacé la télévision, laquelle n’a pas remplacé la radio… L’un ne se substitue pas à l’autre, mais se tient à côté. C’est d’ailleurs tout l’intérêt que je trouve aux tablettes et plus particulièrement à l’iPad. Celui-ci, contrairement à l’ordinateur de bureau, ne trône pas en conquérant sur la table après avoir terrassé les livres et le papier, il se tient à leurs côtés, accompagnant et enrichissant ces supports pluricentenaires. Le bureau du collégien, je le vois avec une tablette et du papier. Ce n’est pas l’un ou l’autre. Pourquoi choisir ?

Ce manuel, je le publie maintenant, parce que la rentrée scolaire ne me permettra plus de lui consacrer le temps que les vacances m’ont permis de lui accorder. Il n’est même pas, si l’on y regarde bien, tout à fait terminé (tant s’en faut). Comme les logiciels libres dont il s’inspire, il correspond à une version bêta, disons une version alpha pour parer à toute critique. S’il n’est pas totalement achevé, il pourra – du fait de sa nature – être mis à jour en un rien de temps. Et j’ose espérer qu’il le sera du fait des contributions, des observations et remarques en tout genre que je vous propose dès aujourd’hui d’écrire ici même dans ces commentaires. Je le redis, et même si ce n’est pas ce qui est arrivé, Ralentir travaux n’a jamais eu vocation à être l’ouvrage d’une seule personne. À ce propos, je tiens à remercier chaleureusement les personnes qui m’ont apporté leur aide, et au tout premier chef Christophe Herlory pour son soutien, sa traduction de l’extrait de Frankenstein et sa relecture du manuel, ma femme qui m’a prêté sa voix pour l’enregistrement des dictées, et tous ceux qui ont pris le temps, pour traquer les coquilles et les erreurs, de lire et relire ce manuel.

S’il n’est pas parfait, s’il n’entend pas supplanter quoi que ce soit – et surtout pas ces si riches manuels que les éditeurs proposent maintenant depuis tant d’années, ce manuel numérique se veut libre de droits, c’est-à-dire que pour la première fois l’on propose à l’enseignant d’être, dans sa classe, totalement en règle avec la loi. On peut copier, modifier, distribuer ce manuel. Les images, les textes, les questionnaires, tout peut être partagé ou transformé. Tout est sous licence Creative commons.

L’empire du copyright

Il faut dire et redire à quel point le droit d’auteur est une plaie pour le monde de l’éducation, un fléau qui restreint drastiquement la diffusion des œuvres. Combien de pépites, de découvertes resteront dans les tréfonds de mon ordinateur et de ceux de mes collègues ? Combien d’ouvrages ne pourront être partagés sous le prétexte que les droits d’auteur ont enfermé la culture pour une vingtaine d’années d’abord (lors de la Révolution française), puis pour cinquante, aujourd’hui pour soixante-dix ans ? Cette confiscation des œuvres, parfois totalement arbitraire (songez à cette traduction du Vieil homme et la mer de François Bon), enferme le patrimoine culturel dans la sphère du privé, prive le public de sa possession, de son droit de reproduction quand ce n’est pas purement et simplement de son droit de consultation. Par désir de profiter d’une manière financière, par crainte du vol également.

Or, dans le cas du numérique, la confusion est totale. Si vous copiez un texte ou reproduisez une image, vous ne volez rien du tout. Vous copiez. Il n’y a pas vol.
J’avais été très étonné en entendant pour la première fois la chanson du copyleft. Copier n’est pas voler. Si je vole un vélo, le propriétaire du vélo est lésé. Si je copie un texte ou une image, personne n’y perd. Le propriétaire n’a pas perdu son texte ou son image, mais, à présent, il y en a deux.

C’est qu’il faut distinguer le bien matériel du bien immatériel. Et, étonnamment, le XVIIIe siècle faisait cette distinction :

«Un homme a-t-il le droit d’empêcher un autre homme d’écrire les mêmes choses que lui-même a écrites le premier ? […] En effet, on sent qu’il ne peut y avoir aucun rapport entre la propriété d’un ouvrage et celle d’un champ, qui ne peut être cultivé que par un homme, et dont, par conséquent, la propriété exclusive est fondée sur la nature de la chose. Ainsi ce n’est point ici une propriété dérivée de l’ordre naturel, et défendue par la force sociale ; c’est une propriété fondée par la société même. Ce n’est pas un véritable droit, c’est un privilège, comme ces jouissances exclusives de tout ce qui peut être enlevé au possesseur unique sans violence.

Tout privilège est donc une gêne imposée à la liberté, une restriction mise aux droits des autres citoyens ; dans ce genre il est nuisible non seulement aux droits des autres qui veulent copier, mais aux droits de tous ceux qui veulent avoir des copies […]»

Condorcet, Œuvres, tome 11

La gratuité, enfin, est un point auquel je tiens. Quand j’ai créé Ralentir travaux, je l’ai fait avec dans l’idée que, pour le lire, je ne demanderai ni inscription ni contrepartie financière. C’est accessible. Instantanément. Je crois savoir que mon travail profite à ceux qui sont loin, dans des écoles mal dotées (mais disposant au moins d’une connexion à internet), à des étudiants étrangers, à des parents désireux de s’informer, à des curieux, et pourquoi pas à des établissements ayant déjà acheté des iPads et qui, compte tenu, de la richesse du web, n’auront pas à payer encore pour y mettre le contenu nécessaire aux apprentissages.

Et puis la remarque peut paraître prétentieuse car émanant de moi seul, mais si l’on veut bien considérer les économies réalisées par les administrations ayant recours à des logiciels libres (que l’on songe à OpenOffice, LibreOffice, Ubuntu…), on se dira que proposer gratuitement des manuels permettra de mettre l’argent ailleurs que dans des CD-ROM ou des manuels qui inévitablement finiront au rebut (c’est malheureux, mais c’est comme ça). Et je refuse d’entendre l’argument rappelant que tout travail mérite salaire. Je veux bien que l’on considère que j’ai fourni un travail de dément pour produire ce manuel, mais je ne peux raisonnablement pas le mettre en vente. Ou alors, pour reprendre une fois encore Condorcet, ce que je vendrais serait mon nom et mes mots, non mes idées qui ont été dites des millions de fois sur internet, dans les manuels, dans les salles de cours, etc.

Pourquoi l’iPad ?

On pourra s’étonner qu’un manuel se voulant gratuit et libre de droits soit proposé sur iPad, et l’on aura raison. Il est difficile de voir en Apple le parangon de l’ouverture et de la liberté. Force est cependant de reconnaître que seule Apple a développé un programme digne de ce nom permettant de produire à peu de frais un manuel numérique digne de ce nom, mais, dès que j’en aurai la possibilité, je m’attaquerai aux autres plateformes afin de proposer le manuel sur d’autres supports. De toute façon, vous trouverez à peu près tout le contenu du manuel sur Ralentir travaux.

Quand j’ai découvert iBooks Author, j’ai vu la possibilité qui m’était donnée de créer facilement et rapidement ce que j’avais toujours souhaité faire depuis Ralentir travaux. Un manuel. Je ne voudrais pas vous faire l’inventaire des avantages du numérique. Je ne vais même pas vous dire ce que contient ce manuel (je vous invite tout simplement à le parcourir. Tout au plus voudrais-je rappeler ces quelques points :

  • La tablette numérique est légère, et permet de se débarrasser du poids du cartable.
    Si la tablette a un coût à l’achat, celui-ci peut être partiellement absorbé par des dépenses qui deviendront superfétatoires (papier, encre, photocopieuse, manuel sur papier…). De plus, tout ce que j’ai acheté chez Apple est durable et solide (je ne suis pas un fanboy, c’est juste comme ça) y compris dans les mains de mes enfants les moins soigneux.
  • La luminosité d’un iPad peut être réglée directement dans l’application, et ne gêne pas les yeux. On peut même lire dans le noir !
  • La police peut être changée, agrandie. C’est, je crois, un atout pour tous ceux qui ont des problèmes de vue. C’en est un également pour les dyslexiques.
  • Mettre des signets, surligner, prendre des notes, tout cela est possible. Chaque mot peut être défini ou renvoyer au web.
  • On trouve des exercices interactifs, des quiz…
  • On trouve également des vidéos, des fichiers audio (un élève peut ainsi faire des dictées seul ou du moins s’entraîner), des diaporamas, des images interactives parfois en haute définition (un jour, on oubliera que la photocopie a existé).
  • Des liens internet menant à Wikipédia ou à Gallica offrent l’accès à de belles éditions quand ce ne sont pas les éditions originales. Une fois encore, j’y vois une libéralisation de la culture. On ne peut certes toujours pas les toucher, mais on peut voir, on peut lire ces œuvres de la Bibliothèque nationale de France que seuls quelques privilégiés pouvaient auparavant découvrir. Et je me souviendrai toujours du regard ébahi d’élèves habituellement peu sensibles au plaisir livresque découvrant des éditions originales.
  • Le manuel peut être utilisé avec d’autres applications. Le Petit Robert, Antidote sont des merveilles sur iPad. Certains logiciels de prise de notes sont extraordinaires. Je ne mets plus les pieds dans une bibliothèque sans mon iPad et Evernote ou Penultimate.

Quelques mots pour finir. Je me suis efforcé de rendre ce manuel aussi complet que possible, de multiplier les exercices de grammaire, de vocabulaire, de rédaction, etc. Il est l’œuvre d’une seule personne (ou presque), et c’est une bien lourde tâche que celle-ci. J’espère que vous saurez vous montrer indulgent quand vous trouverez une coquille, une erreur, une approximation, etc. Je vous remercie de votre compréhension. Un manuel numérique se bonifie dans le temps, non dans la cave, mais confronté à votre regard.

Il me reste à vous souhaiter une bonne lecture. J’espère que vous la trouverez, selon le vieux précepte horacien, utile et agréable.


Mise à jour :
Récemment, j’ai montré la première frise chronologique à mes élèves de quatrième. Avant cela, je leur ai posé quelques questions sur les genres littéraires, l’époque qui a vu fleurir tel ou tel, les grands événements historiques, etc. Je me suis alors rendu compte que leur donner ces repères littéraires et historiques était intéressant et important (j’étais collégien quand on déplorait déjà le manque de repères de la part des élèves), mais je me suis aussi aperçu qu’ils ignoraient complètement qui étaient Newton, Linné ou Pasteur, quand on avait bien pu utiliser l’électricité pour s’éclairer, quand la machine à vapeur était apparue, à quel moment on avait découvert la septicémie…

En somme, il s’agissait de mettre en relation tous ces événements, bref de rendre un peu compte de ce qu’était la vie à telle ou telle époque par le truchement de quelques dates significatives.
Quand la frise précédait un chapitre consacré à un seul auteur, je parvenais encore plus ou moins à brosser une période autour de quelques dates. Malheureusement, pour le premier chapitre, portant sur le XVIIe et XVIIIe siècles, cela peut donner une apparence de fouillis historiques. Le moyen de faire autrement ?

Le manuel a donc connu sa première mise à jour. Pour en bénéficier, iTunes ne vous prévient de rien. Il faut donc supprimer le livre dans iBooks et le télécharger à nouveau.


Deuxième mise à jour :
Le manuel a connu une mise à jour largement plus importante que la précédente. C’est expliqué ici.


Troisième mise à jour :
Cette troisième mise à jour apporte diverses corrections de bugs, oublis, erreurs en tout genre (numérotation de séances, de questions, de formatage du texte, de vidéos, etc.)
Quelques modifications ont également été faites, et quelques exercices ont été ajoutés (notamment sur les propositions subordonnées circonstancielles et sur l’écriture d’un conte réaliste).


Quatrième mise à jour
Cette mise à jour apporte une nouvelle couverture (pour se conformer à celle du manuel de 6e).
Le fichier multimédia d’introduction ainsi que la vidéo « Le masque de la mort rouge » ont été optimisés (le manuel est donc désormais moins lourd).
Ont été ajoutés une séance sur « Le pont Mirabeau » de Guillaume Apollinaire (enfin dans le domaine public), une leçon (vidéo) sur les point de vue, une série d’exercices sur les points de vue ainsi qu’un lien sur « La maison de Gavroche ».
Enfin, quelques erreurs ont été corrigées dans la table des illustrations.

Cinquième mise à jour
Ajout d’un groupement de textes « Victor Hugo et l’injustice »
Ajout d’un sujet d’exposé sur le thème « Vivre au XIXe siècle »
Ajout d’une séance « Jean Valjean chez monseigneur Myriel » (adaptation du texte des Misérables)
Ajout d’une séance « L’accident du père Fauchelevent » (lecture analytique)
Améliorations diverses

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Ravalement de façade pour Ralentir travaux

LogoC’est fait ! Bien sûr, ce n’est pas extraordinaire, ce n’est peut-être pas d’une grande originalité, mais c’est fait : Ralentir travaux a subi un (léger) lifting. Le site gagne même un logo dont je vous laisse deviner la signification. Il s’agrémente de quelques couleurs (oui, il y a du bleu). Les changements ne sont toutefois pas que d’ordre cosmétique, le code a été revu, quelques nouveautés font leur apparition. Et cette réfection m’a donné plein d’idées à exploiter dans un avenir proche.

HTML 5 et CSS 3

Tout d’abord Ralentir travaux est désormais en HTML 5. Pour cela, je n’ai pas dû changer grand-chose. Un doctype. Quelques balises nouvelles (header, section, footer, etc.). Un peu de CSS3. Rien de très complexe. Des effets d’ombre, des coins arrondis, des dégradés, quelques colonnes, etc. De ce point de vue, je ne suis pas allé aussi loin que je le désirais. Il faudra attendre la prochaine révision, quand j’aurais acquis des connaissances plus approfondies. Cependant, je recherche avant tout la simplicité. Celle que l’on trouve, par exemple, dans une application comme Instapaper pour iPad dont le succès me conforte dans mes choix esthétiques : un dépouillement qui ne laisse que l’essentiel, le texte. J’aurais quand même voulu procéder à quelques raffinements, quelque chose qui se rapproche de la mise en page d’un journal papier avec des colonnes, mais là encore ce sera pour la prochaine fois.
De toute façon, me replonger dans les techniques du web m’a remis le pied à l’étrier, m’a donné l’envie, et peut-être, dans quelque temps, la possibilité de faire mieux encore, quand j’en aurais appris davantage. À ce propos, j’ai quand même pu corriger quelques erreurs dans le code, des grossièretés de débutant, et je suis bien aise de m’en être débarrassé. Peut-être y en a-t-il d’autres… Et que de pages à corriger ! Ralentir travaux demandera un jour un travail à plein temps !
Comme mes capacités en JavaScript sont toujours aussi limitées, j’ai eu recours à Hype qui m’a bien aidé pour réaliser un «Slide» afin de présenter les grandes parties du site. Cela s’appelle Visite guidée.

Visite guidée

J’oubliais ! En bas, de la page d’accueil, il y a une petite subtilité esthétique qui fait défiler le texte. Si l’idée et sa réalisation ne sont pas de moi, c’est quand même bien joli.

Visite guidée

Quelques ajouts

Avant de procéder à quelques ajouts, j’ai supprimé la partie Voir, qui n’était plus mise à jour depuis longtemps. La menu n’affiche donc plus que quatre parties : l’actualité, les lettres, le blog (vous y êtes) et les liens. C’est évidemment dans la deuxième que se concentre l’essentiel du site accessible à partir de cette page.
J’ai essayé d’améliorer le référencement interne en ajoutant à chaque page (en fait, pas tout à fait, j’y travaille encore) une sélection de liens susceptibles d’intéresser le visiteur.

Mais la plus grande nouveauté est la possibilité de commenter chaque page. Dans un premier temps, je ne voulais ajouter cela que dans la partie Cours, mais emporté dans mon élan, je l’ai ajouté sur chacune des pages. Un bon millier (à la louche). Le but est de permettre la discussion, de demander une précision, de corriger une erreur, etc. Là encore, dans un avenir plus ou moins proche, j’aimerais permettre davantage d’interaction comme la possibilité de modifier, de personnaliser les pages.

Pour finir

Pour finir, je voudrais rendre à César ce qui est à César et remercier les auteurs de sites qui m’ont aidé, d’une façon ou d’une autre, dans la réalisation du mien.
J’ai toujours été inspiré par les designs minimalistes comme celui d’Apple. J’ai bien aimé également ce site très épuré. Pixeden m’a fourni de jolies images. Les générateurs en tout genre m’ont apporté une aide précieuse : Ultimate CSS Gradient Generator, Support du web pour les coins arrondis, CSS3 generator, Générateur de multi-colonnes en CSS3, CSS menumaker, un autre CSS3 Generator, CSSDeck, CCS 3.0 Maker, etc.

Et ensuite ?

Beaucoup de choses me font envie. Il m’a toujours semblé que je devais vraiment me mettre au JavaScript, mais aujourd’hui la priorité me semble devoir être accordée à l’apprentissage du CSS et de ses propriétés vraiment surprenantes. Parmi celles-ci, j’aimerais intégrer de pareilles transitions pour passer d’une page à l’autre. J’avais été très impressionné par Paperfold CSS. Il y aussi des animations rigolotes : Ring Menu, Dynamic Stack of Index Cards, CSS3 Rotating menu qui marche très mal avec Safari, CSS3 ordered list style qui ne marche qu’avec Firefox, etc.

Bref, pas mal de travail en perspective.

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Lettre ouverte à un lycéen (qui n’a pas la maturité pour être éduqué au numérique)

Cher lycéen, toi qui as – ou qui es en passe d’avoir – l’âge de te marier, de voter et même de faire la guerre, tu n’aurais pas la maturité nécessaire pour être éduqué au numérique. Dix-huit ans après ta naissance, tu ne serais même pas en mesure de tirer profit du numérique !

En lisant une telle assertion, tu dois passablement pouffer de rire, toi qui «du matin jusques au soir» vis dans un univers numérique. En revanche, tu dois manquer de t’étrangler en avalant tes céréales quand tu entends qu’un enseignant ne veut pas t’éduquer, toi qui appartiens au mythe faux et archifaux de la génération Y, et qui connais toute l’étendue de ce mensonge. Certes, un clavier n’a pour toi rien d’anxiogène, mais tu as besoin d’apprendre à t’en servir. En effet, il ne suffit pas de naître dans une bibliothèque ou un centre hippique pour devenir un grand lecteur ou un cavalier émérite. Il faut apprendre.
De surcroît, tu sais bien que «numérique», ça ne veut rien dire. S’agit-il de calcul numérique ? De signal numérique ? D’appareil numérique ? Et dans ce dernier cas, parle-t-on de caméra, d’appareil photo, de téléviseur numériques ? Et, au fait, la fracture numérique n’existe-t-elle plus ? Tous les adolescents sont-ils devenus égaux face au numérique ? Ont-ils tous les mêmes capacités ? Le même équipement ? La même connexion internet ?

Bref, la chose est si vague, si fausse, si révoltante qu’elle devrait susciter l’indignation. Mais non, les gens ont préféré applaudir à tout rompre.

Le lycéen – lui qui vit et jongle en permanence avec divers appareils – ne mérite pas que l’on se désintéresse à ce point de son présent. On ne peut non plus négliger son avenir dans lequel les machines seront chaque jour davantage omniprésentes. Demain, le lycéen votera sur son téléphone, il paiera ses courses avec ce même appareil. Il rencontrera peut-être même sa femme par ce truchement. Sa culture – fût-elle littéraire – est numérique. Lui dire que l’enseignement se désintéresse de cette question, c’est lui dire : «Ton univers ne m’intéresse pas. Le tien et le mien (celui de la littérature, celui de la poésie et du baroque) ne s’interpénétreront jamais».

Le professeur de lettres que je suis trouve ce discours absolument inaudible. Le professeur que je suis voudrait te dire tout ce que je souhaiterais que tu apprennes si j’avais la charge de ton éducation numérique.

Tout d’abord, tu apprendrais à te servir d’un clavier. Tu apprendrais donc la dactylographie afin de frapper mélodieusement et délicatement de tes dix doigts ce clavier que tu utilises tous les jours. Et pas comme ces autodidactes heurtant nerveusement et fébrilement les touches lorsqu’ils chattent sur les messageries instantanées. Les raccourcis clavier, les combinaisons de touches n’auraient aucun secret pour toi. Ta frappe aurait l’efficacité d’un développeur programmant en C++.
Tu apprendrais également la typographie, afin que les documents que tu imprimes n’aient pas la laideur repoussante de ceux que les adultes nous imposent. Tu découvrirais différentes «fontes» et saurais ce qu’est une espace insécable ou le quart de cadratin. Soucieux de ton orthographe, tu découvrirais l’importance et la richesse des correcteurs orthographiques que sont Antidote ou le Petit ProLexis.
Tu apprendrais à te servir d’une machine, à la démonter et à la remonter, tu considérerais chaque système d’exploitation, chaque programme à sa juste valeur, et ta pratique ne serait pas assujettie à celle qui t’a été imposée par l’usage, celui du cercle familial, de l’impact publicitaire ou même du coût financier.
La programmation serait enseignée. L’omniprésence du web ne plaide-t-elle pas en faveur du HTML 5, du CSS 3, du JavaScript, etc. ? Eh quoi ? Un internaute ne serait-il qu’un simple usager, jamais un créateur ? Le web 2.0 n’était-il qu’un mythe ? Faut-il enfermer les lycéens dans la simple utilisation de programme délivrant des sites tout faits ? Désire-t-on un web uniforme ? En outre, l’apprentissage de la programmation invite à la plus grande des rigueurs : si le programme est mal écrit, il ne fonctionne pas.
L’usage du web doit-il se conformer à des lois sinon iniques du moins inadaptées ? Un lycéen devrait pouvoir outrepasser les filtres qui lui sont imposés. Il doit pouvoir assurer la sécurité de son réseau wifi. Il doit pouvoir déplomber ce qu’il a légalement acheté pour pouvoir en jouir à sa guise. Il doit pouvoir regarder ses séries américaines sans que l’industrie télévisuelle ne lui indique quand, comment et de quelle façon il doit les regarder. De ce point de vue, le lycéen doit être un hacker, et un hacker qui parle anglais. Il est même polyglotte, parce que connecté aux réseaux sociaux, il s’adresse à la planète entière. Il parle à ceux qui se trouvent dans leur printemps révolutionnaire, il parle aux lycéens des antipodes subissant des cataclysmes, il suit sur son téléphone l’arrestation de Ben Laden avant tout le monde.
Enfin, on peut espérer que ce lycéen, tel un de ces étudiants facétieux qui hantent les romans ou l’histoire de l’informatique, soit l’un de ces farceurs qui font enrager les grandes entreprises. Un Steve Wozniak en puissance mâtiné de Panurge.
La culture qui est la sienne est aussi une culture soucieuse de la garantie des libertés informatiques. Le lycéen est soucieux de sa vie privée (il sait par exemple ce qu’est un VPN), il est désireux d’utiliser les standards de l’informatique, et recherche autant que faire se peut les logiciels libres. Il ne veut pas mettre son avenir (et tous ses précieux documents) entre les mains de géants informatiques mercantiles.

Retourné dans la galaxie Gutenberg, il est sorti d’un univers que l’on croyait un temps uniquement dévolu au monde de l’image. Le lycéen passe son temps à lire… sur internet. Il faut donc lui apprendre à le faire, à choisir soigneusement ses sources pour éviter de se faire berner par le moindre pervers malicieux. Il doit croire en la liberté de la presse, et la parcourir quotidiennement. Il doit lire autant de livres qu’il veut sur son iPad, sa tablette Androïd, sur ce qu’il veut enfin, mais lire. Et prendre des notes avec l’un de ces merveilleux programmes qu’est, par exemple, Evernote. Quand il part en vacances, il a dans sa poche ou dans son sac des milliers de livres. Il peut même, s’il le désire et si on l’a aidé à en comprendre l’importance, avoir le Grand Robert. Avec cela, il ne reviendra jamais au papier, ce support jauni, terne, en petits caractères noir et blanc. Et quand il achoppe sur une notion, quelle qu’elle soit, il doit pouvoir trouver de l’aide dans cette grande bibliothèque qu’est internet soit en cherchant, soit en s’adressant à ses enseignants bienveillants par le biais de la visioconférence.

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Si les lycéens n’ont pas la maturité pour être éduqués au numérique, les collégiens l’ont

Exercice de sixièmeLa page d’exercices en sixième est devenue, cette année, l’une des pages les plus consultées. Elle compte désormais près de 150 exercices en tout genre, dont l’essentiel est constitué d’exercices de grammaire, d’orthographe et de conjugaison. Ceux-ci visent à permettre aux élèves de maîtriser le programme de l’année, mais aussi de combler les lacunes qui seraient les leurs. C’est pourquoi je m’efforce de créer des exercices dès que je constate une difficulté (Quand faut-il mettre un ou deux «s» ? Quand faut-il mettre une cédille ?, etc.). L’avantage de ces exercices principalement créés avec Hot Potatoes est de permettre de différencier la pédagogie en donnant des exercices ciblant telle ou telle difficulté. De cette façon, un élève qui n’aurait pas une de ces difficultés peut continuer à travailler sur le programme sans avoir à souffrir les révisions superfétatoires.

Mais compte tenu d’un certain nombre d’obstacles liés pour la plupart aux travaux de rénovation du collège, je n’ai pas pu pendant longtemps utiliser mon propre site avec mes élèves. À présent que les choses sont à peu près rentrées dans l’ordre, je peux enfin utiliser Ralentir travaux avec ceux pour lesquels il a été, à l’origine, créé. Or je me suis aperçu de quelques petites choses qu’il est absolument nécessaire de savoir si vous désirez, en tant qu’enseignant ou en tant que parent, utiliser cette page d’exercices.

L’élève face à l’ordinateur

La toute première chose que j’ai observée est qu’on ne peut pas laisser un élève seul face à son exercice, particulièrement s’il s’agit d’un exercice «binaire» qui appelle une réponse ou une autre. C’est typiquement le cas des exercices consacrés aux homophones, «on» ou «ont» par exemple. Un élève, peu soucieux de comprendre ce qu’il fait, complétera par «on» ou «ont» plus ou moins au hasard, appuiera sur Vérifier (l’exercice met alors en gras les bonnes réponses, laisse les fausses). À la suite de quoi, l’élève corrigera par son contraire ce qui est faux, aura donc cette fois-ci tout bon, et passera à l’exercice suivant sans avoir rien compris pour autant. Dans ces conditions, l’exercice ne sert à rien.

Exercice sur les homophones

Pour être certain que l’exercice a servi à quelque chose, il faut demander à l’élève de restituer la règle lorsqu’il a fini. S’il n’y parvient pas, on peut le renvoyer à la lecture de la leçon et refaire l’exercice avec lui (ou faire d’autres exercices). Dans tous les cas, il faut exiger de l’élève qu’il fasse son exercice dans un onglet. Il pourra passer à autre chose si vous n’avez pas la possibilité de faire le point avec lui immédiatement, et quand vous serez disponible, vous pourrez vérifier le taux de réussite à l’exercice et interroger l’élève afin de vérifier ce qu’il a compris.
L’utilisation des onglets dans Firefox ou Chrome est fort pratique en ceci qu’elle évite de cliquer sur les flèches pour revenir en arrière ou pour aller en avant. Utiliser ces flèches est toujours une perte de temps, surtout si le réseau est lent. Il faut attendre que la page se recharge, on retourne en arrière, va en avant, etc. Je conseille donc à mes élèves d’ouvrir la page des exercices dans un onglet, de lancer un exercice dans un autre et enfin d’en ouvrir un troisième pour y faire des recherches dans Google ou un dictionnaire comme le Larousse ou Reverso.

Un onglet

Puisque les élèves travaillent avec un ordinateur, la tentation est grande de leur rappeler que le clavier ne sert pas qu’à taper du texte, mais qu’on peut effectuer toutes sortes d’actions qui augmenteront l’efficacité du travail. On peut évoquer l’inévitable ctrl + a pour sélectionner du texte, les fameux ctrl + c et ctrl + v pour copier et coller. Si très peu d’élèves utilisent ces raccourcis, aucun ne pense jamais à taper ctrl + f pour effectuer une recherche sur une page qui contient des centaines de lignes lorsque l’on cherche un mot précis (l’essayer, c’est l’adopter). Fort heureusement, certains ont constaté qu’en utilisant la touche Backspace, on passait d’une zone de saisie à l’autre sans avoir pour autant à lâcher le clavier pour la souris. Ça soulage énormément notamment lorsque l’on fait des exercices à trous.

Quoi qu’il en soit, dans le cas où un élève était confronté à une difficulté, je lui demande toujours de noter la leçon ou, si celle-ci est trop longue, de l’imprimer. À la fin (c’est-à-dire au bout de quelques séances), on procède à une évaluation, notée ou non. En ce cas, l’exercice aura permis de prendre conscience d’une lacune, d’y remédier facilement, et même d’obtenir de meilleurs résultats lors de l’évaluation, une évaluation qui cible les difficultés de l’élève, lequel (on l’a vu) n’a pas les mêmes que celle de son voisin.

La tentation d’évacuer la difficulté

J’ai remarqué un autre problème : une tendance à zapper, à passer d’un exercice à un autre, sans trop se préoccuper de cohérence, allant, par exemple, d’un exercice de conjugaison sur le présent de l’indicatif à des mots croisés sur les dieux romains. En début de séance, je précise donc l’objectif à atteindre. Ainsi on travaillera sur les homophones grammaticaux ou sur le présent, et sur rien d’autre tant que l’ensemble des exercices donnés n’auront pas été faits et compris (le taux de réussite doit donc être, selon l’exercice, supérieur à 85%).

Au début, je laissais les élèves butiner au gré de leur fantaisie (que je croyais être l’expression de leurs besoins) dans la série d’exercices. J’ai vu alors des élèves travailler avec plus ou moins d’efficacité, mais j’ai observé chez eux un goût prononcé pour certains types d’exercices. Quels que soient les objectifs fixés par ces exercices (vocabulaire, connaissances, orthographe, littérature…), ils sont toujours choisis par les élèves en fonction de leur aspect non scolaire ou, disons, moins scolaire. Ainsi, les pendus, les quiz (surtout en images comme celui sur les Métamorphoses, sur les contes ou la guerre de Troie), les mots croisés ou les charades ont la préférence des élèves. Ces dernières ont d’ailleurs connu un certain succès. Elles ont évidemment un côté ludique, elles permettent de travailler le vocabulaire et surtout l’orthographe sans qu’il n’y paraisse ou plus précisément les élèves ont besoin de l’orthographe pour réussir l’exercice. De ce point de vue, ils ont véritablement besoin d’un dictionnaire (ouvert dans un onglet, consultable à l’envi, sans qu’il soit nécessaire de revenir sans cesse à la page précédente). Je me suis rendu compte que les élèves avaient très envie d’en rédiger à leur tour, et que la création de ce type d’exercices avec Hot Potatoes était encore plus formatrice, obligeant les élèves à beaucoup de rigueur dans la rédaction des charades, des définitions, dans l’utilisation de l’orthographe, de la ponctuation, etc. Dans le cas contraire, les charades sont infaisables.

Il y aurait beaucoup d’autres exercices à concevoir que le temps ou des connaissances insuffisantes en JavaScript ne me permettent pas de réaliser. J’aimerais faire davantage de dictées, mais cela prend beaucoup de temps d’enregistrer les textes. Par ailleurs, le réseau étant chez nous excessivement lent, l’exercice devient rapidement infaisable.

En guise de conclusion

De tout cela, je retiens que l’usage de l’informatique au collège n’est pas qu’un petit supplément d’âme dans un enseignement somme toute relativement conventionnel. Je me souviens avoir lu sur Twitter que les exerciseurs étaient le degré zéro de l’informatique. Sur le moment, j’accréditais cette formule d’une certaine pertinence. Avec le temps, je pense que les exercices réalisés de cette façon sont un moyen de différencier la pédagogie. En effet, un élève procède à son rythme et, s’il le désire ou le peut, on peut lui proposer de réaliser le programme de l’année, d’aller plus loin, de revenir en arrière sans que cela ne gêne qui que ce soit qui voudrait aller plus vite ou plus lentement. Les parents peuvent même reprendre les exercices avec l’enfant s’ils ont internet à la maison (ce qui est devenu généralement le cas). Et l’on ne risque pas d’oublier le manuel ! Au reste, en dépit de ce que prétend le pourrisseur du web, je suis persuadé que les élèves ont la maturité nécessaire pour être éduqués au numérique… pour peu que l’enseignant le désire et soit très présent.

Dernier point. Pour ceux qui n’ont pas de difficultés particulières (et pour lesquels les révisions susmentionnées sont donc inutiles), on peut très bien les faire travailler sur des tâches plus complexes (des exposés, des rédactions…). Quelques élèves ont même accepté de jouer les tuteurs, et d’expliquer à qui le voulait les règles sur lesquels d’aucuns achoppaient. C’est alors l’occasion pour eux de formuler les choses avec clarté, concision et rapidité, car ils sont très sollicités.

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Pour en finir avec le pourrisseur du web

Un canular pertinent ?

Pourquoi la talentueuse galéjade d’un dénommé Loys n’en finit-elle pas de faire couler de l’encre ? Cette farce n’est-elle donc pas réussie ? Bien sûr qu’elle l’est, et c’est précisément pour cette raison qu’elle est couronnée de succès. De surcroît, elle pose un vrai problème que l’Éducation nationale devra prendre un jour à bras-le-corps. Je veux parler de l’utilisation d’internet dans la rédaction de réponses à un devoir et même lors d’un examen. Mieux encore, on comprend que c’est un problème de société lorsque l’on constate que les lycéens paresseux n’ont pas l’apanage du vice dénoncé. L’auteur du blog À la toison d’or ne dit pas autre chose :

« Des élèves de lycée recopient leurs devoirs ? Et pourquoi ne le feraient-ils pas ? On a vu en moins d’un an un journaliste culturel à succès, une ancienne ministre, un présentateur vedette de journal télévisé et celui qui est présenté comme le plus grand écrivain actuel se rendre coupable de plagiat ! Soit ils ont avoué, soit ils ont présenté des excuses tellement lamentables que personne n’a été dupe. »

Le plagiat, la copie éhontée sont donc des problèmes réels qu’on ne peut ignorer. De ce point de vue, il est intéressant de reconnaître que l’article de Loys met en évidence la plaie que représente ce que j’ai déjà appelé les marchands du temple, ces commerçants du soutien scolaire qui vendent des commentaires et des dissertations à la qualité douteuse. Eux aussi pourrissent le web.

Mais alors, si cet article est bien écrit, est même brillant et pose de vrais problèmes, que ne sommes-nous satisfaits ? Eh bien si l’on passe les petites manifestations d’ego auctoriales (« j’ai voulu démontrer aux élèves que les professeurs peuvent parfois maîtriser les nouvelles technologies aussi bien qu’eux, voire mieux qu’eux », « cette expérience […] me vaut aujourd’hui une belle réputation dans mon lycée. »), le méchant et pernicieux piège tendu aux élèves, force est de constater que le texte n’apporte aucune réponse au problème posé ou, plus précisément, il l’évacue de la pire des manières.

Foin du numérique

Retournons au bon vieux temps où l’ordinateur n’existait pas. Tel pourrait être le credo de Loys. Exigeons des élèves qu’ils se passent de leurs jouets technologiques. Cette injonction rappelle fortement le désir finkielkrautien de débrancher les établissements scolaires. Outre que, avant de les débrancher, j’aimerais qu’on les branche, on peut s’interroger quant à la légitimité d’une telle demande. Si elle n’étonne plus de la part du philosophe (s’exprimant sur France culture le samedi matin), elle laisse pour le moins perplexe quand il s’agit de notre jeune auteur qui voit dans le numérique le mal qui ronge notre école. Tout se passe comme si de jeunes gens nés à une époque où Steve Jobs n’était déjà plus un hippie puant et défoncé, mais un entrepreneur qui allait changer notre rapport à la machine, tout se passe comme si ces jeunes gens, disais-je, n’avaient jamais rien compris à l’informatique. Ils ont la même réaction que leurs aînés qui ont assisté à la naissance de Pong, ils ne comprennent pas l’intérêt de l’ordinateur personnel. Pire encore, ils le conçoivent comme un péril. Ils poussent des cris d’orfraie et tels des prophètes de malheur nous annoncent que l’école va à sa perte et que son fossoyeur est la machine.

Des enseignants passéistes

C’est précisément cela que je trouve détestable. Cette vaine propension à regretter ce qui est, au lieu de le prendre en compte et d’agir en conséquence. Vous pouvez regretter tant que vous voulez l’omniprésence des machines, elles sont bien là et toutes les incantations visant à restaurer un état antérieur sont frappées d’inanité. Pour pasticher Jean-Marie Tjibaou, je dirais volontiers que notre avenir est devant nous. Le retour en arrière est un mythe. Nous n’aurons pas d’école sans ordinateurs. Faites-vous à cette idée.

Et j’aurais tant voulu que notre contempteur des usages numériques nous dise, tel Umberto Eco, qu’il faut apprendre à « exercer son sens critique face à internet », « ne pas tout accepter pour argent comptant » (N’espérez pas vous débarrasser du livre). Ne me répondez pas que c’est ce qu’il a fait. Il a éventuellement apporté à des lycéens la preuve qu’il fallait être prudent, il n’a rien enseigné. Or l’exercice, selon Eco, pourrait être : « à propos du sujet proposé, trouvez dix sources de renseignements différentes et comparez-les » (op. cit.). Si Loys avait eu cette idée, celle d’éduquer à l’usage d’internet, son article aurait eu l’assentiment général. Au lieu de ça, ses mesquineries piégées exaspèrent, ses regrets nauséabonds fleurent bon la nostalgie de l’école du passé. Le mot « nauséabond » peut paraître excessif, mais il faut comprendre une chose. Le succès de Loys est le succès de tous les réacs en général et en particulier de professeurs qui, dans un forum bien connu, se débondent en épandant leur regret d’une école qui ne leur convient pas. Parmi eux, un chasseur de mouches (c’est ce qu’indique son pseudo) est le grand réac en chef. Je le soupçonne, tel un personnage huysmansien, de s’être fait tatouer sur la plante des pieds le nom de Meirieu pour le fouler toute la journée. Il hait le collège unique, conspue l’usage de l’informatique en classe, conchie les réformes visant à faire de l’école autre chose qu’une fabrique de crétins (mais après tout, c’est son fonds de commerce). Il abhorre jusqu’à l’Éducation nationale qu’il voudrait voir instruire et non éduquer.

Instruire ?

Vous pouvez m’attribuer d’ores et déjà le point Godwin, je me l’attribue si vous le voulez : la seule fois, en près de 200 ans, qu’on est revenu au ministère de l’Instruction publique, c’était sous le gouvernement de Vichy. Comment, aujourd’hui, peut-on encore prétendre que les enseignants ne sont là que pour instruire et non éduquer (si le sujet vous intéresse, j’y consacrerai un autre article) ? Quoi qu’il en soit, le grand réac a ses thuriféraires parmi lesquels vous trouverez notre pourrisseur du web et sa vulgate : le web est truffé d’erreurs, point de vérité hors du livre dans lequel ils semblent avoir toute confiance. C’est à croire qu’ils n’ont jamais lu la Bible, aucune histoire de la Révolution française ou de la franc-maçonnerie.

Tapage médiatique

L’accueil réservé à de tels personnages fait donc frémir. Ils ont accaparé toute l’attention du public sur Twitter, sur Facebook, sur Europe 1, sur France 2 et que sais-je encore ? Que fallait-il faire pour cela ? Rien ou presque. Il suffisait de dire que les lycéens sont des crétins feignants et que le web est un vivier à sottises. Et tout le monde d’applaudir ! Les bras m’en sont tombés. Tous les gens qui, depuis des années, contribuent à faire du réseau des réseaux un lieu hautement éducatif sont boudés, ignorés, peut-être même maintenant méprisés, et un enseignant venu pourrir le web, falsifier une encyclopédie est accueilli en héros ! C’est pour cela que j’ai écrit cet article Comment j’ai nourri le web. Si c’était à refaire, je l’intitulerais Comment ils nourrissent le web afin d’y inclure tous ceux qui travaillent dur pour publier le fruit de leur travail sur internet. Heureusement, certains d’entre eux ont eu l’idée d’un Wiki rassemblant toutes les contributions. C’est la fin de l’histoire du pourrisseur du web. Que celui-ci retourne dans son cénacle où l’on célèbre l’école d’antan et le charme discret de la bourgeoisie. Je vote pour la damnatio memoriae.

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Comment j’ai nourri le web

Une expérience réussie

J’ai beaucoup ri en lisant l’article Comment j’ai pourri le web. J’ai ri d’un rire primesautier, sans trop porter d’attention à l’objet de ma lecture, une parmi tant d’autres lors d’un mercredi après-midi. J’ai d’ailleurs trouvé l’idée de cette expérience excellente. L’idée de montrer aux élèves qu’ils ne devaient pas se fier aveuglément à ce qu’ils trouvent sur internet, l’idée de leur montrer la vénalité et l’inanité des sites qui vendent des commentaires ou des dissertations, l’idée enfin que la paresse est un bien vilain défaut, tout cela me plaisait. Mais je ne m’attendais pas à une telle conclusion. L’auteur y affirmait qu’internet creuse «la tombe de l’école républicaine», que paradoxalement on ne profite du numérique que quand on a formé son esprit sans lui».

L’école se meurt, c’est la faute à internet

À ce moment de ma lecture, ces réflexions me chiffonnent. Je les ai déjà lues quelque part. D’ailleurs, en parcourant la liste de liens en regard de ce texte, je ne m’y trompe plus, je suis bien en présence d’un lecteur de Néoprofs, de Bonnet d’âne, probablement membre de Sauver les lettres, etc. Ce n’est pas bien grave. Ce sont mes réacs préférés, mais je sais à quoi m’en tenir. Je suis donc en présence d’un article pour lequel l’auteur va consacrer toute son intelligence à vouloir démontrer une chose : l’école meurt, et le numérique est son virus. Je me garderai bien de récolter un point Godwin si tôt, mais enfin le parallèle avec la décadence (le corps qui dépérit), le mal localisé, incarné… On a là tous les poncifs de la pensée réactionnaire. Il ne manque plus que le nivellement par le bas, le bon sens, et on y est.

Évidemment, je ne vais pas entamer un paragraphe pour expliquer l’innocuité du numérique à l’école. Dans la majorité des écoles, collèges et lycées de France et de Navarre, le numérique se réduit à une misérable salle informatique pour des centaines d’élèves. Ce n’est pas ça qui est mortifère. À lire le contempteur des usages informatiques, les élèves paresseux et pas très futés seraient les fautifs. Mais il faut dire que ces pauvres enfants, à qui l’on confie des bijoux technologiques dès leur plus tendre âge, ont des enseignants qui préfèrent se gausser de leur nullité plutôt que leur apprendre à s’en servir.
Et que dire de ce prétendu paradoxe dont la formulation ne se pare des plumes de la rhétorique que pour masquer son indigence ? Des phrases comme celle-là, je vous en ponds à la dizaine : «On ne profite du sport que quand on a formé son corps sans lui» ou encore «On ne profite de l’informatique que quand on n’a jamais utilisé un ordinateur ». Ah ! mince ! Celle-là a déjà été faite…

Une manipulation un rien perverse

Et puis, tout de même, quelque talentueuse que soit la démonstration, elle n’est pas dépourvue d’une certaine perversité. Semer des erreurs sur un texte et un auteur dont les élèves ignorent tout ; attendre d’eux, dénués qu’ils sont, qu’ils se fourvoient dans le piège tendu pour ensuite jeter le blâme sur des procédés auxquels on s’attendait qu’ils s’adonnent et qu’on a même favorisés, si cela n’est pas de la manipulation, de la perversité… Les voix de la pédagogie étant inextricables, la chose était concevable si elle amenait à prendre en compte l’usage des sources sur internet, à poursuivre la démonstration par un travail sur le bon usage des sources sur internet ou ailleurs. Parce qu’il n’y a qu’un naïf pour prétendre que le plagiat éhonté est l’apanage de notre époque. Pour autant que je sache, les élèves ont toujours puisé où ils le pouvaient des réflexions toutes prêtes, leur épargnant ainsi le moindre effort de pensée. Ce n’est franchement pas une nouveauté. Je ne développe pas ce point ; on ne va pas ergoter pour savoir si aujourd’hui c’est plus facile ou si, avant, prendre le stylo pour recopier était d’un quelconque profit. Tout au plus fera-t-on remarquer que si l’on ne veut pas, lors d’un devoir, qu’un élève en classe prenne son iPhone pour butiner des réponses toutes faites, on peut aussi se donner la peine de le surveiller.

Pour conclure

Achevons. L’idée est de battre en brèche l’usage d’internet, de le pourrir annonce le titre. La conclusion est évidemment sans appel : «Leur servitude [celle des élèves] à l’égard d’internet va même à l’encontre de l’autonomie de pensée et de la culture personnelle que l’école est supposée leur donner.» Ainsi l’école serait l’opposée d’internet, l’école émancipe tandis qu’internet asservit. Je n’ai vu aucune démonstration permettant d’aboutir à ce constat. J’ai vu en revanche des lycéens paresseux, mais est-ce que cette paresse s’origine dans l’usage d’internet ? Très sincèrement ? La question ne m’intéresse même pas. Ce qui m’intéresse, c’est ce que ce prof clame haut et fort : «Je pourris internet». Et plus je lisais cet article, plus je me disais que je faisais exactement le contraire. Depuis cinq ans, je m’efforce de nourrir internet, d’y apporter tout ce qui permettrait à mes élèves d’apprendre, de comprendre, de se documenter, d’obtenir de l’aide, de s’entraîner, de réfléchir, etc. Ma démarche est exactement l’inverse de celle prônée par l’auteur de cet article. Je veux que mes élèves n’aient pas à s’inscrire ni à payer pour obtenir une information qui plus est erronée. Je veux que mes élèves sachent où chercher, raison pourquoi je mets tous les liens des sites qui me semblent fiables. Je veux que mes élèves puissent me contacter dès qu’ils achoppent sur une notion, qu’ils puissent retrouver tous mes cours, faire des exercices, etc. Tout cela s’appelle Ralentir travaux, et certainement pas Pourriture du web.

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Un iPad au collège

L'iPad sur le bureau

Ma femme ayant récemment eu le bon goût de m’offrir un iPad, j’ai immédiatement délaissé mon MacBook Pro (et ma femme) au profit de la tablette d’Apple. Je pensais, au début, simplement faire l’essai du passage de l’un à l’autre, voir s’il était seulement envisageable de troquer l’un pour l’autre, mais je me vois aujourd’hui difficilement faire marche arrière. Les quelques lignes qui suivent tentent d’apporter une réponse, même si tout a probablement déjà été dit sur la chose. Mais enfin, voici mon expérience propre.

Un poids en moins

Moi qui trimballe ma machine chaque jour que Steve Jobs fait (ou faisait), la première chose que j’ai observée – ou plus précisément ressentie – est la légèreté nouvelle de mon sac. Le Mac avec son chargeur atteint facilement ses quatre kilos alors que l’iPad pèse moins de 700 grammes ! Mon sac me paraît même vide, et ne l’a pas en horreur (le vide). J’ai aussi gagné de la place sur mon bureau. S’il y a bien une chose que je déplore depuis que j’enseigne à l’aide d’un ordinateur et d’un vidéoprojecteur, c’est le truchement de la machine, cette frontière même ténue qui s’interpose entre mes élèves et moi. Et franchement, quoi de plus triste que ces professeurs qui restent assis derrière leur bureau, les mains sur le clavier ? Désormais, je branche donc l’iPad sur le vidéoprojecteur (il faut pour cela un adaptateur VGA). L’iPad est d’ailleurs si petit qu’il se ferait presque oublier s’il ne suscitait chez les élèves un émerveillement auquel je ne m’attendais pas. S’ils sont parfaitement blasés quand un enseignant sort son ordinateur, fût-ce un Mac tout rutilant, ils sombrent dans une béatitude dont on les sort difficilement les premiers jours quand on exhibe (malgré soi) un iPad. Les jours passants, l’outil se fait plus ou moins oublier et l’on peut travailler. Mais je ne peux m’empêcher de me demander ce que serait un cours si d’aventure l’administration consentait à équiper ma salle d’un vidéoprojecteur wi-fi (je ne sais même pas si la chose existe) ? Que ne pourrait-on faire alors ? Déambuler dans la salle, quitter ce bureau monotone, et, la tablette à la main, afficher tel ou tel point de grammaire en fonction des difficultés aperçues dans les rangs (par exemple)… Il va de soi que, dans ces conditions (et même sans wi-fi), on ne tourne plus le dos aux élèves lorsque l’on écrit au tableau. Pas mal, non ?

En plus du poids, il est un autre avantage lié aux tablettes numériques : la batterie qui, pour ce que j’en fais, tient largement toute la journée. Je n’ai donc pas besoin de prise de courant, et il y a ainsi, dans ma classe, un fil de moins dans lequel les élèves venant au tableau peuvent se prendre les pieds. Ce n’est pas rien.

Comme dans un livre

iCal

S’il est une chose qui, lorsque j’allume l’iPad me séduit tout particulièrement, c’est l’interface dans ce qu’elle a de plus proche avec l’objet qu’elle imite. Ainsi, le calendrier (iCal) ou les livres (dans iBooks) ont l’avantage du numérique (je peux les projeter, les annoter, zoomer…), ils ont aussi l’avantage du papier dont on tourne les pages. Ils se présentent dans toute leur familiarité d’objets connus. C’est alors un plaisir esthétique et pratique qu’on ne cesse que difficilement d’apprécier benoîtement à chaque utilisation. Ainsi quand je donne les devoirs à faire, les élèves ont le calendrier sous les yeux. C’est, il me semble, plus facile d’envisager la semaine dans sa globalité avec les temps forts de la semaine ou au contraire ses moments libres, et de juger de la pertinence de donner tel ou tel travail à tel ou tel moment. Les alarmes me rappellent chaque jour que j’ai donné tel travail à tel élève qui en avait besoin. Elles me rappellent également la punition que j’aurais oublié de réclamer autrement.

L'ïle mystérieuse dans iBooks

Non, mieux qu’un livre

J’apprécie également l’utilisation d’applications tels les dictionnaires : Le Petit Robert, le TLFi, Antidote Ardoise ou Le Larousse illustré. Ces dictionnaires sont un véritable plaisir à utiliser, et je regrette simplement que les élèves n’aient pas une tablette à eux afin de pouvoir consulter ces ouvrages lorsqu’ils travaillent en classe notamment lors des rédactions. À ce sujet, je préciserai – dans le débat sans cesse ravivé Papier vs Numérique – que jamais je ne retournerai au support papier (du moins en ce qui concerne les dictionnaires). Je ne comprendrai jamais que l’on puisse regretter le pavé que représente un dictionnaire, épais, lourd et donc intransportable. Et que dire de ses articles en noir et blanc à la typographie minuscule ? Quel contraste offre alors le Petit Robert sur iPad qui s’offre le luxe de l’espace, de la clarté, de la couleur, de la lisibilité en somme ! Ça y est ! J’entonne un hymne lyricotechnologique. Pardonnez-moi. De surcroît, avec ce système d’application, on fait même l’économie de l’insupportable CD de vérification à glisser tous les 45 jours (oui, je sais les Ayatollahs du libre vont hurler, et ils n’auront pas forcément tort) que le Petit Robert m’inflige sur le Mac.

Quelques inconvénients

Évidemment, il y a bien quelques petites choses qui me chagrinent. Ainsi, on peut regretter que les suites bureautiques ne soient pas vraiment pléthoriques. C’est le moins que l’on puisse dire… Il y a bien iWork, et je m’en accommode, mais j’apprécierais de pouvoir lire le format .odt par exemple. Cependant, la suite d’Apple est assez agréable à utiliser et transférer un document créé sur le Mac ou l’iPad se fait assez aisément en dépit de l’absence d’un véritable système de fichiers (ça, c’est une remarque pour ceux qui voudraient tant voir un port USB sur ce type de tablette). Je n’ai pas encore acheté Keynote (il faut dire qu’on passe son temps à acheter chez Apple), mais j’ai Pages pour le traitement de texte, et Numbers pour les feuilles de calcul.

Pages

Je suis moins habile avec le clavier de l’iPad qu’avec le clavier de mon ordinateur. Si les élèves les plus lents apprécient de me voir taper moins vite, je regrette pour le moment ma maladresse et le peu d’habileté que j’ai pour le moment sur ce type de clavier. Quant à Numbers, je déplore juste que les feuilles de calcul que j’ai importées soient amputées des annotations ou encore des fonctions (les moyennes).

N’ayant pas un iPad 3G mais uniquement Wi-Fi, je regrette l’absence de connexion internet au collège notamment pour accéder à mon propre site ou encore pour utiliser DropBox ou Box.net. L’iPad dépourvu de connexion à internet paraît quelque peu amputé, mais s’offrir le luxe d’un abonnement iPhone plus iPad…

Dernier point. Je suis parfois gêné par les reflets des lumières au plafond. J’ai donc légèrement déplacé mon bureau afin de ne pas être importuné par l’éclairage. C’est évidemment un détail, mais il se rappelle forcément à votre bon souvenir. Heureusement, la SmartCover permet d’incliner la tablette et de se jouer ainsi des reflets indésirables. À ce moment-là, il faut bien songer à vérifier qu’un élève n’a pas collé sa table à votre bureau et ne fasse choir la tablette ainsi en équilibre d’un grand coup de cartable.

En classe
L’iPad relié au vidéoprojecteur (au plafond)