Jean-François Parot a ses mots favoris.
Quand on le lit, on est certain de trouver quelques mots comme – si ma mémoire ne me fait pas défaut – aménité, alacrité, impéritie, acrimonie ou encore atermoyer ou gabegie. Il faudrait établir une de ces listes chères à Umberto Eco, car on en trouverait beaucoup d’autres.
Force est de constater que le père de Nicolas Le Floch a une prédilection pour le mot homicider dont tout le monde connaît le sens, à ceci près que Jean-François Parot a ressuscité son emploi pronominal, s’homicider qui équivaut à se suicider, occurrence moderne moins accessible de prime abord, le pronom sui (soi) paraissant plus savant que le nom homo, hominis.
On retrouve s’homicider dans pratiquement chacun de ses livres (je n’ai pas pu tout vérifier, ayant prêté certains d’entre eux) :
« Vous êtes convaincu comme moi-même que ce jeune homme s’est homicidé, n’est-ce pas ? » (L’Homme au ventre de plomb, chapitre I, page 36, édition 10/18)
« Tout laisse à croire qu’ayant tué la fille il a tenté de se punir en s’homicidant. », (Le Crime de l’hôtel Saint-Florentin, chapitre II, p. 53, édition JC Lattès)
« Il y a possibilité qu’il ait voulu s’homicider […] » (Le Cadavre anglais, chapitre III, p.91, édition JC Lattès)
« Pouah ! Songeriez-vous à vous homicider ? » et «[…] on ne pouvait parfois éviter que des prisonniers n’en vinssent à des pensées funestes et ne s’homicidassent. » ( Le Noyé du Grand Canal, chapitre II, p.47 et 424, édition JC Lattès)
La fréquence de ce mot dans les romans de Jean-François Parot tient peut-être à des questions d’ordre générique. Dans un roman policier, il n’est probablement pas surprenant qu’il y ait des morts, fussent-ils homicidés. Pourtant, cette récurrence – notamment dans les premiers chapitres et ce de façon quasi systématique – m’apparaît davantage comme une ficelle romanesque, une volonté d’en imposer par un effet de réel créé par l’emploi d’un vocabulaire du XVIIIe siècle particulièrement savoureux. Au reste, il n’est pas impossible que l’auteur affectionne particulièrement ce mot et l’emploie à l’envi. Toutes ces hypothèses ne sont pas exclusives. Je suis d’ailleurs convaincu que Jean-François Parot aime le XVIIIe siècle dans ses bâtiments, ses hommes, ses histoires jusque dans ses mots (on rougit de dire tant d’évidences…). Il n’est donc pas rare de lire sous la plume de cet auteur ses mots fétiches revenant régulièrement, pour mon plus grand plaisir, parce que s’il ne les répétait pas, je les oublierais comme le délicieux pet-en-l’air désignant une robe de chambre (L’Affaire Nicolas Le Floch, p. 157 et Le Noyé du Grand Canal, p. 103 édition JC Lattès).