Grâce à mon sémillant beau-frère, j’ai pu aller à San Francisco pour une somme plutôt modique. C’est une ville que je rêvais de voir depuis bien longtemps. C’est désormais chose faite. J’en ai ramené quelques photos que vous pourrez voir à l’adresse suivante : Photos de San Francisco. Je n’ai plus qu’une envie : y retourner (et ce d’autant plus que j’ai eu le mauvais goût de ne pas prendre d’iPad).
Catégorie : Vu
Le président
Un ami m’a prêté Le président d’Henri Verneuil avec dans le rôle titre Jean Gabin qui y excelle (j’insiste car, malgré Un singe en hiver ou La traversée de Paris, je n’ai jamais vraiment été fasciné par cet acteur).
Cela va bientôt faire un an que j’ai ce film, et je me suis enfin décidé à le regarder à la faveur d’une convalescence. Dans un autre genre, j’ai vu Doctor Who que le même ami m’avait prêté également, mais je suis moins enthousiaste à propos de cette série.
C’est fou comme on devient cultivé après une maladie (on lit, on écrit, on regarde). Pensez à Roland Barthes qui avait lu tout Michelet dans un sanatorium.
Malheureusement, je n’ai eu qu’une petite grippe. Aussi ne deviendrai-je jamais Roland Barthes (soupir).
Que dire de ce film ?
Que c’est sinon un chef-d’œuvre du moins un excellent film, certes.
Qu’il y exprime la vision que son auteur a du chef d’état, oui. Encore faudrait-il préciser que ce film est l’adaptation du roman de Georges Simenon.
Que ceci, que cela ? Oui et oui. Magnifiquement tourné (la réunion pendant le concert est mémorable, le «suicide collectif aux accents de Wagner» !), magnifiquement filmé (pratiquement que des scènes d’intérieur : splendide maison de campagne pour l’essentiel, assemblée nationale, Matignon… seuls le début, une partie de pétanque et une longue balade montrant la campagne de l’époque nous donnent ainsi à voir combien la France a changé !), magnifiquement interprété (Jean Gabin, Bernard Blier…). On remarquera que ce film montre la France à un tournant historique (le passage à l’Europe, qui avait commencé bien avant, mais si on parle aujourd’hui d’eurosceptiques, à l’époque c’étaient les souverainistes qui s’opposaient à l’Europe. Dire qu’il y en a encore !).
Enfin, il faut bien avouer que les dialogues de Jacques Audiard font merveille. Qu’on ne se méprenne pas, sans le reste précédemment cité, ces dialogues ne vaudraient pas tripette. Mais, il fallait bien Audiard pour donner vie à ce président vieillissant (Émile Beaufort), blessé par quarante années de vie politique mais toujours intègre dans ses idéaux, plus fougueux qu’un anarchiste, roué, matois serait plus exact, intelligent, fin, généreux, éloquent, savant, drôle enfin.
Quelques exemples.
Le président mange avec sa secrétaire. La jeune fille le servant lui demande si elle peut prendre son après-midi. S’ensuit ce dialogue :
Le Président : Ah ! Pour quoi faire ?
La jeune fille : Ma grand-mère est malade.
Le Président : C’est bien ça… enfin… d’ailleurs, c’est bien de votre part de vous intéresser à votre grand-mère. Eh bien prenez donc votre après-midi. Allez !
La jeune fille s’en va.
La secrétaire : Menteuse ! Coureuse ! Et vous lui passez tout !
Le Président : C’est le seul élément jeune de cette maison.
La secrétaire : Vous ne croyez tout de même pas à cette histoire de grand-mère ?
Le Président : Oh ! bien sûr que non, mais elle témoigne d’une imagination délicate.
La secrétaire : D’un certain culot, oui !
Le Président : Non ! Le culot aurait été de me dire : «Monsieur le Président, j’ai besoin de mon après-midi pour aller me faire sauter »!
La secrétaire (air interloqué) : ????
Le Président : Bah ! Quoi ! Le culot, le culot, c’est ça !
Il faudrait enfin citer l’ensemble de la séance de l’assemblée lors de laquelle Gabin se lance dans une intervention qui, selon Wikipedia, ferait référence aux deux cents familles.
À l’assemblée, ses propos font mouche à chaque fois :
Un député : Quand on ne veut pas du pouvoir, on le refuse M. Beaufort ! On peut très bien vivre dans l’ombre !
Le Président : Et ne jamais en sortir, vous en savez quelque chose !
Le Président s’en prend aux patrons. De droite selon lui, et un député lui rétorque qu’il y a aussi des patrons de gauche :
Le Président : Il y a aussi des poissons volants, mais qui ne constituent pas la majorité du genre.
Et puis, il manie le paradoxe :
Le repos, c’est fait pour les jeunes. Ils ont toute la vie devant eux, moi pas.
Pourquoi ne fumez-vous pas Millerand ? Ça rend aimable !
On en restera sur ces belles paroles.
Vous ne trouvez pas que ça sent le navet ?
Et moi qui désespère de voir un jour une belle adaptation de L’Odyssée…
Je voudrais tant qu’un réalisateur consacre son talent à celui d’Homère comme Peter Jackson a pu consacrer le sien au Seigneur des anneaux.
En tout cas, je ne sais pas comment on dit navet en grec. Peut-être que les Grecs n’en avaient pas ?
Vous en voulez d’autres ? Allez voir sur YouTube !
The hunt for Gollum
Voyez-vous ça ? Dailymotion a mis en ligne un moyen-métrage de 40 minutes adaptant Le Seigneur des anneaux (contrairement à la bande-annonce ci-dessous, le film est sous-titré) pour un budget de 3 000 dollars !
La journée de la jupe
Je ne serai jamais en phase avec l’actualité cinématographique… avec quelque actualité que ce soit au reste.
Toujours est-il que j’ai vu La journée de la jupe. Ce n’est pas grâce aux cinémas qui ont choisi de boycotter le film, lequel a eu le mauvais goût de passer en avant-première sur Arte. Fi !
S’il était sorti en salle, je serais certainement allé le voir. Au lieu de ça, je l’ai téléchargé gratuitement. Il y en a — vous savez ceux qui crient au scandale, qui disent que les internautes c’est rien que des méchants — il y en a, dis-je, qui ont la comprenette un peu difficile…
Bon, je l’ai vu donc.
Eh bien, j’ai beaucoup aimé. En tant qu’enseignant d’abord.
On nous montre une école en dérive que l’incurie de ses responsables tant politiques (la ministre de l’intérieur — en pantalon celle-là-, le ministre de l’éducation, le grand absent du film) qu’administratifs (le principal), la démagogie et la pusillanimité de certains de ses enseignants entraînent vers la catastrophe. C’est sans concession. On se dit même que c’est trop au début, mais il faut dire que je n’ai pas eu le privilège d’enseigner dans un établissement de ce genre (je vais faire quelques libations et sacrifices, et je reviens de suite).
Et puis, j’ai aimé le rôle qu’incarne Isabelle Adjani. Cette actrice que l’on croyait oubliée et qui nous revient avec les disgrâces dues à son âge (c’est assez inélégant comme remarque, je sais) est magnifique. C’est le hussard noir du XXIe siècle, en jupe, affirmant sa féminité, sa laïcité et son professionnalisme jusqu’à la mort. C’est pour cela que les enfants — malgré la prise d’otage dont elle responsable — finissent par être de son côté , parce que c’est une femme bien, malmenée par la pratique d’un métier dont personne ne voudrait. Ce n’est pas un vulgaire syndrome de Stockholm.
Il y a le lieu aussi. Cela se passe sur une scène. Ce n’est pas une saynète de la vie ordinaire. On est dans le drame : une enseignante obtient malgré elle le pouvoir par le truchement d’une arme, pouvoir de faire cours, pouvoir de se faire entendre selon la double acception du terme, pouvoir de faire entendre les choses (qu’est-ce que l’école ? qu’est-ce que la laïcité ? qu’est-ce que la religion ?). Le cinéma révèle le théâtre du monde.
Peut-être y a-t-il in fine une jubilation de l’enseignant à en voir un autre obtenir enfin le silence, mais — chose drôle — même sous la menace d’une arme les élèves n’arrêtent jamais vraiment de parler.
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Je vais aller voir.