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Éducation

Parents et enseignants

Parfois, les élèves sont drôles, un peu malgré eux, mais ils sont drôles.

Hier, j’ai vu un ancien élève qui est en cinquième à présent. À la vie scolaire, on lui demande s’il est en étude, il répond le plus sérieusement du monde : « Non, je suis en permanence ».
Peut mieux faire. Écoutez ceci.
Une élève, qu’un collègue a envoyée à la vie scolaire dire quelque chose à la CPE, revient. Ledit collègue demande à l’élève si elle a vu la CPE. Et l’élève de répondre : « Oui, mais elle n’était pas là » !

Joli non ?

Mais, il n’y a pas que les élèves qui sont drôles. Les parents le sont parfois aussi, mais dans un sens un peu différent.

Voilà.

Certains parents ont un avis sur l’éducation et ne manquent pas de vous le faire savoir au moment où vous vous y attendez le moins. Pourtant, parfois, ils en manquent à ce point — je veux dire d’éducation — qu’ils se montrent tout à fait discourtois. Je suppose que leurs convictions ne souffrant aucune contradiction, ils ne pensent pas une seconde qu’éventuellement, peut-être, l’éducation, c’est votre métier, que vous êtes en somme un professionnel de l’éducation.
Non.
En fait, tout parent a son avis sur l’éducation.
Je suppose que c’est tout à fait normal. Le parent est un éducateur. Un éducateur qui a — en principe — délégué sinon son rôle du moins une partie de son rôle d’éducateur à une tierce personne. Et puis le géniteur qui a ses idées sur l’éducation, il est passé par l’école lui aussi. Donc il sait ce que c’est l’école. Il a son avis sur la question, et, disais-je, il le vous fait parfois savoir.
C’est là un phénomène assez curieux. Jamais dans mon existence, je n’ai dit à un professionnel quel qu’il soit, ce qu’il devrait faire ou ce que je pense qu’il devrait faire. Je n’ai jamais commenté ses choix.
Imaginons.
Je me vois bien débarquer dans une boulangerie, et donner mon avis sur la confection des baguettes. Je pourrais pourtant avoir plein de choses à dire. Au reste, il y a plein de choses que j’aime faire et sur lesquelles j’ai un avis : la musique, l’informatique, le jardinage, la maçonnerie, et que sais-je encore… Autre exemple. Un passager, dans un avion, quitte son siège, frappe à la porte de la cabine du pilote, et commente le pilotage. Outre que c’est interdit pour des raisons assez évidentes, je suis sûr que ce serait incongru si la chose était possible. On lui dirait : « Mais de quoi vous mêlez-vous ? »

Mais il en va tout autrement dès que votre métier implique des enfants. Les parents vous les confient, et de facto je serais assez enclin à trouver légitime que l’on me demande des comptes. D’ailleurs, cette situation doit concerner toutes les professions s’occupant des enfants : nourrice, personnel de crèche, pédiatre…
Position délicate que celle de cette profession. Vous êtes le professionnel, vous avez des diplômes, mais pour un instant, lors d’une entrevue, d’une réunion, un parent peut au motif qu’il est parent contester vos décisions, vos choix. Pire vous mettre en porte-à-faux avec votre élève.
Bah oui ! C’est simple à comprendre, cher géniteur d’apprenant. L’enseignant dit quelque chose, le parent en dit une autre. Que fait le gamin ? Si d’aventure, il est présent lors de l’entrevue, l’enfant peu ravi de se trouver au centre de tant d’attention contradictoire, il pleure.
Ne sommes-nous pas là pour cet enfant ? Nous agissons pour son bien. Je ne crois pas qu’il existe beaucoup d’enseignants sadiques, ivres de pouvoir, traumatisant avec délectation une jeunesse encore insouciante.
Simplement, on fait notre travail.
Alors on peut faire des erreurs. Mais ne peut-on en parler calmement sans condamner l’autre à l’avance, en accordant à l’autre le bénéfice du doute, sans mettre de formules péremptoires, discourtoises sur le carnet de correspondance ou sur la copie. Vous savez ces formules de fin de non-recevoir qui coupent court à toute conversation et vous dénient votre propre rôle. 

Et vous savez quoi ? Après cet acte d’ingérence dans votre métier, vous n’insistez pas, vous laissez tomber, vous acquiescez au caprice parental, parce que ce serait prendre l’enfant en otage en vous obstinant.

Mais ne me demandez pas de trouver ça normal.

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