La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre. @Lannoy29 – de son vrai nom Ghislain Dominé – a quitté Twitter suite aux admonestations de sa hiérarchie. Celle-ci lui reproche un bien innocent billet, une réflexion salutaire menée sur les enjeux pédagogiques qu’induisent le numérique ou plus précisément l’état de l’école modifiée à coups de plans (informatiques, numériques) peu convaincants.
Je n’ai pas l’intention de m’étendre sur les tenants et les aboutissants de cette histoire. Je n’ai pas non plus l’intention de prendre la parole à la place d’un ami qui, s’il le désire, le fera lui-même. Je ne prendrai pas même le temps de développer une prétérition en disant qu’il est bien malvenu de faire tant de publicité à un problème aussi délicat (mais j’en fais à mon corps défendant).
En revanche, j’exprimerai ma compassion. Littéralement, je souffre avec. Je suis bouleversé par ce qui arrive à Ghislain. La cause est évidente : un être qui vous est cher ainsi malmené ne peut qu’attrister. Mais, même si je ne le connaissais pas, je saurais qu’un tel individu si talentueux, un atout, une recrue inestimables ne saurait être inquiété. Il a fait tellement, et il fera encore tant qu’on ne saurait se passer de lui. L’ami ne risque rien. Hélas ! Comme il le dit lui-même, « Si tu ramènes un 18 et un 5 sur 20, on ne te parlera que de cette dernière note ». Or ce billet – aux yeux de sa hiérarchie – est son 5/20, et c’est cela qui transparaît dans l’assurance de sanctions à son encontre.
Qu’est-ce qui me bouleverse donc à ce point, ne cessè-je me répéter depuis hier ? J’ai fini par trouver la réponse dans la matinée. Je suis déçu. Au sens étymologique. Trompé. Avec l’arrivée de Vincent Peillon, on avait retrouvé le sourire et la confiance. Il était fini ce quinquennat présentant les fonctionnaires comme des poids morts pour la société. Annoçant la Refondation, il était alors évident que des individus comme Ghislain pourraient s’envoler, et faire bénéficier l’Éducation d’un potentiel alors inexploité.
Je vois désormais mon erreur : le fonctionnement pyramidal de l’Éducation ne permettra pas aisément que l’on s’exprime honnêtement, que l’on écrive les fruits d’une pensée qui tâtonne et cherche par son regard critique à avancer dans la bonne direction.
Pire encore : on infantilise l’enseignant. Celui-ci se fait taper sur les doigts. Lui est rappelé sa triste condition d’inférieur dans l’édifice pyramidal. L’horizontalité est une idée, un leurre, tout comme l’est ce plan numérique que François Hollande n’a pas encore mis en place et qui ne le sera jamais tant que des acteurs majeurs comme Ghislain ne peuvent s’exprimer. On peut économiser 800 millions d’euros…
Je ne dirai pas qu’il a été censuré. Ghislain a pris lui-même la décision de tout arrêter. Comme il le dit lui-même, c’est un être entier. Non, il a été rappelé à l’ordre. On lui a signifié ce qu’il est et ce qu’il doit être : un enfant. En latin, l’enfant est celui qui ne parle pas. Un enfant pris dans le sacré pyramidal (la hiérarchie, c’est le sacré, au sens propre), et qui n’a pas la parole.
Les enseignants sont-ils les enfants de l’Éducation nationale, des enfants méprisés ? Ce serait bien triste.
Loin des débats qui vont agiter Twitter, je voudrais simplement rappeler cette tristesse, qui est avant tout celle d’un ami.