Mais alors comment évaluer cette dictée remise au goût du jour ?
Je me pose régulièrement cette question, car quoiqu’on en dise il faut bien le faire. En tout cas, on attend de moi que je mette des notes, alors que je pourrais fort bien m’en passer, surtout à propos de ce type d’évaluation. De toute façon, les notes – surtout depuis que j’ai entendu André Antibi – ne me dérangent pas plus que ça (mais c’est un autre sujet). Alors, si l’on doit en mettre, voyons comment l’on peut faire.
Avant de répondre à la question posée par l’article, je précise quand même que je n’ai pas encore trouvé la bonne formule (ou que je ne vois aucune raison de privilégier telle ou telle), raison pour quoi j’écris cet article, peut-être pour me permettre d’y voir plus clair. La seule conviction que j’ai est qu’il faille faire des dictées, malgré qu’on en ait. Soumettre à la sagacité d’un élève une difficulté orthographique à résoudre ne me semble pas devoir être voué aux gémonies.
À l’ancienne
Je crois savoir que certains collègues font ça : ils retirent deux points par faute de grammaire, un point par faute d’orthographe lexicale (des fautes de vocabulaire en somme), et un demi-point par accent.
En notant ainsi, dans certaines classes, on est à peu près certain d’avoir évité de mettre la moyenne aux meilleurs, et d’avoir mis des notes négatives à 80 % de la classe. Or une telle façon de noter, à coup sûr, démoralise les élèves les mieux intentionnés : pourquoi travailler puisque de toute façon ils auront zéro, l’exercice étant cruellement difficile.
Cependant, un tel degré d’exigence dans la notation, pourrait être concevable avec d’excellents élèves. J’en ai, mais pour ceux-là, quelle que soit la façon de noter, le résultat est invariablement le même : ils ont vingt.
En somme, cette réflexion ne les concerne pas vraiment.
Avec un barème moins sévère
On obtient des notes un peu moins mauvaises en ne retirant qu’un point par faute de grammaire, et un demi-point par faute de vocabulaire. Mais franchement, les notes ne sont pas pour autant extraordinaires. On limite les dégâts, et on n’évite pas la sempiternelle cohorte de zéros.
J’utilise souvent ce barème avec des dictées relativement courtes, et ne contenant pas trop de difficultés. L’élève a même la possibilité de refaire la dictée. On efface la note. On recommence. On progresse, j’espère.
La dictée préparée
Je déteste. J’ai toujours le sentiment de perdre mon temps. Pourtant j’ai essayé à de nombreuses reprises : je dicte un texte ; c’est non noté ; on le corrige ; on fournit les explications ; éventuellement on s’entraîne ; on demande aux élèves d’apprendre ; on refait la dictée.
Ratage complet.
Il faut bien le reconnaître. Les élèves dont l’orthographe est très mauvaise sont souvent (je n’ai pas dit toujours) des élèves qui ne travaillent pas suffisamment ou pas comme il faut ou, et c’est (certaines années) l’écrasante majorité, pas du tout. Alors si on leur donne un texte à apprendre pour qu’ils obtiennent une note décente, il ne faut pas forcément s’attendre à ce qu’ils fassent le travail demandé.
Au bout du compte, on se dit qu’il doit y avoir des progrès en orthographe grâce à une pratique fréquente, pas nécessairement par un gros travail d’apprentissage de texte donné à l’avance.
Par segments
Alors, celle-là, cela fait un moment que l’on ne me l’a pas imposée. J’ai dû noter des dictées ainsi une année lors de la correction du brevet.
Le principe est simple : on considère un segment donné, c’est-à-dire un bout de phrase pour lequel on ne retira pas plus de tant de points.
Par exemple, dans la phrase «Le loup, qui se sent pressé, attribue le tiraillement aux poissons qui arrivent», on considère que «Le loup, qui se sent pressé» est un segment qui vaut tant de points. S’il y a plus de tant de fautes, on soustrait le nombre de points fixés.
Autant dire, que je déteste cette façon de faire. C’est vraiment se compliquer l’existence pour pas grand-chose.
Des points pour la grammaire, des points pour le vocabulaire
Cette façon de faire est plus intéressante. Pour une dictée sur vingt, on va accorder dix points pour la grammaire, dix points pour le vocabulaire. On décompte un point ou un demi-point par faute (par exemple). Or si l’élève a fait 30 fautes de grammaire, il ne perd pas plus de dix points. Et le correcteur de prier, pour que l’élève n’ait pas fait trop de fautes de vocabulaire, ce qui lui permet alors de ne pas obtenir une note trop basse.
Cela marche bien pour les élèves qui ont quelque compétence orthographique, mais qui ont encore pas mal de lacunes en grammaire ou en vocabulaire. Cela permet aussi de voir avec précision ce qui pèche, si c’est la grammaire (conjugaison, accords, etc.) ou si c’est le vocabulaire, et de proposer la remédiation idoine.
La dictée portant sur un point précis
On dicte un texte après avoir étudié tel ou tel point et dans la dictée, on n’évalue que le point étudié. Par exemple, si on a étudié l’accord des adjectifs qualificatifs ou le passé simple, on ne prend en compte dans la correction que l’accord des adjectifs qualificatifs ou le passé simple. Si on le souhaite, on peut garder trois ou quatre points pour le reste si l’on tient absolument à l’évaluer.
Cela permet de préciser ce que l’on cherche à évaluer.
La dictée dialoguée
Je n’ai jamais essayé. Le principe est pourtant intéressant : on dicte un texte et dans le même temps on interroge les élèves en leur posant des questions du type : «Quelle difficulté va-t-on rencontrer dans l’écriture de telle phrase ?». Sans jamais donner la réponse, les élèves peuvent faire valoir qu’ici, après une préposition, on aura un verbe à l’infinitif, que là, après un COD antéposé, le participe passé va s’accorder, etc., etc.
On devine que la chose prend du temps, et qu’on n’en a pas forcément…
La dictée cacophonique
Je n’ai jamais essayé non plus ! Je crois bien qu’à une époque, c’était mal vu. Pourtant, ça semble assez amusant. On donne un texte truffé de fautes qu’on peut d’ailleurs mettre en évidence en jouant sur la typographie. Et l’élève doit réécrire le texte en corrigeant les erreurs. Après tout, c’est un exercice assez proche de ce que l’on peut faire d’après le texte La petite poule rousse où il faut reconjuguer tous les verbes au passé simple. C’est aussi le moyen utilisé lors du brevet avec les élèves bénéficiant d’un tiers temps. Ils doivent faire des choix. Ainsi, l’élève doit choisir entre «ce/se/ceux tableau est propre».
En comptant les mots justes (et non les faux)
On compte le nombre de mots dans une dictée, et on ne prend en considération que les mots justes. Le calcul peut se faire en pourcentage : 100 x nombre de mots justes divisé par le nombre de mots de la dictée (96).
Exemple : 100 x 35 divisé par 96 = 36,45 %
On peut aussi calculer une note sur 20 : 20 x nombre de mots justes divisé par le nombre de mots de la dictée (96).
Exemple : 20 x 35 divisé par 96 = 7,29/20
J’ai essayé : ça a beaucoup amusé les élèves qui ont tous eu la moyenne. À la réunion parents professeurs, on m’a regardé avec suspicion : comment l’élève qui a fait autant de fautes, a-t-il pu avoir la moyenne ?
En prenant en compte que les mots justes, l’élève a forcément une bonne note, même le plus mauvais d’entre eux a su écrire «le», «de», «pour» ou «table». Évidemment, il aura peut-être échoué à orthographier correctement les mots difficiles…
14 réponses sur « Mais comment évaluer cette dictée ? »
moi, je marquais en rouge les trucs faux et en bleu les trucs justes. mais avec un eul objectif à la fois: genre le temps, ou les adjectifs…
mais pas forcément en dictée, ça pouvait être un texte écrit librement.
ça faisait des notes comme 24/32, pas comparables directement. …et ça faisait plus joli sur la copie.
[…] ne pas allonger indéfiniment ce billet déjà très long, j’ai écrit un autre billet intitulé Mais comment évaluer cette dictée ? Tout au plus, dirais-je qu’il y a pléthore quant aux moyens d’évaluer une dictée, et que […]
Personnellement, la méthode qui finalement me convenait le mieux se rapproche (ou est une variante) de votre modèle de «La dictée portant sur un point précis». Je mettais une note (avec une échelle relativement stricte) en fonction d’éléments étudiés en orthographe. Une autre note (avec une échelle «large») concernait les fautes qui n’avaient pas de rapport avec les sujets étudiés. Cela convenait bien aux élèves dysorthographiques. Ceux-ci se concentraient sur les éléments travaillés plus particulièrement en classe avant la dictée et réussissaient généralement à avoir la moyenne (ou s’en approchaient). Par contre, leur deuxième note était moins bonne. Au final, ils n’avaient cependant pas l’impression d’être entièrement nuls en orthographe et la dictée n’était pas le calvaire absolu.
Merci pour vos commentaires qui montrent combien l’enseignant cherche à soutenir et faire progresser ses élèves même à coups de dictées !
J’ai eu une formation sur la pédagogie différenciée et une des formatrices nous avait transmis une méthode élaborée par ses soins et que j’ai expérimentée dans mes classes.
Le principe consiste dans un premier temps à donner la dictée de manière traditionnelle dans un silence absolu (on met 0 si qqn parle ce qui en calme plus d’un !). Un fois la dictée prise en note, les élèves ont le droit pendant 5 ou 10 minutes (à vous de voir) pas plus, de poser des questions précises sur les temps, les accords … Ils peuvent demander à ce qu’on leur rappelle une règle de grammaire, à ce qu’on leur dise quel est le sujet de tel verbe etc …
On note cette dictée sur 10 points. Puis sur leur copie, on entoure 5 erreurs qu’ils doivent expliquer. Les fautes lexicales doivent être recopiées correctement 5 fois. Pour les fautes grammaticales, il faut recopier la règle de grammaire associée et expliquer la bonne orthographe.
Cette correction est notée sur 10 points.
Enfin, une correction complète est donnée aux élèves avec une fiche d’erreurs à ne pas refaire. Les règles de grammaire sont énoncées brièvement. Cette fiche sera à apporter à la prochaine dictée pour que chaque élève puisse, petit à petit, ne plus faire les fautes répertoriées dans la fiche (car finalement ils font tjs les mêmes).
J’ai expérimenté cette méthode et je la trouve assez satisfaisante. Elle rassure les élèves ce qui est pour moi primordial dans cet exercice où certains baissent les bras.
Au départ, ils ont du mal à poser des questions « pertinentes » car ils connaissent mal les fonctions etc … mais progressivement, cela vient.
La correction est motivante pour eux. La première séance de correction, je l’ai faite en groupe de niveau. Les meilleurs ont aidé les plus faibles.
Les points négatifs : elle prend du temps au début. Il faut établir les corrections, corriger deux fois (dictée + correction des élèves) et il faut prévoir un travail supplémentaire aux bons élèves (car ils n’ont pas de fautes)
Points positifs : tout le monde travaille et essaie d’améliorer sa note. La phase de correction est importante et permet de fixer à chaque élève un objectif orthographique.
Voilà pour la méthode ! Si vous avez des questions n’hésitez pas j’ai une photocopie qui résume assez bien la démarche.
@Morgane
Merci pour ce commentaire ! J’adopte l’idée sur-le-champ, et je la mets en pratique dès la rentrée.
@Yann
De rien ! autant partager des expériences !
Il faut bien veiller à baliser précisément l’exercice et expliquer aux élèves ce qu’on attend. Ne pas hésiter à donner des modèles au début. C’est long quand on commence mais il faut qu’ils prennent l’habitude et répéter l’exercice toutes les 2 ou 3 semaines. (dans l’idéal !)
[…] ma part, j’en ai parlé à plusieurs reprises : Mais comment évaluer cette dictée ? et La dictée encore et toujours, oui […]
[…] les méninges pour savoir comment on pouvait évaluer le traditionnel exercice de la dictée (voir Comment évaluer cette dictée) sans que cela ne devienne un jeu de massacre anxiogène pour tout le monde : prof, parents, […]
Bonjour! Je suis tombée par hasard sur votre blog Yann et je vous remercie de nous partager un peu de votre expérience. En ce qui concerne les différentes dictées, je crois que j’essaierai, un de ces jours, celle qui porte sur un point précis. J’utilise souvent la dictée proposée par Morgane qui est populaire chez nous au Canada en ce moment. Il y a aussi ce qu’on appelle un « dictogloss », une technique utilisée dans les classes d’immersion, mais que j’utilise aussi dans ce qu’on appelle ici des classes régulières de français langue d’enseignement. Cela fonctionne bien avec un paragraphe d’un roman policier, mais un autre pourrait faire l’affaire aussi. Je demande aux élèves de former des équipes de quatre, ensuite je leur donne les consignes. Je commence par leur dévoiler le fonctionnement du « dictogloss ». Je lis à vitesse normale le paragraphe et ils doivent tous écrire ce qu’ils réussissent à entendre. De toute évidence, il est impossible de tout écrire et c’est bien pour la suite des choses, car ils doivent mettre ensemble leurs parties de texte et faire en sortes que le tout soit cohérent. Pour les anglophones ou allophones, je choisis un paragraphe avec une structure plutôt simple, sinon je le modifie moi-même. Quelques-uns travaillent leur production en essayant de s’approcher du texte initial, d’autres, sous le coup de l’inspiration, changent l’histoire. Voilà, c’est ludique et les élèves apprécient cette activité surtout si je la leur propose un vendredi après-midi. Merci à vous pour toutes ces belles idées et bonne continuation.
Bonjour Valentina, Merci beaucoup pour votre commentaire très intéressant ! J’en profite pour vous souhaiter, un tout petit peu en avance, d’excellentes fêtes de fin d’année !
Bonjour à toutes et à tous!
C’est Hermann! Enseignant de Français depuis 2 ans seulement au Gabon (petit pays situé en Afrique centrale). Tout comme Valentina, je suis comme par hasard tombé sur ce blog que j’ai 《grave kiffé》 – permettez-moi l’expression.
En effet, étant en quête des « nouvelles » méthodes d’enseignement et de notation différentes des nôtres – que je trouve un peu très très rudes et archaïques – je suis tombé sur votre blog qui alors là, m’a énormément appris sur non seulement ce qu’est la dictée et sur comment – vos méthodes données ici – la faire pour que même les apprenants moyens accordent de l’intérêt à cet exercice.
Merci infiniment et vivement que ce blog ait une très longue vie!
Merci beaucoup, Hermann !