Il fut un temps où l’idée de posséder un bureau était devenue incongrue. C’était une époque dominée par la nécessité de la mobilité, un temps où l’iPad permettait un travail s’affranchissant justement des contraintes de l’immobilité et où une jeunesse déjà menacée laissait encore mon corps s’avachir et saisir n’importe quelle opportunité de labeur, que ce soit à la table du salon, à la terrasse d’un café ou vautré sur le canapé, imprimant à ma colonne vertébrale des torsions invraisemblables.
Je ne sais pas trop ce qu’il s’est passé. Certainement, j’ai vieilli. Probablement, la pandémie est passée par là aussi. L’iPad a vu ses promesses s’étioler et, entre temps, j’ai redécouvert le Mac. Mes besoins ont évolué aussi. En témoignent les heures de visioconférence et les enregistrements de podcasts. Je crois qu’il existe aussi une mode instagramo-youtubesque des bureaux à laquelle je suis manifestement en train de céder. On y voit des environnements de travail cosy. La lumière y est tamisée. Ce sont des lieux savamment composés, patiemment organisés, délicatement mis en scène. Encore que la chose n’est pas nouvelle. Je me souviens, vingt ans en arrière, que l’on pouvait poster ses photos sur le site MacBidouille, et que je les regardais déjà avec gourmandise. Ici, nul voyeurisme mais un impérieux désir de savoir comment s’organise physiquement l’espace de travail d’autrui, quels sont les lieux de la fabrique du savoir (oui, je m’imagine un peu benoitement qu’un bureau sert en général à travailler et pas uniquement à faire des likes sur Instagram).
Enfin, bref, un jour, la nécessité d’un bureau a retrouvé toute la vigueur qu’elle avait un temps perdue. Cette idée de posséder un lieu à soi, ce petit monde que l’on peut aménager et contrôler à loisir – foin des vicissitudes du monde extérieur – n’est sûrement pas non plus étrangère à ce désir de bureau. Il faut dire que ces dix dernières années, j’ai déménagé cinq fois, et que l’envie de jeter une encre dans le confort de quelques mètres carrés est un plaisir que je ne saurais refuser.
Que trouve-t-on dans ce petit monde étalé sur une planche Ikea (en aussi en partie sur ce support dont l’esthétique correspond complètement)?
La pièce centrale est probablement le MacBook Pro M3 Max pour lequel je suis allé jusqu’à 64Go de RAM. Il est posé sur un petit support permettant de le surélever, le Twelve South HiRise Pro, et il est relié à un écran Dell (S2722QC) que je trouve plutôt pas mal pour un prix relativement correct. J’aurais bien pris plus grand, mais on atteint vite des sommes faramineuses, surtout si on veut monter en résolution (5K). Sur cet écran, vous trouverez (je ne sais pas trop comment nommer cela en français) une barre d’écran BenQ qui, outre qu’elle offre une source de lumière supplémentaire (deux en fait), atténue un peu l’éclat de la luminosité de l’écran le soir, quand ce petit monde semble se trouver sous le halo d’un lampadaire et que le reste est plongé dans la pénombre.
Cette barre est de bonne facture. Elle est solidement amarrée à l’écran sans non plus écraser les quelques pixels sur lesquels elle prend nécessairement appui, ce qui était le cas de celle que j’avais auparavant qui avait eu, de surcroît, le mauvais goût de tomber et d’abîmer l’écran dans sa chute. On trouve aussi une petite molette offrant différents niveaux de luminosité et de températures (ce petit objet est charmant et c’est un plaisir de le manipuler).
Et encore en haut, sur cette même barre, se trouve une webcam 4K, l’Insta360 Link 2 dont les performances sont incroyables. Il m’a fallu faire l’acquisition d’un petit support supplémentaire pour la jucher sur cette barre. Je ne crois pas avoir jamais eu une aussi bonne webcam, et celle intégrée au MacBook croupit depuis dans la honte et l’abandon.
Autre source d’éclairage, une lampe Ikea que j’ai couplée à une prise connectée Meross, en attendant que les ampoules connectées reviennent de Hong Kong. À proximité de cette lampe, se trouve un petit chargeur UGREEN magsafe rechargeant l’iPhone et les AirPods Pro, éliminant le besoin de deux disgracieux câbles. Le chargeur magnétique est rotatif, ce qui permet, de temps à autre, d’afficher ces gros widgets qui permettent de garder un œil sur l’heure ou le calendrier, fonction que j’aimerais penser à utiliser plus souvent, surtout depuis que MacOS Sonoma propose d’afficher et d’interagir avec son iPhone directement sur le Mac.
En tout cas, puisque ledit MacBook est sur un pied (d’estal), déporté sur la droite, il faut bien, face à l’écran Dell, un clavier et une souris. Le clavier est un LogiTech MX, sans fil et rétroéclairé. Je l’avais acheté parce qu’un bouton permet de le connecter à trois appareils différents, mais je l’aime tellement qu’il a réussi à me faire délaisser le clavier d’Apple (qui a pourtant l’avantage de Touch ID) et qu’il trône désormais au centre du bureau. En revanche, j’ai gardé le Magic Trackpad.
Avant de décrire le reste, je dirais tout de suite qu’il manque quelque chose sur ce bureau. C’est un hub Thunderbolt qui me permettrait de ne brancher qu’un câble sur le Mac et tout le reste dessus, mais ça sera pour une autre fois. Ça sera en tout cas un achat drôlement utile parce qu’il y a de plus en plus de trucs à brancher sur ce bureau, au premier chef duquel on trouve un disque dur LaCie qui me permet de faire quelques sauvegardes manuelles (feux mes Google Drive et mon compte Obsidian) et automatiques (Time Machine). Et dans les trucs à brancher, on trouve le petit dernier arrivé sur ce bureau, le RØDE PodMic, micro à moins de 100 euros (le Shure SM7B en vaut près de 400). L’interface audio est le Focusrite Vocaster One et le bras, l’élégant Elgato dont le nom m’échappe.
Sur ce bureau, on verra encore un iPad mini qui ne s’y trouve que pour des raisons qui m’échappent la plupart du temps, si ce n’est pour le brancher (sur un petit chargeur UGREEN). Je crois que j’aime particulièrement me concentrer sur un seul écran (dit le type qui pense parfois acheter un deuxième écran Dell), et par conséquent je n’utilise pas l’iPad quand je suis au bureau (sauf exception du genre prise de notes avec Notability et le stylet). Concernant le rôle que joue cet iPad mini dans ma vie numérique, je ne détaille pas plus, car je l’ai fait en une dizaine de podcasts.
Que conclure ? On l’a vu. Un hub Thunderbolt sera clairement le bienvenu. Je retrouverai bien mes Homepods mini également qui se nichent encore dans des cartons. Peut-être passerai-je au bureau assis-debout un de ces jours, mais pour le moment je suis plutôt bien assis chez moi (sur une chaise Ikea LÅNGFJÄLL). Les 27 pouces de l’écran me satisfont dans l’ensemble, mais c’est parfois un peu juste. On verra. Ce qui est sûr, c’est que ce tout petit monde évoluera encore au gré des besoins et des évolutions technologiques.
À suivre.
P.-S. Les liens Amazon sont des liens sponsorisés.
NaNoWriMo vient de publier une FAQ expliquant qu’ils ne rejettent pas l’utilisation de l’IA dans le processus d’écriture et ils qualifient même son rejet de "classist" et "ableist", que je ne sais trop comment traduire autrement que par des périphrases : le rejet de l’IA relèverait soit d’une discrimination de classe soit de personnes présentant un handicap.
Et je dois dire que, pour moi, cela a du sens parce que la maîtrise des lettres a toujours constitué une aristocratie (et l’orthographe, de l’aveu de l’Académie française à la création de son dictionnaire le disait ouvertement). Elle représente une distinction de classe. Par exemple, avant que la quasi totalité que la population sache écrire, on avait recours à un écrivain public pour écrire une lettre. D’aucuns ont parfois recours à un « nègre » (mais je préfère l’équivalent anglais de « ghost writer »). On rencontre un problème similaire de classe quand un élève a les moyens d’avoir un tuteur personnel ou pas. L’IA risque de mettre tout le monde a égalité, pourvu qu’on apprenne à nos élèves à écrire avec l’IA et non que celle-ci écrive à leur place. Quant aux questions d’accessibilité, elles sont mentionnées dans l’article. Un utilisateur explique qu’il s’implique davantage dans les communautés en ligne car l’IA l’aide à mieux formuler ses idées.
Reste que beaucoup d’écrivains ou scénaristes sont furieux et à juste titre (surtout quand on pense que les IA sont entraînées sur le travail des écrivains qu’elles sont susceptibles de remplacer), mais je trouve assez ironique cette réponse de l’un d’eux :
"Generative AI empowers not the artist, not the writer, but the tech industry. It steals content to remake content, graverobbing existing material to staple together its Frankensteinian idea of art and story," wrote Chuck Wendig, the author of Star Wars: Aftermath, in a post about NaNoWriMo on his personal blog.
Ce n’est pas faux, mais l’art est-il autre chose que ce processus « frankensteinien », de reproduction d’un contenu à l’envi ? La Fontaine ne disait pas autre chose : « Nous ne saurions aller plus avant que les Anciens : ils ne nous ont laissé pour notre part que la gloire de les bien suivre. » Et concernant Star Wars, on suit le précepte. On suit les anciens. Mais alors, qu’y a-t-il d’original dans la déclinaison interminable d’un scénario qui a vu le jour dans les années 70 ? Certes, on a fait la même chose avec le roman de Renart, le cycle arthurien et probablement la bible (mais aussi parce qu’on n’avait pas ce problème de droits d’auteur), mais peut-on faire de ce sempiternel recyclage l’apanage de l’être humain ? Peut-on penser qu’on est vraiment créatif en se racontant encore et encore des histoires de Jedis ? Parce qu’il faut quand même reconnaître que les scénaristes ne sont pas tous des La Fontaine.
En fait, il apparaît que la machine peut aisément faire ce qu’ils font et à part le scandaleux entraînement des IA sur un matériel protégé par le droit d’auteur, je ne vois pas le problème. On se souviendra juste à quel point nos productions sont stéréotypées, aisément pastichables, ce que l’on voit bien avec la musique. Suno est une IA qui vous permet de créer des morceaux de musique en deux clics. La raison pour laquelle cela marche si bien – et c’est vrai de toutes les IA – c’est parce que nous sommes prédictibles. Un morceau de musique ? Vous prendrez bien un peu de binaire avec couplet/refrain ? Même chose avec le langage. On produit tous un charabia de phrases toute faites, mêlange de locutions à la construction plus ou moins heureuses (« au jour d’aujourd’hui, on est en capacité de blablabla ») voire de proverbes d’une sagesse à deux sous.
Concernant la musique, cela me fait toujours penser à Yuval Noah Harari qui disait que l’IA n’aurait pas besoin d’entrer en compétition avec Beethoven mais qu’il lui suffirait de faire mieux que Britney Spears. Et c’est exactement ce qu’il se passe et c’est l’une des raisons pour lesquelles tant d’individus voient l’IA d’un si mauvais œil, mais ce peut être aussi une magnifique opportunité de placer la barre plus haut et de nous inviter à faire un peu plus que proposer le 72e épisode de Star Wars (quel que soit le plaisir que j’éprouve à chaque fois, dois-je confesser).
En somme, l’IA met tout le monde à égalité et maintenant que tout le monde a accès à l’écriture, que tout le monde peut s’exprimer sans peur d’exposer une orthographe défaillante, sans avoir à débourser quoi que ce soit pour trouver une assistance, on peut parier sur une élévation du niveau général. Il faudra juste parier qu’on n’utilisera pas l’IA pour travailler à votre place mais pour nous accompagner.
Et rappelons-nous de ce que concluait Kasparov à la fin de Deep Thinking :
We have other qualities the machines cannot match. They have instructions while we have purpose. Machines cannot dream, not even in sleep mode.
Nous avons des objectifs et des rêves. L’IA peut bien nous aider à les mettre en forme. L’inverse n’est pas vrai.
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Nous voici arrivés au terme de cette réflexion sur la lecture et à ce que celle-ci à y gagner quand elle se pratique sur un écran. Si vous êtes arrivés jusqu’ici, permettez-moi d’exprimer ma gratitude et aussi mon admiration. Vous avez eu la patience de suivre ce récit autobiographique d’un rapport à la lecture tout entier tourné non vers le contenu mais vers le contenant. Vous avez enfin montré un certain intérêt que je ne crois pas être très partagé pour la dématérialisation du livre. Enfin, vous avez eu la gentillesse de suivre un argumentaire qui pourrait se résumer à ceci : non, le livre, contrairement à ce qu’affirmait Umberto Eco, n’a pas atteint une forme indépassable. Oui, sa version numérique offre de nouvelles possibilités. Passons-les en revue une dernière fois et mettons un terme à cette réflexion sur le livre.
Résumons
En abandonnant d’abord les livres papiers puis ma liseuse, j’ai trouvé dans l’iPad une petite machine syncrétique rassemblant sur un seul et même appareil ce qui serait autrement une activité disparate, fragmentée et protéiforme. Ma tablette me procure en effet un accès à toutes les activités de lecture possibles, que celles-ci se fassent au travers des livres, des journaux, du web, des newsletters, des flux RSS, des PDF et autres réseaux sociaux. Mieux encore, elle m’offre les moyens de mémoriser durablement les connaissances que j’engrange. Elle réunit de surcroît en un même objet ce qui permet la lecture et la prise de notes. Ma machine à lire se double d’une machine à écrire.
De fait, lire sur un écran est une activité plus complexe requérant du lecteur le développement de nouvelles compétences pour tirer parti de toutes les promesses de la technologie permettant de plonger dans ses données, les conserver, les trouver, les analyser ou encore les interroger. La lecture est-elle devenue pour autant une affaire de geek ? Je ne le pense pas. La technologie au fur à mesure qu’elle se démocratise devient plus facile d’utilisation, mais précisément il importe d’éviter l’effet Matthieu, et d’éduquer les futurs lecteurs à ces nouveaux usages. Or c’est souvent ce qu’il se passe avec la technologie qui bénéficie en premier lieu aux privilégiés, à ceux qui sont éduqués, à ceux qui ont déjà beaucoup. C’est cela l’effet Matthieu : on donne à celui qui a, et il sera dans l’abondance, mais à celui qui n’a pas, on ôtera même ce qu’il a.
Au reste, contrairement à ce que l’on peut souvent entendre, cette machine à lire ne nuit en rien ni à mes pupilles ni à mes facultés de concentration. Je dirais même que c’est plutôt le contraire et que sans elle, j’éprouve parfois bien des difficultés à consacrer toutes mes facultés d’attention à l’ouvrage à lire.
Mon univers numérique n’est pas pour autant un univers merveilleux, et on a pu voir dans l’article précédent quels étaient les possibles obstacles qui attendent notre lecteur même le mieux intentionné et le mieux équipé. Nous avons entre autres évoqué l’économie de l’attention ainsi que les GAFAM dont la voracité n’est plus à démontrer, luttant de concert pour capter notre attention ivre de contenus brefs, nouveaux, divertissants, superficiels parfois, filtrés par des algorithmes de recommandation le plus souvent mais toujours exerçant un pouvoir, celui de déterminer ce que vous consulterez ou pas. Je pense par ailleurs que les tweets, les shorts, les reels et autres concentrés à consommer à satiété nous éloignent du temps long de la lecture. En outre, ces mêmes GAFAM influent sur ce que nous regardons, entendons et lisons. Mais reconnaissons que ce filtrage de la connaissance n’a pas attendu qu’on s’absorbe dans la contemplation de nos écrans pour sévir et s’exerçait déjà en d’autres temps. Disons simplement que les choses ne vont pas en s’arrangeant, et que l’enjeu démocratique est réel et que le lecteur de 2024 doit faire preuve d’un esprit critique fort pour devenir le citoyen éclairé qu’il aspire à être.
L’avenir du livre
Qu’en est-il du livre papier ? A-t-il d’ailleurs un avenir ? Doit-on avoir un discours résolument tourné vers l’avenir qui fait de la technologie le centre de tout ? La question est d’autant plus légitime que – contrairement à ce que l’on dit souvent et que j’ai longtemps pensé – celle-ci n’est pas neutre et qu’il n’est pas du seul ressort de l’utilisateur d’agir mais que la conception même de tout objet technologique peut être interrogée tant il est vrai que celle-ci incorpore à la fois les valeurs de ses créateurs mais aussi des objectifs qui ont présidé à son développement.
On peut citer l’exemple, parmi tant d’autres, des bancs publics équipés d’accoudoirs que le philosophe Robert Rosenberger qualifie de « technologie contre les sans-abris » puisqu’ils sont conçus pour empêcher les SDF de les utiliser comme lits. La construction matérielle du réel par nos technologies est foncièrement politique, notamment parce qu’elle visibilise certaines choses et en invisibilise d’autres. 1
Mais cela est un autre sujet pour un autre podcast. Toutefois, en ce qui concerne le livre, peut-on seulement dire que la technologie est l’ombilic de notre vie spirituelle ?
En fait, comme le dit Yann Sordet dans Histoire du livre et de l’édition, tout invite à la prudence :
Au seuil des années 2020 le temps semble cependant révolu des « discours radicalement technophiles » et d’une « injonction numérique parfois débridée ». Le constat dominant aujourd’hui est que, dans le livre, la « révolution numérique » désigne une transition plus mesurée que dans d’autres industries culturelles, notamment la musique.
Force est de constater que le livre papier n’a pas disparu et que pour beaucoup de gens, c’est le mode d’accès privilégié de la lecture longue. Et pourquoi pas ? L’important n’est-il pas de lire, quel que soit le support ? Je pense toutefois que les écrans devenant meilleurs (on est loin des écrans à tube cathodique de mon enfance), le confort s’accroissant, ceux-ci devraient continuer à grignoter des parts de marché. Cela se fera lentement et non en supplantant son prédécesseur, en augmentant et donc en diversifiant l’offre. Comme j’ai eu l’occasion de le répéter à l’envi depuis des années, ceci ne tuera pas cela. Les médiums ne s’entretuent pas mais coexistent (la presse, la radio, la télévision, internet…). Ils évoluent certes, mutent profondément à leurs contacts, mais enrichissent notre rapport à la culture plutôt qu’ils ne provoquent l’extinction de celui qui les a précédés.
Cependant, si on moque souvent les témoignages de lecteurs méprisant l’irruption du livre de poche dans les années 50, je crois que ce petit format pourtant bien pratique a contribué, pour une part, au déclassement du livre qui n’a pas grand-chose à perdre dans sa dématérialisation. Certes, il n’a pas mérité une telle responsabilité, et je ne crois pas que le jeune homme interviewé ci-dessus et que l’affirmation qu’il existerait une aristocratie de lecteurs ait quelque fondement, mais je pense que le format ePub peut aussi bien participer à la démocratisation de la lecture que son équivalent de papier. Reste que les bandes dessinées et les albums ou encore les livres d’art trouvent dans les grands formats qu’offrent le papier et les couvertures cartonnées un avantage certain. Ils présentent une beauté matérielle et tangible dont la version numérique est, par définition, totalement dépourvue.
Par ailleurs, comme nous l’avons dit plus haut, nos appareils de lecture continuent de se perfectionner et j’attends avec impatience que les tablettes à encre électronique continuent de gagner en performances, qu’elles soient plus rapides et que l’encre de couleur s’améliore. En somme, que la machine acquière les qualités du papier. Et on y vient, et le succès des dernières Kobo qui semblent se vendre comme des petits pains le montre. Je n’ai pas eu l’occasion de mettre la main dessus, mais je n’ai aucune peine à imaginer que de telles liseuses qui présentent tant de qualités, qui sont faites de matériaux recyclables et qui soient réparables puissent provoquer un certain intérêt. En tout cas, le mien est piqué au vif et la déception provoquée par les liseuses Boox ou les Kindle n’a pas tué dans l’œuf mon souhait de trouver LA liseuse qui pourrait remplacer l’iPad qui malgré toutes ses qualités ne vaut rien en plein soleil sur une plage et qui, le soir, est moins reposant pour les yeux qu’une liseuse.
Mais revenons au papier qui présente un avantage que rien ne semble pouvoir supplanter. En effet, flâner dans une bibliothèque ou une librairie reste impossible numériquement. Le skeuomorphisme n’a jamais apporté de solution convaincante et la vie numérique n’est pas le réel (pardon pour la lapalissade). Pour le dire autrement, je n’ai jamais réussi à trouver des idées de lecture aussi aisément qu’en parcourant les rayons d’une librairie. On sait que celles-ci ont souffert de trois vagues concurrentielles successives : les clubs du livre et la vente par correspondance dans les années 1950, la grande distribution à partir des années 1970 puis la vente en ligne avec l’avènement d’Amazon qui, rappelons-le, a commencé en tant que libraire2. Pour ne pas disparaître, celles-ci sont condamnées à se réinventer, et j’espère qu’elles resteront des lieux de rencontre, d’échanges d’idées même si ce n’est plus là que j’achète mes livres.
Durée de vie des livres numériques
Si les jours du livre papier sont comptés (du moins, quitte à parier, ceux du livre de poche), qu’en est-il des livres numériques ? Sont-ils des supports fiables ?
Pour avoir tenté l’autoédition, je me souviens que l’application que l’on utilise peut du jour au lendemain disparaître. Ce fut le cas d’iBooks Author et j’ai bien retenu la leçon. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’écris ces lignes avec Obsidian dont le mantra est File over app. Il faudrait citer l’article tout entier, mais bornons-nous à retenir ceci.
If you want your writing to still be readable on a computer from the 2060s or 2160s, it’s important that your notes can be read on a computer from the 1960s.3
Tout ce que j’écris et publie se trouve donc sur des formats accessibles et standards. Mais qu’en est-il des livres ? Même chose. Les livres que je lis sont au format ePub, qui est un standard également. Il va sans dire qu’un tel standard n’a que faire des verrous que les éditeurs lui imposent et je dirais qu’il est de bon ton de savoir comment faire exploser ces verrous. Je ne l’expliquerai pas ici, mais une recherche sur votre moteur favori vous apportera la réponse sans trop d’efforts.
En éliminant les DRM, j’évite de me retrouver dans la situation où je veux benoîtement ouvrir mon livre et constate que celui-ci a disparu de ma bibliothèque car il a été acheté dans une zone géographique différente de celle de laquelle je me trouve en ce moment et que les droits diffèrent. Ne me demandez pas plus de détails. Je n’ai toujours pas compris pourquoi je peux acheter un livre en France mais pas le lire en Angleterre. Cela m’est malheureusement arrivé. On se souvient aussi de ce fâcheux épisode, il y a quelques années, qui avait vu Amazon retirer le livre 1984 des liseuses de ses clients.
J’allais oublier la question des batteries qui revient souvent et dans le fond cela n’est pas vraiment un problème. Elles sont de plus en plus performantes et se recyclent.
Dans le cas d’une bibliothèque, un tel piratage signifie ceci : comme dans la nouvelle de Borges (« La bibliothèque de Babel », Fictions), à la joie d’avoir accès à un lieu contenant tous les livres du monde succède le désarroi de ne pouvoir le parcourir et de s’y retrouver dans un labyrinthe de livres. C’était pareil à la British Library après l’attaque et même des semaines après : on a en principe accès à tous les livres, mais aucun n’est accessible, faute de pouvoir plonger dans les bases de données ou puiser dans les serveurs et ses ressources numérisées puis acheminer les ouvrages.
On voit bien là que se reposer entièrement sur la technologie représente toujours un risque. On l’a vu avec la durée de vie d’un support, on l’a vu aussi quand on ouvre les portes de la fabrique du savoir aux géants de la Silicon Valley, on le voit encore quand les méfaits sont susceptibles de mettre à genoux la totalité des services qu’on utilise quotidiennement.
Mais, il est largement temps de conclure cette longue conclusion.
Lege, lege, relege, labora et invenies
Récemment, je suis tombé sur cette citation sur LinkedIn. La personne s’y référait comme à un adage médiéval : « Lege, lege, relege, labora et invenies ». Le propos est un peu tronqué, car c’est en fait « Ora, lege, lege, relege, labora et invenies », mais peu importe.
En fait d’adage médiéval, la phrase provient d’un livre publié en 1677 donc au XVIIe siècle. Elle signifie « Lis, lis, relis, travaille et trouve ». Du moins, c’est comme ça qu’elle est le plus souvent traduite, mais je trouve qu’« invenire » est un mot intéressant. C’est l’étymologie du mot « inventer ». Saviez-vous que, dans la loi française, celui qui trouve un trésor en est l’inventeur ? Car la chose n’existe pas tant qu’elle n’a pas été exhumée. C’est un peu la même chose avec les idées. À force de lecture et de relecture, on extrait, on invente, on fait venir les choses, on produit des trésors.
De ce point de vue, il n’est pas anodin que la citation latine provienne d’un ouvrage dont le titre est Muter liber, c’est-à-dire le livre muet. C’est un ouvrage d’alchimie, et je ne peux m’empêcher de faire le lien avec l’IA, cette synergie avec l’artifice permettant de produire une véritable intelligence, celle du lecteur. C’est un alliage, celui de la machine et de l’homme, et je n’ai pas la moindre inquiétude pour ce dernier, malgré les démons du numérique, malgré leur main mise sur la culture, malgré les mutations douteuses de notre rapport à la culture, pour peu qu’on n’oublie pas cette vieille injonction, « Lege, lege, relege, labora et invenies ».
3 : Si vous voulez que vos écrits soient encore lisibles sur un ordinateur des années 2060 ou 2160, il est important que vos notes puissent être lues sur un ordinateur des années 1960.
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Avant de conclure cette série d’articles consacrés à la lecture numérique, arrêtons-nous un moment sur les maux qui accablent le lecteur penché sur sa tablette et qui ne demande pourtant qu’à lire paisiblement, maux que nous avons jusqu’à présent éhontément ignorés. Le lecteur – que nous avons jusqu’ici dépeint comme gâté – peut précisément voire sa lecture se gâter du fait de ces maux, lesquels viennent abîmer la lecture, ce qui ne va pas sans conséquence bien fâcheuses. Mais quels sont ces maux ? Si les cavaliers de l’apocalypse n’étaient que quatre, les annonciateurs de l’Enfer numérique sont ici au nombre de huit. Le double. Rien que ça ! Les voici.
Les publicités et autres messages indésirables
L’infobésité
Les algorithmes de recommandation
Le doomscrolling
L’économie de l’attention
La polarisation
Les fake news
Les hallucinations
Ces maux ont rendu la fréquentation du web compliquée, mais pas impossible à condition de savoir comment les affronter et apprendre à nager en eau trouble. Cette petite liste tératologique peut sembler quelque peu hétéroclite et on pourra justement se demander ce que les uns ont à voir avec les autres. C’est bien simple et nous l’avons dit. D’une façon ou d’une autre, ils perturbent la lecture, la diffèrent, altèrent la qualité de l’expérience, induisent en erreur, vous rendent captifs, vous isolent, vous font errer d’une chose à l’autre que vous n’avez pourtant pas choisies. La liste est interminable.
Passons en revue ces monstres. Mon esprit fonctionnant un peu comme celui de Montaigne (malheureusement, la comparaison s’arrête là), nous procéderons à sauts et à gambades, passant de l’un à l’autre sans autre logique que celle qui amène à ma mémoire le souvenir de ces maux.
Souhaitons leur disparition et, en attendant, voyons également comment les affronter.
Publicités et autres messages indésirables
Quand vous lisez sur le web, la pire des choses (encore que ce classement va s’avérer bien difficile pour savoir à qui donner la priorité dans le pire du pire), c’est probablement la publicité. Je sais bien qu’elle permet à certains de payer le nom de domaine, l’hébergement ou les frais de développement. J’en sais quelque chose. Mais qu’on me permette à mon tour de ne pas l’afficher.
Pour cela, on a vu que le mode lecture de Safari (on retrouve cette fonction sur tous les navigateurs) était un premier moyen. Le second est certainement le désormais traditionnel bloqueur de publicités. On en trouve de nombreux. Il suffit de faire une recherche sur l’App Store. Vous en trouverez plein.
J’utilise pour ma part 1Blocker qui bloque les publicités naturellement, mais aussi toutes sortes d’inconvénients parmi lesquels on trouve au premier chef les cookies et autres trackers en tout genre.
Mentionnons aussi des applications comme StopTheMadness laquelle porte bien son nom et qui vous redonne un peu de contrôle sur ces sites qui, par exemple, bloquent le copier/coller, lancent automatiquement des vidéos… Il y a aussi superagent qui vous débarrasse des pop-ups. Banish bannit une autre forme de pop-ups familière aux utilisateurs d’iPhone et iPad vous invitant à utiliser l’app plutôt que le navigateur. Hush fait quelque chose de similaire en tuant dans l’œuf ces pop-ups qui vous invitent à souscrire ici à une newsletter, là à consentir à un tas de trucs dont vous n’avez que faire. Vous voyez que ce ne sont pas les options qui manquent. Ça n’est jamais parfait. Parfois, il vous faudra désactiver l’une de ces extensions pour que le site fonctionne correctement à nouveau, mais ça en vaut amplement la peine.
Infobésité
Ce mal est terrible et les solutions que l’on peut apporter à ce problème dépendent largement de vous et de votre capacité à accepter que oui, l’information est partout et que non, vous ne pouvez ni tout lire ni tout voir.
En revanche, vous pouvez stocker pour un éventuel plus-tard tel ou tel article. Peut-être ne le lirez-vous jamais, mais vous avez sauvegardé cet article et cela soulage partiellement votre culpabilité. Reste à vous organiser un tout petit peu. On a pu voir que GoodLinks me rendait de fiers services pour cela. C’est ma boite à liens. L’effort minimum consiste à appliquer un tag à l’article sauvegardé, et une étoile à celui qu’il m’importe de lire au plus tôt. Les meilleurs moments pour soulager ma culpabilité liée à mon désir d’information sont toujours ces temps hors-connexion (bien rares il est vrai) où je peux rattraper un peu de mon retard.
J’aime beaucoup aussi le widget sur l’écran d’accueil de ma tablette qui affiche aléatoirement le titre d’un des articles que j’ai sauvegardés et tire ainsi de l’oubli l’un de ces articles enfouis dans une masse sans cesse croissante.
Ma culpabilité se fait hélas cruellement ressentir quand je constate que la liste des articles sauvegardés croît plus vite qu’elle ne décroît, mais à la faveur des vacances, il est parfois possible de soulager ce sentiment bien pénible.
Algorithmes de recommandation
Dominique Cardon, dans À quoi rêvent les algorithmes, nous explique le fonctionnement des algorithmes :
Le futur de l’internaute est prédit par le passé de ceux qui lui ressemblent.
Et il ajoute un peu plus loin :
Ils sont prédictifs parce qu’ils font constamment l’hypothèse que notre futur sera une reproduction de notre passé.
Prédire le futur en fonction de notre passé ! Très concrètement, YouTube agit de cette façon : puisque vous avez regardé une vidéo des Smiths, vous aurez bien envie d’en voir une autre, n’est-ce pas ?
Si vous détestez que l’on vous dise que lire et quoi regarder, fuyez ces réseaux comme feu Twitter qui, au lieu d’afficher chronologiquement les messages des personnes auxquelles vous vous êtes abonné, font apparaître ce qu’ils pensent que peut-être vous seriez intéressé de voir, choix largement dépendant d’algorithmes pas toujours très intelligents, mélanges de likes et de retweets, favorisant les favorisés et créant un espace sans rapport avec celui que vous avez essayé de vous créer. Si l’on y réfléchit bien, il y a là une sorte de contenu éditorialisé. Je ne vois pas d’autres termes pour parler d’un réseau social qui prône la liberté d’expression poussée à son paroxysme et qui laisse passer tweets racistes, sexualisés ou anti wok.
Pour contrer les timelines créées par d’autres, vous pouvez créer des listes. Avant la diaspora qu’a entraîné le rachat par Musk de Twitter, j’avais des listes que je trouvais plutôt riches et informatives. On y trouve malheureusement de la publicité et certaines personnes ont déserté le réseau social autrefois adoré. Mais on peut aller voir sous d’autres cieux comme Mastodon. On peut aussi préférer l’antique flux RSS, et là au moins vous décidez de ce que vous lisez. Si jamais vous avez un abonnement à l’une des plateformes permettant de consulter des flux RSS, vous pouvez mettre en place des filtres qui apporteront également une solution à notre problème qui est l’infobésité. Vous pouvez par exemple interdire certains mots et certains articles n’apparaitront plus.
Rien à voir avec la lecture, mais mentionnons une application comme Freetube qui, si vous détestez les publicités ou justement les recommandations, vous permettra de retrouver un certain plaisir à regarder YouTube. En effet, avec Freetube, nulle publicité ni rien de tout ce qui rend la fréquentation de YouTube pénible.
À noter que, sur iPad, feeeed propose quelque chose de similaire puisque lorsque vous lancez une vidéo YouTube vos yeux et vos oreilles ne font pas l’objet d’un assaut publicitaire visuellement et auditivement navrant qui vous force à regarder un truc qui vous plonge dans des abîmes d’indifférence.
Doomscrolling
J’ai cherché la traduction de « doomscrolling » et ai trouvé « défilement morbide ». Je ne sais pas lequel est le pire (anglais ou français), mais il faut bien reconnaître que les designers du monde entier se sont ingéniés à trouver les moyens de vous faire parcourir des pages et des pages de vidéos ou de textes. Des années de métro et de bus m’ont amené à conclure que cette pratique n’était pas nécessairement l’apanage des jeunes, mais que les « vieux » aussi pouvaient s’adonner à cette pratique abrutissante qui vous absorbe dans la contemplation sans fin d’un contenu avoisinant souvent la nullité totale.
Je ne crois pas particulièrement souffrir de ce problème (sauf période de vide existentiel), mais enfin voilà quelques conseils.
Le mode Concentration offre des possibilités qui méritent d’être explorées. Il vous permet, comme son nom l’indique de vous concentrer sur ce que vous avez à faire et pour vous y aider, vous pouvez choisir de ne plus afficher telle application voire tel écran d’accueil, de supprimer momentanément les notifications et, couplé à Temps d’écran, vous pouvez prendre la mesure du temps que vous passez sur telle ou telle application. C’est une première étape.
Je suis bien d’accord que concernant le dernier point, l’efficacité est maigre et outre un petit sentiment passager de culpabilité, vos efforts pour minimiser votre temps d’écran seront bien vains.
Je serais bien tenté d’essayer une app comme Ochi, mais voilà ! un abonnement supplémentaire ainsi qu’une petite incertitude quant à l’efficacité de tels procédés font que je n’ai pas franchi le pas. Je reste toutefois attentif aux possibilités de contrôle proposées par ces applications, mais si je vois à l’avenir que je peine à contenir ce frénétique besoin de continuer à scroller, je recourrais probablement davantage à ces applications pour limiter la consultation de contenus finalement non choisis.
Au reste, j’ai trouvé dans Wired un article très intéressant intitulé How to Stop Doomscrolling-With Psychology. Dans cet article, on trouve cette non moins intéressante partie intitulée Avoid Confirmation Bias (Éviter le biais de confirmation) et qui démontre que l’on a tendance à discréditer ce qui contrevient à nos opinions.
“Research has shown that humans have a sort of mental filter that causes us to discredit information that challenges what we already believe to be true, and we give more weight to ideas we agree with,” Johnson says. “When you are doomscrolling, you will find there is no shortage of terrible information out there that will only enhance your confirmation bias.” 1
In fine, il nous faut considérer que notre propre vision du monde n’est pas un solipsisme et qu’on ne saurait tout juger à l’aune de nos convictions. Il faut savoir argumenter contre soi-même, se faire l’avocat du diable en somme. Si cette schizophrénie intellectuelle vous effraie, demandez à chatGPT de vous apporter la contradiction.
Économie de l’attention
La démonstration n’est plus à faire et la chose est désormais bien connue. Nous avons un degré d’attention limité et elle représente une potentielle richesse que les différents acteurs de la Silicon Valley s’efforcent de monétiser. En gros, vous avez un service qui est gratuit comme Spotify ou YouTube et vous pouvez soit faire disparaître la publicité en payant un abonnement, soit payer avec votre attention et supporter des discours commerciaux dont la portée intellectuelle est rarement au-dessus du niveau d’un enfant de cinq ans. Cet article du Guardian au titre éloquent, Netflix’s biggest competitor? Sleep, montre bien l’ampleur du problème. En 2017, pour Reed Hastings, le patron de Netflix, son plus gros concurrent n’était pas Amazon ou YouTube, mais le sommeil. On en est là.
Tout aussi inquiétant est la façon dont les algorithmes ou l’interface s’efforcent de vous garder dans l’application. TikTok s’en est fait une spécialité. Vous n’avez même pas à cliquer pour voir une vidéo. Vous êtes déjà en train de regarder. Les J’aime, les titres accrocheurs (clikbait), les recommandations font qu’il est difficile de résister.
Que faire ? Le premier pas consiste à en prendre conscience. Il y faut de la volonté ensuite et cela n’a rien d’évident et malheureusement je n’ai aucune recette miracle si ce n’est celles que nous avons déjà évoquées plus haut.
Polarisation
On la qualifie souvent de politique, mais je trouve qu’elle touche tous les pans de la société et pour prendre un sujet que je connais – celui de l’éducation – je trouve qu’elle touche aussi le corps enseignant. Il n’est que de se souvenir de la réforme du collège en 2016 qui avait divisé en deux camps les enseignants.
Qu’est-ce que le lecteur peut faire ? Multiplier les sources d’information, ne pas se laisser enfermer dans des bulles. Accorder un peu d’attention aux voix dissonantes qui n’abondent pas dans votre sens.
Reste qu’il faut bien connaître qu’avec les réseaux sociaux, on fait l’expérience de l’altérité, et que cela peut être difficile. On se confronte aux opinions d’autrui, lesquelles sont susceptibles de vous heurter. Si cette opinion n’est pas le fruit d’une manipulation (on y vient dans la partie suivante), on peut lui accorder quelque crédit, mais parfois cette opinion n’a pas d’autre objectif que de condamner voire de vous expliquer doctement en quoi vous êtes un sinistre abruti, et toujours lorsque je me trouve dans de tels lieux, je puise ou j’essaie de puiser un peu de sagesse chez les moralistes et notamment La Bruyère qui écrivait :
Parler et offenser pour de certaines gens est précisément la même chose ; ils sont piquants et amers, leur style est mêlé de fiel et d’absinthe, la raillerie, l’injure, l’insulte leur découlent des lèvres comme leur salive ; il leur serait utile d’être nés muets ou stupides, ce qu’ils ont de vivacité et d’esprit leur nuit davantage que ne fait à quelques autres leur sottise : ils ne se contentent pas toujours de répliquer avec aigreur, ils attaquent souvent avec insolence ; ils frappent sur tout ce qui se trouve sous leur langue, sur les présents, sur les absents, ils heurtent de front et de côté comme des béliers ; demande-t-on à des béliers qu’ils n’aient pas de cornes ? de même n’espère-t-on pas de réformer par cette peinture des naturels si durs, si farouches, si indociles ; ce que l’on peut faire de mieux d’aussi loin qu’on les découvre, est de les fuir de toute sa force et sans regarder derrière soi.
Les Caractères, V De la société et de la conversation, 26
J’aimerais assez, au reste, n’être pas le seul à lire cet ouvrage et qu’on érige à nouveau la discussion en un idéal. Citons une dernière fois La Bruyère.
L’on parle impétueusement dans les entretiens, souvent par vanité ou par humeur, rarement avec assez d’attention : tout occupé du désir de répondre à ce qu’on n’écoute point, l’on suit ses idées, et on les explique sans le moindre égard pour les raisonnements d’autrui : l’on est bien éloigné de trouver ensemble la vérité, l’on n’est pas encore convenu de celle que l’on cherche.
Les Caractères, V De la société et de la conversation, 67
Fake news
La chose n’est pas nouvelle. Umberto Eco l’a bien montré dans Six promenades dans les bois du roman ou encore dans Le Cimetière de Prague. Il y montre comment le faux, les thèses complotistes ont eu les pires conséquences. On sait en effet que les Protocoles des sages de Sion ont eu une influence considérable sur l’Holocauste.
Il nous faut en tout cas avoir à l’esprit que nous sommes entrés dans l’ère du soupçon, que tout est potentiellement faux et que l’intelligence artificielle va très certainement industrialiser cette production du faux, mais au moins le lecteur doit-il être averti. Il nous faut enfin éduquer nos élèves et les outiller à apprendre à détecter le faux.
À ce sujet, j’aime bien les propositions d’Asma Mhalla dans son ouvrage Technopolitique et qui explique que nous n’avons pas tous vocation à être des super-experts ou des fact-checkers nés.
Nous devrions nous concentrer non plus sur la recherche viscérale du « vrai », mais plutôt nous demander toujours des choses simples et perdues de vue par la plupart : « Qui », « Qui me parle ? » « D’où me parle-t-on ? » « Qui me dit quoi dans quelle intention ? », autant de questions réflexes bien plus salutaires, plus proactives que celle de savoir si « c’est vrai » ou si « c’est faux ». En lieu et place des injonctions, penser des actions simples mais répétées de politiques publiques qui mettent les citoyens en mouvement, en contrôle, en responsabilité, en désir.
Technopolitique – Comment la technologie fait de nous des soldats
Hallucinations
À ces maux parfois anciens, on en ajoutera un nouveau, l’hallucination. C’est en effet de ce petit nom qu’on désigne les curieuses productions des IA quand au lieu de dire « Je ne sais pas », elles se mettent à inventer. Lors des débuts de chatGPT, l’épisode des œufs de vache a bien faire rire la planète. Il est certes (en partie) réglé, mais l’IA ne continue pas moins d’inventer. J’en ai fait la démonstration récemment à de jeunes élèves. Il suffit de demander une biographie de soi et c’est le grand n’importe quoi.
Llama
Claude
Mistral
Gemini
Yann Houry is a French entrepreneur and computer scientist who has made significant contributions to the field of artificial intelligence. He is the co-founder and CEO of Dataiku, a collaborative data science platform that enables organizations to build, deploy, and manage their own AI models.<br><br>Houry was born in 1984 in France, where he developed an interest in computer science and entrepreneurship from a young age. He went on to study computer science at the École Polytechnique in Paris, where he earned his master’s degree in 2007. After completing his studies, Houry worked as a software engineer at various companies, including Google and Facebook, before co-founding Dataiku in 2013.
Yann Houry est un acteur français né en 1984 à Lille. Il est principalement connu pour ses rôles à la télévision, notamment dans les séries Camping Paradis et Clem. Dans Camping Paradis, il a incarné le personnage de Benjamin Ferreira pendant 10 saisons, de 2006 à 2016. C’était l’un des rôles principaux de la série.<br><br>Depuis 2017, il joue le rôle de Simon dans la série Clem sur TF1. C’est aussi l’un des personnages récurrents de cette comédie familiale. Au cinéma, on a pu le voir dans des films comme La bonne épouse (2017) ou Le meilleur reste à venir (2019). Il a également joué au théâtre, notamment dans L’assassinat de Ernesto G. avec Fabrice Eboué en 2019.
Yann Houry est un réalisateur, scénariste et producteur français. Il est né le 13 novembre 1975 à Paris. Il a suivi des études de cinéma à l’Université Paris 8 et a commencé sa carrière en réalisant des courts-métrages.<br><br>En 2002, il a co-fondé la société de production "Les Films du Worso" avec ses amis de longue date, les réalisateurs Riad Sattouf et Guillaume Brac. Ils ont produit plusieurs courts-métrages, dont "Les Jours où je n’existe pas" de Jean-Charles Fitoussi, qui a remporté le César du meilleur court-métrage en 2004.<br><br>En 2006, Yann Houry a réalisé son premier long-métrage, "Les Amitiés maléfiques", adapté du roman éponyme de Emmanuel Bourdieu.
Yann Houry est un entrepreneur français né le 28 novembre 1973 à Paris. Il est le fondateur et PDG de la société de conseil en innovation et transformation digitale, Fabernovel.<br><br>Après avoir obtenu un diplôme d’ingénieur en informatique à l’École nationale supérieure des mines de Paris, Yann Houry a travaillé dans le secteur de la finance chez Goldman Sachs et chez Morgan Stanley. En 2000, il a rejoint la société de conseil en stratégie McKinsey & Company, où il a travaillé pendant 10 ans.<br><br>En 2010, Yann Houry a fondé Fabernovel, une société de conseil en innovation et transformation digitale.<br>
Là encore, la solution toute relative est de développer la conscience que l’IA est capable d’inventer de toutes pièces des faits. Le cas des œufs de vache était truculent, mais des gens plutôt éduqués se sont fait duper, comme on peut le voir dans cet article du New York Times relatant les mésaventures d’un avocat se reposant naïvement sur les résultats produits par le chatbot. De ce point de vue, je trouve que les propos de Sam Altman, le fondateur d’OpenAI, sont toujours d’actualité.
ChatGPT is incredibly limited, but good enough at some things to create a misleading impression of greatness.
it’s a mistake to be relying on it for anything important right now. it’s a preview of progress; we have lots of work to do on robustness and truthfulness. 2
En somme, on a besoin d’éducation, mais ce n’est pas nouveau.
Que conclure de tout cela ?
On le voit bien. Il n’y a pas qu’une nécessité technologique de s’équiper d’applications bloquant les publicités ou vous permettant de retrouver un peu d’autonomie dans un monde où les algorithmes choisissent pour vous ce que vous allez lire ou regarder. L’enjeu est bien plus grave. Ce qui se joue là n’est rien d’autre qu’une attaque en bonne et due forme de l’esprit au travers de la distribution, de la désinformation et de la manipulation. En somme, c’est une attaque et Asma Mhalla que nous avons déjà citée a raison de rappeler les propos de James Giordano quand il dit « The human brain is the battlefield of the 21st century ». Le cerveau humain est le champ de bataille du XXIe siècle. Et pour bien le comprendre, je ne peux que vous recommander de lire son livre, Technopolitique – Comment la technologie fait de nous des soldats.
Mais je réiterai tout de même ce besoin d’éducation. Et je pense que l’on se fourvoie quand, à l’école, notre seule approche de la lecture est celle des classiques. Qu’on ne s’y trompe pas. Je pense qu’il est important qu’on lise un La Bruyère, mais je pense aussi que développer des compétences de lecture sur des textes certes moins bons mais disons problématiques et qu’il importe d’identifier comme tel est fondamental. Sinon on prendra toujours le risque que le citoyen du XXIe siècle soit désinformé, et on a vu avec la campagne électorale de Donald Trump en 2016 ou la plus récente guerre en Ukraine en quoi démêler le vrai du faux était primordial. L’enjeu n’est rien moins que démocratique.
1 : « La recherche a montré que les êtres humains disposent d’une sorte de filtre mental qui nous pousse à discréditer les informations qui remettent en cause ce que nous croyons déjà être vrai, et à donner plus de poids aux idées avec lesquelles nous sommes d’accord", explique M. Johnson. "Lorsque vous faites défiler des pages indéfiniment, vous vous apercevez que les informations terribles ne manquent pas et qu’elles ne font qu’accentuer votre biais de confirmation ».
2 : « ChatGPT est incroyablement limité, mais suffisamment performant pour donner une impression trompeuse de grandeur. c’est une erreur de s’y fier pour quoi que ce soit d’important pour le moment. il s’agit d’un aperçu des progrès réalisés ; nous avons encore beaucoup de travail à faire en matière de robustesse et de véracité. »
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Cette série d’articles ne serait pas complète si on ne consacrait pas une partie aux dictionnaires et autres traducteurs. En ce qui concerne les premiers, je dirais que dans un sujet consacré à la lecture numérique, il est assez évident qu’on mentionne ces traditionnels volumineux ouvrages qu’il était soit pénible de transporter (je ne sais pas s’il existe encore des écoliers qui ont la charge – au sens propre – de leur épais Larousse écorné), soit impossible de transporter (du temps que j’étais étudiant le Trésor de la langue française tenait en plusieurs volumes. Il fallait alors que je me rende à la bibliothèque pour les consulter). Il va sans dire que le numérique permet d’avoir tout ça dans sa poche. On peut ainsi faire ses recherches à toute heure du jour et de la nuit, alors qu’auparavant, il fallait se rendre à la bibliothèque, attendre éventuellement qu’elle ouvre, croiser les doigts pour que l’ouvrage désiré ne soit pas emprunté.
Quoi qu’il en soit, je vous ferai le détail de ce que ma poche contient d’ici quelques lignes, mais auparavant, il me faut en venir au deuxième point de cet article, les traducteurs. Or ceux-ci n’avaient aucun équivalent dans ma vie analogique. Ils n’existaient tout simplement pas. Google Translate n’était pas seulement un rêve. Ce n’était même pas l’embryon d’une possibilité. C’était tout au plus la fantaisie d’un roman de science-fiction ou un appareil magique digne de Star Trek.
Les dictionnaires
Le petit Robert
La première application que j’ai achetée lorsque j’ai eu mon premier iPad (on devait être en 2012 je crois) a été le Petit Robert. Bien m’en a pris car je bénéficie gratuitement des mises à jour depuis cette année-là, sans que j’aie jamais eu besoin de repasser à la caisse, ce qui ne cesse de m’étonner, tant on s’efforce de vous faire payer et repayer ce que vous avez déjà acheté en ces temps où l’abonnement est la forme de transaction la plus commune. Bref.
Pas grand-chose à dire de son interface certes simple et claire, ni des fonctions qui rendraient l’application absolument indispensable par rapport à sa version papier. On peut bien sûr écouter les mots, ce qui peut s’avérer utile si l’alphabet phonétique reste un mystère pour vous. Reste la recherche intuitive qui peut s’avérer pratique si vous ignorez l’orthographe d’un mot. On a bien l’historique ou la possibilité de créer des favoris, mais rien de transcendant. Rien qui ne permette vraiment de procurer des arguments irréfragables à qui voudrait vous faire abandonner la version papier.
Antidote
Il n’en va pas de même de l’application Antidote qui n’est pas qu’un simple dictionnaire.
La première fois que j’ai essayé Antidote, ce n’était d’ailleurs pas tant pour son dictionnaire (le Robert faisait et fait encore largement mon affaire) que pour son correcteur orthographique largement plus puissant que celui intégré au système. En raison des limitations du système de l’iPad, on ne bénéficie pas de certaines fonctions mais on les retrouvera sur la version web.
À ce propos, permettez-moi une petite digression. On dit souvent que les correcteurs orthographiques seraient responsables de la baisse du niveau des compétences d’écriture des élèves, que ceux-ci ne savent pas ou plus écrire, car le correcteur écrit pour eux. Laissez-moi vous compter une tout autre histoire. Quand j’ai acheté Antidote, ce n’était pas tant pour vérifier mon orthographe dont j’étais, en tant que prof de français, plutôt sûr, mais pour m’offrir le confort d’une relecture supplémentaire, une vérification certes, mais pas pour combler mes lacunes, mais plutôt pour m’assurer qu’une éventuelle étourderie n’aurait pas laissé traîner une disgracieuse et humiliante lacune. Or très vite j’ai pris conscience de la nécessité d’acquérir une nouvelle compétence que je n’avais pas et qui se trouvait être la maîtrise de la typographie. Antidote me conseillait en effet d’insérer ici des guillemets français, là un cadratin ou encore une espace (oui, on dit en principe UNE espace) insécable. J’ignorais tout cela et pendant quelque temps, Antidote a suppléé à mon ignorance et puis à force de lire et accepter ses recommandations, je les ai progressivement intégrées à ma pratique et faites miennes. En somme, j’ai appris. Le logiciel m’a servi de béquille, me disant quoi faire jusqu’à ce que je n’en aie plus besoin. Bref, le correcteur corrigeait pour moi, mais se faisant m’a instruit.
La correction porte donc aussi bien sur l’orthographe, la grammaire que la ponctuation et donc la typographie. Et forcément, on trouve à présent un peu d’intelligence artificielle vous proposant de donner une autre tournure à votre prose, mais c’est pour l’instant bien peu convaincant, et je n’en ai pas grande utilité. Pour l’instant en tout cas.
En fait, j’utilise aujourd’hui beaucoup Antidote pour son dictionnaire anglais. Il est en effet depuis quelques années bilingue. Je n’utilise que peu les autres fonctions. Elles sont pourtant, pour l’amoureux des mots, toutes très intéressantes. On a, par exemple, la possibilité de créer des favoris et parmi ces favoris, des listes que l’on pourra exporter dans un tableur (à partir de là les possibilités d’exploitation sont nombreuses. J’en ai parlé dans Utiliser Google Sheets pour apprendre du vocabulaire).
Il y a aussi des guides qui sont de vrais manuels de grammaire. Il y aussi des jeux qui vous permettent de sélectionner un mot au hasard et d’apprendre son étymologie ou l’équivalent du pendu.
Et aussi
On pourrait installer beaucoup d’autres dictionnaires, mais beaucoup de ceux que j’utilise sont en ligne. En voici une liste non exhaustive.
J’ai tout de même recours au TLFi (le Trésor de la Langue Française informatisé) du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales qui, avec le Petit Robert, est un… eh bien… un trésor, et pour lequel il existe une app offrant une interface plaisante, claire et aérée.
J’utilise aussi encore parfois le dictionnaire Larousse français anglais qui ne fait malheureusement pas l’objet d’autant d’attention de la part de son éditeur que le petit Robert. Il n’est plus mis à jour et l’interface n’est même plus adaptée au système d’exploitation actuel. C’est malheureusement le lot de nos vies numériques parsemées d’apps moribondes.
Il est quand même un autre Robert qui se partage mon cœur et qui est le Dictionnaire historique de la langue française. Quand je l’ai acheté, celui-ci avait la forme d’un livre dans l’application Books. Le dictionnaire est à présent une application autonome, certes un peu chère, mais deux fois moins que son équivalent papier, ce qui est suffisamment rare pour être noté. Et vous l’aurez compris, ce voyage dans dix siècles d’histoire des mots est bien plus léger et maniable et accessible.
Les traducteurs
Je ne vous ferai pas l’injure de vous présenter Google Translate ou DeepL. En revanche, je vous dirai quelques mots de ce que de telles applications changent à la lecture. Et pour ce faire, je remonterai à nouveau le temps pour évoquer mon passé de lecteur.
Pour tout dire, je ne crois pas avoir été jamais doué pour les langues. Je me souviens bien (au collège ou au lycée) avoir fait l’acquisition d’un dictionnaire anglais et d’ouvrages en édition bilingue (une page en anglais, l’autre, en regard, en français), mais peut-être n’étais-je alors pas prêt à fournir les efforts nécessaires, mais je me souviens bien de mon désarroi et surtout de mon impossibilité de progresser dans ma lecture et dans ma maîtrise de la langue anglaise. Je ne mentionnerai même pas la potentielle utilisation du dictionnaire (unilingue forcément) vous obligeant à quitter votre lecture pour ouvrir ledit dictionnaire. Autant dire que la plus grande flemme me paralysait. Le désarroi que j’éprouvais atteindrait le désespoir quand on nous demanda de lire Absalom, Absalom! de Faulkner, encore que la gageure m’avait valu un bruyant éclat de rire que je ravalais amèrement et silencieusement. Je savais que c’était perdu d’avance.
Tout allait changer avec la Kindle. Cet objet a été pour moi un vrai tremplin pour la maîtrise de la langue anglaise (work in progress here). Et c’est probablement une raison supplémentaire expliquant ma désaffection pour le livre papier qui avait échoué à m’aider, à me supporter (pour emprunter un anglicisme) dans mes efforts pour comprendre la langue de Shakespeare. De surcroit, coincidaient pour moi le besoin d’améliorer mon anglais et l’adoption naissante de la liseuse.
Or, sur un tel objet, non seulement le dictionnaire est à portée de doigt puisqu’il est intégré. Un appui prolongé sur le mot le fait apparaître. Mais si d’aventure, la définition ne vous aide pas à comprendre la phrase (et sincèrement cela m’arrive encore. J’ai cherché tous les mots, et le sens de la phrase continue de m’échapper), alors il vous reste la possibilité de traduire tout en restant dans le livre.
L’intégration de la traduction n’est pas l’apanage de la Kindle. On la retrouve dans tout l’OS de l’iPad. Ainsi quand vous lisez une page web, vous pouvez faire la même chose. Vous pouvez obtenir la traduction d’un mot.
Comme avec la Kindle, si le dictionnaire ne vous apporte pas l’aide désirée, vous pouvez obtenir la traduction d’une ou plusieurs phrases.
C’est également toute la page que vous pouvez faire traduire si vraiment la langue de Shakespeare (ou d’un autre) vous rebute. Remarquez que même le texte sur la photo est traduit !
Autant dire qu’avec de telles possibilités, on n’a aucune raison de ne pas lire ou de faire l’effort de lire dans une langue étrangère. On aura ainsi abandonné un effort (celui de chercher dans un dictionnaire) pour en fournir un autre (lire un texte dans une autre langue), et c’est souvent cela que permet la technologie : cesser de faire une chose, en somme perdre une compétence, pour en acquérir une autre ou en tout cas pour disposer d’un temps que l’on dévolue à d’autres tâches. L’exemple le plus criant est certainement Google Maps, mais je lui préfère celui de la machine à laver qui, en faisant le boulot pour vous, ne vous transforme pas en grosse feignasse méprisable, mais vous permet de faire autre chose. In fine, la machine à laver, c’est l’essor de la culture (c’est drôle, non ?).
Puis-je dire pour autant que je suis pleinement satisfait ? Que nenni. Pour que je le sois, il faudrait encore que les dictionnaires ou traducteurs soient mieux intégrés au système. Ils le sont déjà, mais ce sont ceux d’Apple qui le sont. Si vous voulez traduire une page, c’est le traducteur d’Apple que vous avez sous la main, mais si vous voulez DeepL, il vous faut quitter ce que vous étiez en train de faire et vous diriger d’un doigt alerte vers l’app idoine, ce qui est souvent la première étape d’un jeu pénible de va-et-vient.
Ce qu’il faudrait, c’est exactement ce qu’Apple a permis avec les claviers (souvenez-vous d’iOS 8). Depuis 2014 donc, vous pouvez télécharger des claviers comme vous le feriez avec des apps et les installer et ainsi les utiliser partout dans le système c’est-à-dire dans l’OS. C’est exactement ce qu’il faudrait pouvoir faire avec les dictionnaires ou traducteurs. Je voudrais, par exemple, convoquer Antidote directement dans l’application Kindle, pouvoir mettre un mot en favori et le retrouver et l’exporter dans des listes que je pourrais manipuler, éditer, exporter, enrichir, etc.
Bref, on commence à comprendre que le lecteur gâté l’est à double sens. Il est gâté comme on l’est quand on est comblé de cadeaux, mais il l’est aussi comme dans l’expression « pourri gâté ». On n’est jamais satisfait et c’est heureux puisque les appareils sur lesquels nous travaillons sont mis à jour à intervalles réguliers. Je ne suis pas bien certain que le souhait d’une telle intégration soit très partagé parmi les utilisateurs d’iOS, mais sait-on jamais.
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Il est intéressant de penser l’évolution du livre comme celle d’une disparition progressive de sa matérialité. L’évanouissement de sa forme physique n’est rien moins que l’objectif de Jeff Bezos quand il propose que la Kindle fasse oublier le support de la lecture tout en faisant surgir le monde de l’auteur. Mais si d’aucuns aiment le livre dans son aspect matériel, il faut se rappeler que la force de la forme du livre est de constituer un support invisible ou disons qui s’invisibilise au profit de l’histoire, le contenant s’effaçant pour laisser place au contenu.
Reste que ce livre physique est un objet dont la forme a connu de multiples évolutions, mais la plupart allant vers une décroissance matérielle, du moins si l’on considère les deux extrêmes que pourraient représenter la tablette de cire il y a quelques milliers d’années (on ne parlera même pas de l’origine minérale de l’écriture que l’on retrouve dans l’étymologie du mot « calcul ») et le livre de poche aujourd’hui, ultime avatar d’un objet auparavant lourd des matériaux que constituaient les feuilles non de papier mais d’origine animale (c’est le sens du mot « vélin » venant de « veau »), reliure de cuir, fermoir métallique, etc. De ce point de vue, quelle ne fut pas ma surprise d’apprendre il y a quelques jours en lisant le New York Times (vous ai-je dit que j’avais gagné un abonnement ?) que certains ouvrages avaient des reliures d’origine humaine. J’aimerais bien un jour prendre le temps d’explorer un peu plus l’évolution des supports et des matériaux utilisés dans la fabrication des objets du quotidien.
Quoi qu’il en soit, nous avons ainsi abandonné ou sommes en train ou certains sont en train d’abandonner la matérialité du livre qui, en devant numérique, n’est jamais qu’une somme de 0 et de 1 remplaçant des processus de fabrication auparavant organique puis végétal. Mais c’est justement ce processus industriel qu’il me semble important de rappeler. L’ouvrage physique de papier est le résultat d’une technologie et, à qui l’oublierait, j’aime montrer les usines produisant un tel support. Mais précisément, c’est une technologie qui se fait oublier et qui se place exclusivement en amont de la production livresque. Après, en aval de cette production, la technologie s’efface, on l’a vu, et n’offre rien au lecteur sinon sa disparition volontaire.
Or, justement, ce que j’aime dans le livre numérique, ce sont ces moyens intangibles, c’est-à-dire numériques, enrichissant l’expérience de la lecture. Le livre numérique offre des possibilités d’interaction inédites. C’était tout le sens du précédent article montrant comment une application comme Readwise aspirait les passages soulignés et annotés pour me les remettre en mémoire à intervalles réguliers. Nous avions terminé en évoquant l’application de prise de notes Obsidian, application dans laquelle je consigne mes petites pensées nourries de mes lectures, et dans laquelle, grâce à Readwise, je retrouve les extraits soulignés ainsi que les annotations prises au cours de ces mêmes lectures.
Nous avions aussi, souvenez-vous, évoqué le Graph View qui permet de visualiser et naviguer dans ses données. Évidemment, l’ensemble n’a pas qu’une valeur esthétique. Et si vous aimez les trucs du type MySQL ou encore les formules du genre Query dans Google Sheets, vous serez en terrain familier et pourrez faire pas mal de choses avec vos notes, notamment avec le plugin Dataview.
Nous allons donc à présent entamer un chapitre un peu technique et voir quel parti le lecteur peut tirer de la technologie, comment on peut plonger dans ses données ou encore utiliser l’intelligence artificielle. On verra également qu’il est possible de transformer le lecteur en « power user » utilisant des scripts pour automatiser de nombreuses tâches. Bien sûr, rassurez-vous, chatGPT écrit les scripts pour vous ! Si jamais vous trouvez que la chose est trop complexe, on peut se tourner vers Automator ou encore Raccourcis. Les possibilités sont multiples.
Plongée dans les données
Je pense que lorsque l’utilisateur d’Obsidian découvre pour la première fois le plugin Dataview et qu’il comprend ce qu’il peut en faire, son petit corps de geek est pris de soubresauts de contentement incontrôlables.
Si vous ne connaissez pas la chose, je vous invite à regarder la vidéo An Introduction to Dataview.
Mais sachez qu’avec Dataview, on peut transformer le dossier dans lequel se trouvent toutes vos notes en une base de données et ainsi effectuer diverses requêtes. Il s’agit d’une méthode de recherche très puissante et qui permet d’obtenir, par exemple, une liste et même un tableau de toutes ses notes, et bien plus encore grâce à un code et donc une syntaxe qui, pour l’essentiel, est assez facile à comprendre. En tout cas, si je l’ai comprise, vous pouvez le faire. Je ne dis pas que tout est facile, mais les commandes de base sont faciles à comprendre, et jusqu’ici, elles m’ont suffi amplement. Le reste, dois-je avouer, est hors de ma portée.
Pour que cela fonctionne, il faut que vos notes possèdent des métadonnées. À cet effet, on utilise le format YAML. Ces métadonnées sont le plus souvent placées par l’utilisateur en tête des notes et peuvent inclure différentes informations comme l’auteur, la version, les tags, etc.
Toutefois, certaines notes ont déjà par défaut des métadonnées, sans qu’il soit nécessaire de les insérer à la main. C’est le cas du jour de création (file.cday) ou du nom (file.name).
Avec Dataview, on va pouvoir extraire toutes ces données et les afficher dans des listes ou des tableaux. Voici comment procéder.
Dans Obsidian, pour insérer le code de Dataview, on place, sur une note, trois accents graves suivis du mot « dataview » signalant le début et l’on place à nouveaux trois accents graves indiquant la fin. Tout ce qui se trouve entre les deux constitue le code de Dataview.
```dataview
LIST
FROM "Documentation/Intelligence artificielle" AND #éducation
WHERE file.cday > date(2023-01-01) AND file.cday < date(2023-11-04)
SORT file.name ASC
```
Décomposons un exemple.
LIST
Tout d’abord, je demande à Dataview d’établir une liste de toutes mes notes. On écrit donc simplement le mot LIST (en anglais, sans « e » donc).
FROM
Mais comme je ne veux pas avoir une liste de toutes mes notes, mais seulement certaines, je précise que je veux uniquement les notes provenant du dossier Documentation dans lequel on trouve le dossier Intelligence artificielle. Dans ce dossier, toutes les notes sont consacrées à l’IA, mais certaines ont le tag #éducation, et ce sont celles-là que je veux. On écrit donc : FROM "Documentation/Intelligence artificielle" AND #éducation.
WHERE
Je veux uniquement les notes écrites entre le 1er janvier 2023 et le 11 novembre 2023 et écris donc : WHERE file.cday > date(2023-01-01) AND file.cday < date(2023-11-04).
SORT
Les notes sont classées par ordre alphabétique. Il nous faut alors ajouter : SORT file.name ASC (« ASC » signifiant « ascending »).
Dans l’exemple que l’on peut voir dans la vidéo ci-dessous, la requête est similaire sauf que cette fois je demande un tableau à trois colonnes dans lequel on trouvera le titre des notes, leur auteur (en général moi) et une évaluation de ces notes (rating). Ce n’est pas que je m’autoévalue, mais cela me donne une représentation visuelle des notes qui me sont importantes sur une période donnée.
Il y a certes une courbe d’apprentissage, mais cela n’a rien d’infaisable. Et je fais le pari que le déploiement des intelligences artificielles va nous faciliter la tâche. On pourra faire ce genre de requête en langage naturel et d’une certaine façon, c’est déjà un peu ce qu’il se passe avec la recherche avancée d’un Google Drive par exemple. Il est donc extrêmement facile de sortir sa boule de crystal et, tout en ne prenant aucun risque, de dire que l’on pourra faire ceci ou cela. On le peut déjà, c’est juste que cela deviendra encore plus facile et plus répandu que ça ne l’est déjà.
À propos d’intelligence artificielle, je voudrais revenir sur une application que nous avons déjà mentionnée et qui s’appelle Readwise Reader.
Readwise Reader
C’est une nouvelle application de Readwise dont nous avons déjà parlé. Elle fait ce que font toutes les applications du type Read-it-later (comme Instapaper ou Pocket…). Elle vous permet de sauvegarder les articles que vous souhaitez lire (tout en supprimant les publicités, les menus…) voire les lire hors-ligne, les annoter ou les archiver.
Qu’est-ce que l’intelligence artificielle vient faire là-dedans ?
Dans Readwise Reader, vous pouvez convoquer Ghostreader, qui est alimenté par GPT.
Vous pouvez alors faire de nombreuses choses. Par exemple, vous pouvez résumer un article, ce qui me semble pratique avant (on peut se dire « Voyons. Apprenons-en davantage sur ce que contient cet article avant d’éventuellement lui consacrer du temps ») et après la lecture (« Au fait, de quoi cet article parlait-il déjà ? »).
On peut encore faire bien d’autres choses. On peut poser une question (imaginez la plus-value pour un élève ou un étudiant qui a dans cette fonction la possibilité d’interagir avec le texte comme il le ferait avec un tuteur : « Explique-moi telle ou telle partie que je n’ai pas bien comprise. », « Donne-moi davantage de détails sur tel point »).
Si l’on tapote sur un mot ou un passage que l’on a souligné, on obtiendra encore d’autres fonctions assez étonnantes, comme la possibilité de transformer ce passage en flashcard.
Mais ma préférée est probablement la lecture audio des textes sauvegardés. Au début, cette fonction me laissait de marbre et puis un jour tout a changé. Ça s’est passé comme ça : j’étais dans le métro. J’étais en train de lire un article qui me passionnait quand j’arrivai à la station où il me fallait descendre du train. Je regrettais de devoir différer ma lecture quand je me suis exclamé (en mon for intérieur naturellement) : « Mais suis-je bête ! Il me suffit d’écouter l’article au lieu de le lire ! »
Certes la lecture par une intelligence artificielle n’est pas la plus séduisante qui soit, mais la technologie Text To Speech s’est considérablement améliorée. C’est de mieux en mieux, et pour l’instant c’est bien suffisant pour prendre connaissance d’un contenu et éviter une interruption indésirable. C’est aussi un nouveau mode d’interaction avec le texte. Désormais, il m’arrive donc de lire debout, en marchant, sans regarder le texte.
Il existe une autre fonction qui me plaît énormément et que j’aurais aimé avoir en tant qu’étudiant. En effet, après la lecture (après un certain temps en fait, quand la courbe de l’oubli a fait ses ravages), il peut être opportun de vérifier que l’on se souvient de ce qu’on a lu. Dès lors, demandons à l’IA de générer des questions qui poussent à la réflexion.
Vous vous souvenez de ce que nous avons dit à propos de la répétition espacée ? Il en va de même pour l’IA. Elle aide à mieux apprendre. Testez vos connaissances aussi souvent que possible pour vous assurer que vous vous souvenez sur le long terme des textes que vous avez lus.
Mais pour cela, j’ai trouvé encore bien mieux avec le plugin Text Generator pour Obsidian.
Text Generator
J’ai découvert ce plugin en lisant l’article Photoshop for text. Ce que Steph Ango, l’auteur de l’article dit est très intéressant :
Lorsque je pense à l’édition d’images, un large éventail d’options me vient à l’esprit : contraste, saturation, accentuation, flou, aérographe, clonage, etc. Même les éditeurs d’images de base offrent des dizaines d’outils de manipulation d’images utiles.
Lorsque je pense à l’édition de texte, une définition beaucoup plus étroite me vient à l’esprit : couper, copier, coller, trouver, remplacer, vérifier l’orthographe – rien qui ne modifie la totalité de l’écriture. Cette définition est en train de changer.
Et en effet, l’IA permet de manipuler le texte dans des proportions inédites. Mais revenons à Text Generator. En gros, ce plugin me permet d’utiliser GPT-4 dans Obsidian et donc dans mes notes.
Cela signifie que l’on peut faire tout ce que nous avons mentionné précédemment. On peut demander n’importe quoi au sujet de ses notes. Mais ce que j’aime le plus, c’est la possibilité d’obtenir un quiz. Je peux ainsi convoquer Text Generator et dire par exemple : « Pose-moi 5 questions sur cette note concernant Vygotsky » (note que j’ai prise il y a quelque temps durant ma lecture et pour laquelle je veux mesurer le degré de rétention).
Ainsi, lorsque je sens que les connaissances que j’ai acquises dans un livre s’estompent, je retourne à mes notes, je les lis et je demande un test.
Je me suis efforcé de documenter le fonctionnement de ce plugin dans cette note, si cela vous intéresse. Vous y trouverez un petit script permettant de faire ce que nous venons d’évoquer.
Apple Script
J’ai toujours rêvé de savoir écrire des scripts. Malheureusement, je suis trop occupé ou trop feignant pour apprendre. Or chatGPT est très fort en la matière, et je l’utilise dès que j’ai un truc un peu technique à faire, RegEx par exemple. Ou encore l’écriture d’un script.
Voici un exemple pour lequel on cherche à avoir une liste des PDF que l’on a téléchargés et obtenir les liens au format Markdown pour placer tout cela dans Obsidian.
Le prompt a été écrit en anglais mais cela doit pouvoir se faire en français sans problème.
Give me an apple script providing a list of pdf files in a specific folder the script asks me to choose. Use the POSIX path for the file links and make sure that each link has the full path (i.e. "file:///Users/…"). Then I would need to export this list which must be a bulleted list built with dashes. Create a new line for each item.
Le script ressemble à ceci et j’aurais été bien en peine de l’écrire. Quant au « POSIX path », je ne suis pas bien certain de savoir ce que c’est, mais cela a été suggéré par chatGPT après quelques essais infructueux au cours de nos discussions. Si cela vous intéresse, j’ai donné d’autres exemples ici.
Dans un cas, cependant, chatGPT a échoué à créer le script demandé et m’a conseillé de m’en remettre à Automator. Voici le prompt.
Write an apple script asking the user to select a folder and to pick a name. Then, the script renames each files with this name and a number (1 for the first file, 2 for the second one and so on). Ignore files like ".DS_Store."
Et j’ai finalement abouti à ce script produit par Automator qui fait tout à fait l’affaire.
Raccourcis
Automator, en son temps, avait déjà été conçu pour permettre, "for the rest of us", de créer simplement une automatisation, c’est-à-dire un enchainement de tâches qui, si l’on doit les répéter plusieurs fois, méritent d’être automatisées. On va plus vite et on réduit le risque d’erreurs. Malheureusement, son inventeur Sal Soghoian a été licencié par Apple et je ne sais pas combien de temps encore on pourra s’amuser avec Automator. Toutefois, on a (et ce aussi bien sur Mac que sur iPad ou iPhone) l’application Raccourcis. Ce n’est pas sans évoquer des applications comme Scratch permettant de coder avec des blocs.
On a pu en voir un exemple d’utilisation dans la partie intitulée Confort de lecture et concentration. Dans l’exemple ci-dessous, je l’utilise pour récupérer les titres des cinq derniers articles consacrés à l’IA dans GoodLinks.
Je souhaiterais l’améliorer en l’utilisant de la façon suivante : le raccourci ira chercher les cinq articles que je placerai, à l’aide d’un tag, dans une liste destinée à être partagée dans l’une des newsletters que j’écris, et je récupérerai les liens des articles par la même occasion au format Markdown.
Voilà !
Nous avons terminé de passer en revue différentes méthodes d’automatisation ou différents recours à l’intelligence artificielle, processus qui tous nécessitent du lecteur de nouvelles compétences techniques, mais qui je crois en valent la peine. On l’a dit, l’automatisation permet d’aller plus vite et de réduire les erreurs. On a pu voir que nombre de ces automatisations avaient trait aux PDF que je télécharge çà et là, c’est bien pratique de pouvoir les renommer, les retrouver, les sélectionner ou obtenir des liens dûment formatés si besoin. On a vu enfin que l’IA offraient des possibilités nouvelles au lecteur qui peut interroger le texte, le résumer ou obtenir un quiz à son sujet. Que ce soit en termes d’organisation ou de vérification de la solidité des connaissances, j’y vois pour le le lecteur, on l’a dit, certes un besoin d’acquérir de nouvelles compétences mais aussi et surtout un moyen de renforcer les connaissances acquises. Bref, comme on le disait au début de cette série, de devenir un meilleur lecteur.
Faut-il devenir un geek pour autant ?
Non, je ne le crois pas, mais comme on la vu avec Steph Ango, les définitions, que ce soit celle de l’écriture ou celle de la lecture, sont en train de changer et des possibilités nouvelles dont on aurait tort de se priver apparaissent.
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Dans l’article précédent, nous avons expliqué que nous étions parvenu à un point fondamental dans la description de l’écosystème que constitue la lecture numérique laquelle se fait, le plus souvent, par le truchement de ce petit iPad et parfois encore via ma liseuse qui s’accommode décidément bien mieux que ma tablette de l’éclat du soleil lorsque je lis sur une terrasse.
Cette expérience de lecture dont vous lisez aujourd’hui la sixième partie est d’ailleurs assez curieuse à définir ou du moins à représenter. On a pu en effet voir avec la Kindle que son interface en apparence sommaire voire pauvre était en fait le résultat de la volonté affirmée de faire disparaître l’interface, ce dont témoigne cette conférence assez ancienne de Jeff Bezos que vous pourrez regarder sur YouTube et dans laquelle il explique
we really wanted to capture what we thought was the essential element of the physical book which is that the book disappears. It disappears in your hands. You aren’t thinking about the glue and the paper and the ink. All those things go away. And what remains is the author’s world. 1
Il s’agit donc de faire disparaître le livre lequel fait apparaître à son tour le monde de l’auteur. Intéressant, non ? Mais tout aussi intangible que cette interface transparente sont ces applications qui vont enrichir l’expérience utilisateur du lecteur, le livre ne constituant qu’une étape dans ce processus de transmission qui mène de la pensée de l’auteur à celle de son lecteur.
Or nous avons mentionné combien ce processus pouvait s’avérer fragile, volatile et éphémère. Nous avons heureusement, faute de mots plus convaincants, des méthodes mais aussi des outils qui nous permettent de trouver une solution à ce problème responsable de l’oubli dans lequel sombre la plupart des choses que nous lisons.
De ce point de vue, Readwise et Obsidian tiennent tous deux une place fondamentale dans cet écosystème. Le premier, peut-on lire sur leur blog, agrège tous les passages que vous avez soulignés ou annotés.
Readwise is software built on top of existing reading platforms — such as Amazon Kindle, Apple iBooks, and Instapaper — that conveniently resurfaces all the things you found important while reading. 2
Le second est une application de prise de notes d’un type qui, avec les autres Notion, Roam, Logseq, connaît en ce moment un certain succès. Il se trouve qu’Obsidian est également capable de se synchroniser avec Readwise, et donc de récupérer mes citations favorites et autres passages soulignés.
Voyons comment tout cela fonctionne et comment ces deux applications m’aident à inscrire durablement dans ma petite boîte crânienne le souvenir de mes lectures passées.
Readwise, l’aspirateur à soulignements
Readwise récupère donc tout ce que j’ai souligné ici ou là. Il se synchronise avec à peu près toutes les applications de lecture que vous pouvez connaître : Kindle, Kobo, Books, Instapaper, Pocket, Matter, etc.
L’objectif consiste à capturer ces idées que vous découvrez dans les livres que vous lisez et à faire ressurgir du passé les passages lus et ainsi vous aider à les mémoriser. La porte d’entrée de ce travail de mémorisation commence avec une fonction baptisée Daily review.
Daily review
Je reçois une sélection quotidienne (intitulée donc Daily review) quelque peu aléatoire de passages que j’ai lus, soulignés ou annotés. Vous choisissez : 5, 6, 7 ou 8 ou 10 citations vous seront rappelées soit dans l’application par le biais d’une notification soit par mail. Encore une fois, c’est vous qui choisissez.
C’est, nous dit-on, basé sur la recherche. Cela s’appelle la répétition espacée qui facilite la mémorisation. Justin Reich le résume ainsi dans Failure to disrupt :
[…] people remember things better when they practice recalling them over a long period of time rather than through cramming. If you have a choice between studying for an hour one day before a test or studying for twenty minutes each of the three days before a test, the spaced practice is almost universally better. 3
Il en va de même pendant la lecture. Vous plongez ardemment dans votre lecture pendant une semaine, deux ou trois et puis le livre disparaît de votre vie en tout cas matériellement, même s’il subsiste dans votre esprit, mais, on le sait, son souvenir s’estompe inéluctablement pour le plus souvent s’évanouir complètement.
Heureusement, Readwise se charge de vous aider à garder vivace son souvenir grâce à cette revue quotidienne.
Lors de cette revue, vous pouvez
Copier vos citations pour les insérer dans un article, un mémoire, un email…
Les partager sur les réseaux sociaux (de jolis modèles proposent de jolies images de vos citations)
Les éditer (vous pouvez supprimer un passage, le modifier s’il y a une coquille ou autre chose qui vous gêne)
Les annoter pour éventuellement inscrire et retenir durablement ce qui vous intéressait dans ce passage ou préciser ce que vous en pensez
Les mettre en favoris (ce faisant, Readwise vous proposera régulièrement ces passages qui vous tiennent à cœur)
Il faut bien comprendre comment une chose aussi simple que Readwise peut relever sinon du miracle du moins de la prouesse technologique. Si l’on voulait faire la même chose avec du papier, cela prendrait beaucoup de temps, et surtout ce ne serait pas « cherchable ». Je ne pourrais pas faire une requête dans Readwise et dire « Donne-moi toutes les citations dans lesquels se trouvent tels mots ».
Mais il y a plus.
Readwise permet de combiner deux passages séparés pour en faire une seule citation. Je suis sûr que vous avez déjà été confronté à ce petit souci. Vous lisez une phrase que vous souhaitez mémoriser. Vous la soulignez, et la fin de la phrase qui vous intéresse se trouve 10 lignes plus bas, et vous n’avez que faire de ce qui se trouve entre deux. Eh bien, Readwise vous procure un moyen de concaténer les deux passages pour en faire une seule citation. Il suffit d’annoter le premier passage et d’ajouter une note dans laquelle vous ajoutez .c1 puis d’annoter le second passage que vous voulez combiner avec le premier en ajoutant .c2.
Et il y a encore plus.
Flashcards
On peut même transformer ces citations en flashcards. Cela porte le doux nom d’apprentissage par la maîtrise. Il suffit pour cela de
Sélectionner les mots que vous voulez retenir
Ils sont remplacés par un trou
Plus tard, quand la citation vous est proposée, vous devez deviner les mots manquants
Cliquez sur Révéler la phrase clé pour les afficher
Choisissez enfin la fréquence avec laquelle vous voulez revoir cette citation
Si vous estimez que c’est bon, que la citation est désormais bien connue de vous et que vous n’avez pas besoin qu’on vous la resserve sur un plateau à intervalles réguliers, alors vous pouvez congédier ladite citation et Readwise vous proposera désormais d’autres choses à mémoriser.
Theme Reviewed
On peut aussi avoir plusieurs « reviews » c’est-à-dire qu’on peut personnaliser cette sélection de citations quotidienne. J’en ai à peu près cinq :
Daily review bien sûr
Une dédiée à la technologie
Une autre aux romans
Une autre consacrée à l’éducation, etc.
Enfin j’ai une boîte de réception provisoire pour stocker les choses sur lesquelles je travaille. J’y place toutes les citations que Readwise fait remonter à la surface et que je sens pouvoir trouver place dans tel ou tel article que j’écris.
Pour que cela fonctionne, il vous faut attribuer des tags à vos citations. Par exemple, tous les passages de romans que je lis portent le tag roman, tous les livres en rapport avec la pédagogie ou l’école ont le tag éducation. On peut faire ça très rapidement en quelques clics. C’est très intéressant, les tags ! Ils vont me permettre de chercher, par exemple, tous les passages soulignés dans les romans que j’ai lus, disons, en français, et donc portant les tags « roman » et « français » et je peux affiner ma sélection en ajoutant les tags « policier » et « historique » pour mettre la main sur les ouvrages relevant à la fois du roman historique et du genre policier.
Enfin, de la même manière qu’il est possible de transporter vos soulignements de votre Kindle à Readwise, il est possible d’envoyer tout ce qui se trouve dans Readwise vers Obsidian.
En effet, grâce au plugin Readwise pour Obsidian, il m’est possible de rapatrier tous ces passages dans mon application de prise de notes qui se trouve être par la même occasion mon traitement de texte, et je peux donc les insérer dans ce que j’écris très facilement. C’est le premier bénéfice que j’en tire. Le second est que si je me désabonne de Readwise ou que j’abandonne ma Kindle (ou l’app Kindle se trouvant sur l’iPad), je conserve tout de même mes précieuses citations.
Obsidian
De Readwise à Obsidian
Tout ce que j’ai noté ou souligné se trouve donc dans Obsidian et je peux plonger dans mes notes facilement et rapidement pour retrouver ce que je cherche. Il est alors facile de citer et d’insérer ce contenu dans n’importe quel texte que je suis en train d’écrire (un article de blog, un essai, un livre…).
Tout cela est complété par les notes que je continue à prendre manuellement. Par exemple, quand je lis un ouvrage que j’utiliserai pour mon travail, pour faire une formation ou pour partager une lecture que je souhaiterais recommander, je prends des notes dans Obsidian.
Mon Wikipédia personnel
Ce qui a fait la fortune (ou du moins la réputation) d’Obsidian tient à la capacité de lier les notes les unes aux autres. Cette fonction est souvent rapprochée de la méthode Zettelkasten. Il s’agit, un peu comme dans Wikipédia, de créer un lien menant à une autre note. Pour cela, il suffit de taper dans la Note 1 ceci :
[[Note 2]]
Et sur la note 1 apparaîtra un lien menant à la note 2. On appelle cela les wikilinks. Chaque note peut alors être liée à une autre pour établir des ponts entre les idées.
Le Graph View d’Obsidian (littéralement, la vue graphique) donne une représentation très visuelle de cet ensemble de notes où chaque point représente une note ou un document. Ce Graph view permet également de visualiser les relations entre les notes.
C’est en somme mon petit Wikipédia personnel qui donne à voir l’esprit en formation : chercher, lire, noter, conserver, absorber, penser, lier. À ce propos, j’aime bien rappeler l’étymologie du mot intelligence qui vient de inter legere, ce qui signifie faire des liens entre. Je ne sais pas si Obsidian y parvient, mais j’ai le sentiment qu’il me rend plus intelligent au moins étymologiquement quand il me permet de faire des liens entre les choses que je lis, annote et mémorise.
Reste que cette galaxie de notes n’est pas sans me rappeler ce tweet proposant un parallèle entre la lecture et l’écriture via un petit schéma sous lequel est écrit : "Read to collect the dots, write to connect them" 4. Comment ne pas faire le lien entre Obsidian et ses wikilinks d’un côté et l’activité d’écriture qui chez moi se déroule dans la même application où j’écris mes tutoriels, essais, newsletters et autres articles de blog ? et qui est le témoignage tangible de ce mouvement de l’esprit qui va de la lecture et à l’écriture en un seul espace, car, vous l’aurez compris, ma machine à lire est aussi ma machine à écrire. Cette double machine est aussi la reconnaissance sans cesse renouvelée de ce que je dois à autrui, de ce que je puise dans mes lectures, que j’absorbe et assimile et fais mien.
Après tout, nous ne sommes que des nains juchés sur des épaules de géants, n’est-ce pas ? Ou pour le dire comme Stanislas Dehaene dans La plus belle histoire de l’intelligence :
C’est Newton qui aurait dit : « J’ai vu loin parce que je suis monté sur les épaules de géants. » Peut-être aurait-il dû dire : « Je suis monté sur une pyramide de nains. » Nous sommes tous des nains, mais l’effet cumulatif de la culture humaine nous porte vers le haut.
Notes
1 : « nous voulions vraiment capturer ce que nous pensions être l’élément essentiel du livre physique, à savoir que le livre disparaît. Il disparaît dans vos mains. Vous ne pensez plus à la colle, au papier et à l’encre. Toutes ces choses disparaissent. Et ce qui reste, c’est le monde de l’auteur. » 2 : « Readwise est un logiciel qui s’ajoute aux plateformes de lecture existantes – comme Amazon Kindle, Apple iBooks et Instapaper – et qui permet de faire réapparaître de manière pratique toutes les choses que vous avez trouvées importantes pendant votre lecture. Cela interrompt le processus naturel d’oubli et crée des occasions répétées de faire quelque chose de ce que vous avez lu. » 3 : « les gens se souviennent mieux des choses lorsqu’ils s’entraînent à les rappeler sur une longue période plutôt qu’en bachotant. Si vous avez le choix entre étudier pendant une heure un jour avant un examen ou étudier pendant vingt minutes chacun des trois jours précédant l’examen, la pratique espacée est presque universellement meilleure. » 4: « Lire pour rassembler les points, écrire pour les relier »
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Comme nous l’expliquions précédemment, nous atteignons à présent un point essentiel. Je dirais même que c’est la clef de voûte de l’édifice que représente cette machine à lire qu’est l’iPad, et il nous faudra bien deux parties pour en venir à bout.
Car il faut bien le reconnaître, les avantages que l’on a identifiés comme étant l’apanage du dispositif numérique, qu’il s’agisse de la liseuse ou de la tablette, ne sauraient se résumer à des questions de poids ou d’accès facilité à un dictionnaire que l’on aurait la paresse d’aller consulter. Ce n’est même pas le fait de l’avoir avec soi partout, tout le temps. Non, ce n’est pas non plus tous ces modes de lecture autrement disparates dont nous avons parlé longuement la dernière fois. Non, il y a autre chose.
Il y a plus.
Disons-le tout de go, ce plus réside dans la capacité de la technologie à nous donner les moyens de vaincre l’Ennemi, le monstre que tout lecteur se doit d’affronter, cette inéluctable érosion de ce que nos faibles cerveaux engrangent à longueur de temps et que j’appelle plus prosaïquement le syndrome du poisson rouge ou pour le dire encore plus platement, l’oubli.
Oui, je suis sûr que, comme moi, vous souffrez de ce mal que vous peinez à avouer ou alors honteusement. Vous ne mémorisez rien. Vous oubliez tout, et c’est normal.
Selon cet article de Wikipédia, la courbe de l’oubli montre que les informations retenues diminuent de moitié après chaque jour. Dès lors, à quoi servent toutes ces heures de lecture si tout sombre et disparaît dans les limbes de notre esprit ? Parfois les gens rient de ce qu’ils n’ont rien retenu de ce que l’école enseigne, mais peut-être vous dites vous que vous en avez quand même profité pour former votre esprit critique (qui ne se souvient de rien mais qui est maintenant capable de penser) ou vous vous dites que c’est ainsi que vous avez obtenu un travail (et que c’est en somme un mal nécessaire).
On dit souvent qu’il reste quand même toujours quelque chose (vous savez le fameux la culture c’est ce qui reste quand on a tout oublié), mais je ne veux pas qu’il reste quelque chose. Je veux pouvoir garder vivaces, utilisables, mobilisables ces connaissances que j’ai accumulées. Je veux me souvenir de ce que j’ai lu, de ce que j’ai parfois péniblement trouvé, de ce que j’ai des fois eu du mal à comprendre et qui m’a donc demandé des efforts. En fait, j’attends un petit peu une sorte de retour sur investissement. Un esprit mesquin ajouterait que, vu ce que j’ai payé en matière de tablettes et de liseuses, il est normal que j’espère un retour, même minime.
Enfin, bref, pour lutter contre le syndrome du poisson rouge, j’utilise toute une flopée d’applications afin d’éviter que ma mémoire ne ressemble à un vaste désert dont il ne reste que de minces bribes de lecture (dans le meilleur des cas).
Things
L’application à laquelle tout le monde pense, quand il s’agit de retenir quelque chose, est probablement l’application du type gestionnaire de tâches appelée aussi « to-do list apps ». Sur l’iPad, il y a bien sûr l’application Rappels, mais j’utilise Things que je trouve diablement élégant et dont l’organisation me convient.
Sur la capture d’écran ci-dessus, vous pouvez voir une liste d’ouvrages que je souhaite lire. Ils sont classés selon qu’ils appartiennent à tel ou tel genre littéraire. Je peux noter différentes choses (comme le nom de la personne qui m’a conseillé tel livre ou le lien y menant), je peux ajouter des tags me permettant de retrouver l’ensemble des œuvres portant sur tel domaine, inclure des dates, etc.
Mais en fait se retrouvent dans Things, les recommandations ou idées de lecture qui ont passé la barrière d’une première sélection. Ce sont les lectures à faire si possible dans un futur assez proche et si ce futur est assez urgent, alors j’inclus une date butoir et donc un rappel. Pour tout le reste, eh bien, cela se passe comme suit.
Goodreads, GoodLinks et les autres
J’utilise les quatre applications suivantes pour mémoriser, trier, retrouver et partager le fatras de mes lectures quotidiennes. À qui s’étonnerait de trouver autant d’applications pour simplement organiser ses lectures ou de vulgaires liens glanés sur le net, je dirais tout d’abord ceci.
J’en suis venu à prendre en haine la multitude d’onglets ouverts dans mon navigateur. D’abord, ils me procurent une culpabilité à la limite du supportable. Je les vois s’empiler tout en sachant que je n’aurai probablement pas le temps de les consulter avant longtemps. De surcroît, les saligauds me bouffent une mémoire vive hallucinante. Nos ordinateurs sont aujourd’hui plus puissants que ceux qui ont permis d’aller sur la lune et c’est tout juste si on peut ouvrir deux apps Electron et 10 onglets dans Chrome ! Alors dès que je peux, je suis sans pitié avec l’onglet. Je le ferme ! Mais je veux quand même tirer toute la substantifique moelle des idées que le pauvre onglet promettait d’offrir. Alors j’ai recours aux applications ci-dessous.
Réseau social servant essentiellement à enregistrer l’avancée de ma lecture et à découvrir ce que les autres lisent.
Sorte de boîte de réception accueillant tous les liens que j’ouvre quotidiennement, en attente d’être lus, analysés, organisés, etc.
Tout mon historique de navigation qu’il est possible de trier automatiquement, taguer ou analyser.
Site web permettant de faire des listes au format Markdown et de les partager.
Goodreads
Si je ne dis pas n’importe quoi, Goodreads appartient à Amazon. C’est un réseau social dédié à la lecture dont je n’utilise probablement pas le quart des fonctions mais qui me plaît pour les raisons suivantes :
J’aime à découvrir ce que lisent les autres (et je peux vous dire qu’ils ne sont pas nombreux, les utilisateurs que je connais et qui me connaissent sur Goodreads. Venez s’il vous plaît !)
J’aime encore plus (on a de ces petits plaisirs qui viennent comme ils peuvent) à indiquer la progression de ma lecture, et cela m’amuse encore plus, de temps en temps, de me dire « Ah ! Tiens ! C’est vrai ! J’ai lu ça en septembre 2017 ! »
J’aime moins, parce que je perds systématiquement, m’imposer un petit challenge : lire cette année 30 livres, l’année prochaine quarante, etc.
Pour ma défense, je ferais valoir que, souvenez-vous du précédent épisode, la lecture n’est pas que livresque, que je lis énormément de choses sur le web, que mon abonnement au New York Times m’invite à lire pleins d’articles passionnants et que pour toutes ces raisons et plein d’autres encore, je peine à honorer les défis que je m’impose.
GoodLinks
C’est mon réceptacle à liens. J’ai ouvert une page dont je ne sais que faire (enfin je veux dire par là, une page qui présente un certain intérêt mais que mon esprit excessivement sollicité échoue à traiter dans l’immédiat) ? Direction GoodLinks. J’aimerais beaucoup me rassasier de toutes les fonctionnalités que l’app offre, mais outre la sauvegarde des articles pour une lecture hors ligne, je n’utilise vraiment que les tags qui me permettent d’obtenir un semblant de rangement dans cette succursale de Safari dans laquelle patientent ces articles que j’ai butinés.
Vous trouverez peut-être quelques-unes de ces fonctions intéressantes parmi lesquelles la possibilité d’exporter le texte au format PDF ou Markdown ou la possibilité de créer des raccourcis et automatiser certaines actions, ce qui peut se faire également avec Apple Script. Nous en reparlerons.
Il y a tout de même une fonction que je devrais davantage utiliser et je ne comprends pas trop pourquoi je ne m’en sers pas plus souvent. Ce sont les URL Scheme. En gros, chaque article possède un lien. Je ne parle pas du lien menant à l’article sur internet mais à un lien qui, quand on le clique, mène à l’article sauvegardé dans GoodLinks même. Par exemple, le lien qui mène à l’article que vous pouvez voir sur la capture d’écran ci-dessus est
Cela signifie que je peux créer un rappel dans Things et indiquer une date limite pour lire tel article. En cliquant sur le lien, cela lancera automatiquement GoodLinks, lequel affichera l’article à lire, même si j’ai zéro connexion, ce qui arrive de moins en moins souvent, il est vrai.
Surfed
J’ai découvert récemment Surfed qui n’est en apparence qu’une banale application enregistrant tout l’historique de navigation, mais en l’ouvrant on voit rapidement que c’est bien plus que ça.
D’abord, l’application se synchronisant avec iCloud, c’est tout mon historique de navigation que je retrouve quel que soit l’appareil que j’ai utilisé. J’utilise surtout les « Smart Collections » qui sont un moyen très pratiques d’organiser mon historique. Vous pouvez en ajouter en sélectionnant celles qui ont déjà été créées pour vous ou les créer vous-même. Pour ma part, j’en utilise pour le moment quatre qui classent automatiquement les liens en rassemblant par exemple tous ceux menant à Amazon ou tous les liens menant à feu Twitter. Quand on fait un peu d’archéologie dans son historique, c’est très pratique.
On peut faire bien d’autres choses encore, mais ayant découvert l’app il y a peu, je n’ai pas pris le temps de me familiariser avec ses fonctions. La liste est vraiment impressionnante et mérite qu’on s’y attarde, notamment en matière d’automatisation. On trouve, entre autres, ce qui s’appelle les « Web Trigger». Là encore, un catalogue vous permet d’aller puiser dans ceux qui sont déjà construits, mais vous pouvez construire les vôtres. Cela ouvre des possibilités intéressantes. Par exemple, si vous activez le Web Trigger Copy HTML Link, pour chaque page que vous visitez, sera copié dans le presse papier l’URL et le titre sous la forme d’un lien HTML, comme ceci :
<a href="https://www.convai.com/">Convai - Conversational AI for Virtual Worlds</a>
Si vous avez beaucoup de liens à partager, écrivez un article de blog ou une newsletter, ça peut vous faire gagner un temps considérable.
Dynalist
Quand j’ai trouvé un article ou une ressource et que je souhaite justement la partager, je la place dans une liste que je génère avec Dynalist. J’en ai un peu pour tout et vous voyez ci-dessous, par exemple, ma liste dédiée à l’intelligence artificielle. Dynalist est un site web dont les auteurs ne sont autres que ceux d’Obsidian, dont il sera bientôt question. Il existe également une app pour iPad et iPhone.
Je ne peux pas expliquer pourquoi je continue à la préférer à l’excellent Raindrop, mais c’est ainsi et cela peut toujours changer. En tout cas, sachez qu’on ne manque pas d’options dès lors que l’on veut sauvegarder, organiser et partager ses trouvailles sur le net. Un point important en faveur de Dynalist est que la personne accédant à votre liste peut à son tour en copier le contenu et l’intégrer dans sa propre liste. C’est ce que j’appelle un vrai partage.
Ce petit panorama d’applications ne serait pas complet sans l’application qui a bouleversé mon rapport à lecture (oui, oui, n’ayons pas peur d’un peu d’emphase) et qui a pour nom Readwise. Seulement, si je ne veux pas donner à cette section une longueur démesurée, il me faut arrêter là et consacrer un article tout entier à cette application.
Je vous donne donc rendez-vous la semaine prochaine et nous parlerons, non sans trémolos dans la voix, de Readwise d’une part, mais aussi d’Obsidian d’autre part que j’utilise conjointement.
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Nous avons vu que l’iPad mini était une machine de faible encombrement et que grâce à la protection qui opacifie l’écran, on n’est plus gêné par les reflets sur la vitre et que de multiples réglages vous offrent la sérénité à laquelle vous aspirez en quelques clics. Nous avons enfin parlé de Dark Noise, et c’est la seule application que j’ai mentionnée jusqu’ici, mais ô combien précieuse !
Voyons à présent quelles sont ces autres applications peuplant cet iPad, celles-ci consacrées à la lecture.
La lecture, une activité protéiforme et fragmentée
On assimile la lecture à celle des livres, mais la réalité est qu’on lit aussi beaucoup sur internet (la presse par exemple), qu’on y télécharge des documents comme des PDF (des rapports, des comptes-rendus…) et qu’avant même tout ça, on a pu commencer sa veille par aller faire un tour sur son réseau social favori, si tant est qu’une telle chose existe encore aujourd’hui. La lecture est donc une activité protéiforme et fragmentée.
Je suis sûr que cela désespérerait Montesquieu qui disait des livres dans les Lettres Persanes :
la nature semblait avoir sagement pourvu à ce que les sottises des hommes fussent passagères ; et les livres les immortalisent.
Mais qu’importe !
De cette activité protéiforme et fragmentée, j’ai longuement parlé lors de ma conférence à Ludovia à Papetee, ce que vous pouvez voir sur la diapositive ci-dessous, et vous pouvez aussi vous infliger mon babillage si le cœur vous en dit en regardant cet enregistrement.
Quoi qu’il en soit, et fort heureusement, mon iPad est un appareil syncrétique. Il me procure un accès aux livres, au web, aux PDF ainsi qu’aux réseaux sociaux, ce que le tableau ci-dessous montre en indiquant les applications utilisées à cet effet.
Livres
Web
PDF
Réseaux sociaux
Kindle
Safari
PDF expert
LinkedIn
Books
Reeder
X
Google Play Books
Readwise reader
Threads
Mastodon
Bluesky
Passons tout cela brièvement en revue.
Lire des livres sur l’iPad
Disons-le d’emblée, l’essentiel de mon activité de lecture passe par l’application Kindle. L’application Books d’Apple ou Google Play Books me servent occasionnellement, mais très rarement.
Il existe de très nombreuses applications permettant de lire des livres numériques (lesquels sont maintenant pratiquement tous au format ePub), mais la raison qui me pousse à utiliser l’application Kindle est tout simplement que je possède une liseuse Kindle, et que
Ma lecture est synchronisée entre tous mes appareils. L’étourdi que je suis a toujours au moins avec lui son téléphone et je peux reprendre ma lecture là où je me suis arrêté si c’est tout ce dont je dispose.
La liseuse Kindle possède dans ses entrailles un fichier intitulé My clippings. Il est au format texte (.txt) et contient l’ensemble de mes annotations et des extraits que j’ai soulignés. Nous en reparlerons, mais c’est là un élément essentiel de mon adoption du numérique.
Les avantages sont ceux que j’ai mentionnées dans la partie intitulée De la liseuse à l’iPad. Il me semble juste que l’accès au dictionnaire, à la traduction ou à Wikipédia sont plus rapides, car l’iPad est une machine plus puissante que la liseuse.
Lecture du web
Trois applications se tirent la part du lion.
Safari
Sur mon iPad dédié à la lecture (ma machine à lire), j’ai certes supprimé de nombreuses choses, mais j’ai gardé un navigateur, qui me permet de faire quelques recherches et de lire quelques articles. À dire vrai, à moins que cette lecture ne soit l’aboutissement d’une recherche qui a commencé avec justement un moteur de recherche, la lecture sur le web passe essentiellement par les flux RSS ou les réseaux sociaux.
Un fil ou flux RSS (acronyme de Really Simple Syndication) est une technologie de veille informationnelle qui détecte les dernières nouveautés ajoutées dans un site Internet et permet d’être avisé dès qu’ils sont mis à jour par le biais d’un fichier XML. Vous pouvez ensuite accéder au contenu d’un fil RSS par la voie d’un lecteur RSS ou d’un agrégateur.
C’est très pratique. Au lieu d’aller parcourir vos 24 sites web préférés, vous utilisez un lecteur de flux RSS qui vous présente toutes les nouveaux articles de vos sites webs préférés.
Pour ce faire, j’utilise Feedly, mais comme je ne suis pas un grand fan de leur application, j’utilise Reeder. Mais que ce soit pour Safari ou Reeder, ma fonction préférée est le mode lecteur. À dire vrai, elle appartient avant tout à Safari, mais elle se retrouve dans toute application intégrant le navigateur d’Apple.
Supprime le menu de navigation, les publicités et autres distractions
Obtient uniquement le texte et les illustrations s’il y en a
Bénéficie du mode sombre si on le souhaite et de quelques réglages supplémentaires de mise en page
Lisez, par exemple How to enable Reader View automatically for websites in mobile and desktop Safari, si vous souhaitez en apprendre davantage. De cet article, j’ai retenu que l’on pouvait activer le mode lecteur automatiquement. Par exemple, si vous ne voulez jamais vous infliger les choix esthétiques du Monde ou de Libération, vous pouvez arriver directement sur une mise en page épurée qui ne sera pas sans vous rappeler le papier.
Évidemment, je me suis empressé d’activer automatiquement le mode lecteur dans Reeder 5. Ainsi, le site à consulter apparaît rapidement dans une mise en page sombre et virant sans vergogne tout ce qui n’est pas l’article lui-même.
Si vous souhaitez reproduire la chose, suivez les étapes ci-dessous.
PDF Expert
Durant mes pérégrinations sur le world wide web, il n’est pas rare que j’ai la chance de tomber sur le dernier rapport de l’UNESCO. Pour lire ces 400 pages inattendues qui arrivent toujours au moment où le désœuvrement vous offre le plus de loisir d’avaler le pensum de vos rêves, j’ai recours à l’application PDF Expert.
C’est une merveilleuse application qui présente tout ce dont vous pouvez rêver et qu’Adobe se propose de vous vendre (enfin louer) assez cher. Récemment l’entreprise ukrainienne est passée à l’abonnement. Aujourd’hui, chez Apple, on ne veut quasiment plus rien vous vendre, mais vous le louer, ce qui est bien compréhensible. Pourquoi acheter une fois quand on peut le faire tous les mois ? Comme je suis un utilisateur de longue date, je bénéficie de fonctions que j’avais auparavant achetées. Je n’ai pas accès à l’inévitable intégration de l’intelligence artificielle, mais comme j’ai déjà un abonnement à chatGPT, je n’en ai pas vraiment besoin.
Reste que souligner et annoter les passages importants et les retrouver sur tous ses appareils est l’une des innombrables possibilités offertes, pardon vendues, pardon louées par PDF Expert.
Readwise Reader
Par le passé, j’ai eu recours à de nombreuses applications du type read-later :
J’ai retenu Readwise Reader, ce que je vous expliquerai plus en détail ultérieurement, mais retenez pour l’instant que comme le mode lecteur de Safari, Readwise Reader ou tout type d’application de ce genre vous permet de lire un texte et rien que le texte, c’est-à-dire une version épurée de tout ce qui abîme aujourd’hui le web et qu’on nomme pop-up, cookies, publicités, menus, commentaires, suggestions, etc. Et de cela aussi nous parlerons bientôt.
Je sauvegarde dans Readwise Reader les articles que j’ai glanés dans Safari ou mes flux RSS et dès que je vois que cette lecture prend un certain temps ou que l’article mérite d’être sauvegardé, soit pour une lecture hors ligne (rien de tel qu’un voyage en avion pour rattraper son retard), soit pour être conservé car le web est volatile et les ordinateurs sont de vrais cimetières à favoris, marque-pages ou je ne sais quel nom on leur donne ici ou là, bref dès que je vois, disais-je, que je vais lire longtemps ou qu’un article est digne d’être enregistré, je recours à Readwise Reader. Enfin, cerise sur le gâteau, en procédant ainsi, je vais pouvoir souligner, comme avec l’application Kindle, tous les passages que je veux mémoriser ou garder et les annoter au besoin.
Comme je l’ai dit plus haut, il existe de nombreuses autres fonctionnalités que nous évoquerons plus tard. En tout cas, les applications du type read-later, après une longue traversée du désert, semblent être revenues à la mode et un petit nouveau, Omnivore, me fait de l’œil. L’application est open source et gratuite (pour l’instant). Affaire à suivre.
Il nous reste les réseaux sociaux, qui sont une source d’informations considérables (n’ayons pas peur des portes ouvertes) et qui constituent de ce fait un passage obligé pour tout lecteur.
Les réseaux sociaux
Il fut un temps où Twitter constituait ma principale source d’information. J’y possédais des listes qui étaient des trésors en la matière et puis Elon Musk s’est décidé à débourser des milliards pour casser son joujou, le rebaptiser d’un nom ridicule et provoquer une diaspora inédite qui mène les uns sur Mastodon, les autres sur BlueSky, etc.
De fait, aujourd’hui, j’utilise un peu tout ça : Bluesky, Mastodon, Threads, X, LinkedIn.
Pour continuer à enfoncer quelques portes ouvertes, je dirai que les réseaux sociaux sont un espace où on fait de belles découvertes, et je fais le plein d’idées qu’il me restera à expliquer comment je stocke dans un article à venir.
Mon expérience de lecteur ne s’arrête pas là. Il y a évidemment plein d’autres applications, parmi lesquels on trouvera notamment Apple News que je ne fréquente pas suffisamment ou l’application du New York Times. Oui, je tiens à dire que j’ai gagné un abonnement au New York Times. Je crois que c’est la première fois que je gagne quelque chose dans ma vie et je m’empresse donc de le dire à tout le monde : j’ai gagné un abonnement au New York Times.
Mais il n’y a pas que le New York Times (pour lequel j’ai gagné un abonnement), il y a aussi les widgets.
Les widgets
Les widgets sont assez anciens dans le monde Android, moins dans le monde Apple.
Comme le dit le site de la pomme,
Avec les widgets, vous obtenez des informations opportunes de vos applications préférées en un coup d’œil sur votre écran d’accueil, votre écran verrouillé ou l’affichage du jour.
J’y vois une parfaite occasion de combler une lacune de mon petit univers dédié à la lecture en créant une sorte de kiosque numérique. C’est comme si je pouvais flâner dans les rayons et me saisir d’un journal ou d’un titre. Aucune app à ouvrir. On l’a vu, c’est accessible même sur l’écran verrouillé. Certains widgets en cachent même d’autres, et je peux ainsi les « feuilleter ». Certains de ces widgets sont juste des liens menant à des flux RSS, à des articles mis en avant par Apple News. D’autres extraient des citations de livres ou d’articles que j’ai lus, etc.
Ceux que vous apercevez sur la capture d’écran ci-dessous ont une fonction bien pratique. Le premier puise dans l’application GoodLinks (dont il sera question bientôt) un article au hasard. Il permet de lutter contre l’oubli dans lequel ce type d’application peut les jeter. Le second est le widget de l’application Kindle et affiche le livre que je lis en ce moment. Il est cliquable et me mène directement au livre que je lis quotidiennement.
J’aimerais juste que le New York Times propose davantage de widgets. Certaines applications sont très généreuses et en proposent de toute taille offrant différentes possibilités. Malheureusement, celui du New York Times est un tout petit widget donnant à voir les titres les plus importants du moment, et j’aimerais bien bénéficier de davantage d’options.
Nous allons à présent entamer un chapitre essentiel, le point d’orgue de la construction de ma machine à lire et intitulé Conserver, trier, retrouver, mémoriser.
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Au risque de décevoir les courageux lecteurs qui se sont aventurés jusqu’ici, nous ne commencerons pas par le commencement, lequel serait : pourquoi l’iPad ? Qu’y trouve-t-on qui justifie son adoption ? Qu’y trouve-t-on qu’on ne trouve pas sur une liseuse ?
Cet insoutenable suspense ne sera résolu que dans les articles à venir.
Non, pour commencer, j’aimerais dire comment l’iPad peut parfaitement être utilisé pour la lecture ou pour le dire autrement je voudrais expliquer de quelle façons l’iPad est devenu la machine principale me procurant un accès à la lecture, alors que la chose ne va pas de soi. Il y a là en effet un certain paradoxe à affirmer qu’une telle tablette peut être le support approprié à une pratique nécessitant confort et concentration, lesquels seraient l’apanage du papier voire de la liseuse.
Il vous faut tout d’abord savoir que j’ai opté tout récemment pour l’iPad mini. Son écran de 7.9 pouces en fait un appareil à peine plus grand qu’un livre et est parfaitement maniable d’une seule main. Je sais bien que les livres qu’on lit d’une seule main ne sont pas spécialement recommandables, mais d’une part, je crois comprendre que les sites comme Pornhub ont déclassé les livres érotiques et que d’autre part, la taille et le poids sont des facteurs non négligeables pour le grand lecteur que vous êtes. Si de surcroît, vous êtes un grand voyageur, vous savez de quoi je parle.
Bref, j’ai fait l’acquisition d’un iPad et j’ai enlevé la plupart des applications qui ne servaient ni à la lecture (quelle qu’elle soit) ni à la prise de notes ou au partage.
La protection de l’écran
L’iPad a toutefois un inconvénient (de taille celui-ci). Il est affublé d’une vitre qui vous poignarde les pupilles d’incessants reflets. Raison pour laquelle mon premier achat a été une protection opacifiant l’écran comme celle-ci. L’écran protecteur de Moshi a le bon goût de conserver ses propriétés collantes, ce qui fait que non seulement on peut le retirer, le laver et même le remettre en place. Il améliore le sentiment au toucher quand on utilise un stylet et je me demande, en écrivant ces lignes, pourquoi je n’ai pas encore fait l’acquisition d’une protection similaire à mettre sur l’écran de mon Mac.
Nous avons maintenant éliminé les reflets, mais quid de la luminosité de l’écran ? Évidemment, vous pouvez diminuer celle-ci. Rien n’est plus simple. Cela se fait même automatiquement (il y a « un capteur de lumière ambiante pour ajuster les niveaux de luminosité en fonction des conditions d’éclairage ambiantes », explique Apple). Mais le soir ? N’est-on pas aveuglé par la lumière de l’écran et ses innombrables LED malgré le travail réalisé par ledit capteur ?
Night Shift et le mode sombre
En fait, le soir, un processus qui se déroule en deux temps protège mes yeux. Le premier se déroule automatiquement. Il s’appelle, en anglais, Night Shift. Le second est le mode sombre.
Night Shift
Chez moi, Night Shift est programmé pour commencer à 19 heures. Selon Apple,
Ce mode adapte […] automatiquement les couleurs de votre écran pour afficher des tons plus chauds. Le matin, l’affichage reprend naturellement ses réglages par défaut.
C’est nettement moins aveuglant. Du coup, je l’utilise le matin également au réveil pour ne pas être heurté par une lumière trop crue.
Le petit frère (ou le cousin) de Night Shift s’appelle True Tone.
Non seulement True Tone réduit la fatigue oculaire, mais il adapte également la température de couleur et l’intensité de l’affichage de votre appareil à la lumière ambiante de votre environnement. Cet article d’iMore nous explique la différence.
Night Shift ajuste le point blanc de votre écran et est destiné à être utilisé la nuit, lorsque la lumière naturelle est faible et que la fatigue oculaire due à la lumière blanche de l’écran est plus importante.
True Tone fait à peu près la même chose. Mais contrairement à Night Shift, pour lequel vous définissez une seule préférence de température de couleur, True Tone fonctionne de manière dynamique. C’est comme Night Shift avec intelligence et nuance. Alimenté par un capteur multicanal, True Tone fonctionne tout au long de la journée en ajustant dynamiquement la température, l’intensité et le pourcentage de lumière blanche sur l’écran de votre iPhone, iPad ou MacBook Pro en fonction de l’environnement dans lequel vous vous trouvez. L’objectif est de rendre les ajustements de l’écran de votre appareil plus naturels, avec un effet similaire à celui que l’on obtient en plaçant une feuille de papier blanc sous différents types de lumière.
(Why you should use True Tone on your iPhone, iPad, or MacBook Pro)
Le mode sombre
Le mode sombre procure plusieurs avantages. Tout d’abord, l’affichage d’une page blanche ne m’aveugle pas. Ensuite, ma tablette n’agit pas comme un phare dans la nuit, éclairant tout dans le balayage du faisceau qu’elle projette et réveillant ainsi la personne qui s’efforce de dormir à mes côtés. Enfin, le mode sombre (en tout cas, c’est ce que je comprends) élimine (tout ou partie, je ne sais pas exactement) la fameuse lumière bleue qui fait couler plus d’encre qu’elle n’affecte mon sommeil 1.
Comme je ne sais jamais quand j’aurai besoin du mode sombre, j’ai créé un raccourci me permettant de basculer d’un mode à l’autre, effectuant en un clic plusieurs actions. Par exemple, de jour, on s’assure que Night Shift est activé, True Tone également alors que pour le mode sombre, on sera en mode silencieux, la luminosité sera à 50%, etc.
Le mode concentration
L’argument que brandissent les contempteurs des « zécrans » et autres adorateurs du livre papier, c’est que la tablette contient moult distractions qui vous empêchent de vous concentrer sur l’ouvrage qu’autrement vous liriez avec cette intensité qui vous fait, en temps normal, avaler tout Schopenhauer en quelques heures.
Comme si lire sur papier ne vous empêchait pas d’être distrait par la jolie fille qui passe devant vous ou même, plus banalement hélas, par l’inopportune mouche qui s’évertue à vous taquiner ! On objectera que si en plus on reçoit des notifications en permanence (vous avez reçu un mail vous avertissant d’une promotion imminente sur des chaussures), on n’est pas prêt de finir Schopenhauer !
Rappelons que l’on peut désactiver tout ou partie des notifications et qu’Apple a peaufiné son mode Ne pas déranger rebaptisé en Mode concentration lequel peut être customisé selon ses besoins. J’ai ainsi un mode lecture qui se déclenche automatiquement quand je lis. Plus aucune notification ne me parvient, plus aucun badge n’apparaît sur les icônes des applications. Certains écrans n’apparaissent plus et n’affichent donc plus certaines applications.
Avant de terminer ce troisième article, je voudrais mentionner une autre forme de distractions pour laquelle mon iPad m’a apporté une solution inattendue.
Dark Noise
J’aime lire un peu partout. J’aime lire dans le métro. J’aime lire dans la salle d’attente du médecin. J’aime lire dans des cafés. Malheureusement, on se trouve toujours à côté d’une personne hurlant sa conversation au téléphone ou d’une autre qui est parvenue à économiser 1200 euros pour acheter un iPhone 15 Pro Max mais pas 10 pour acheter des écouteurs. Ou alors dans le café il y a le dernier morceau nullissime de musique diffusé par des individus qui vouent une haine implacable au silence.
Ne pouvant et ne voulant pas vivre une vie de moine, étant donc obligé de renoncer aux joies de la vie monacale pour goûter aux plaisirs de la lecture, il me fallait soit renoncer à lire dans les lieux publics, soit trouver une solution en sachant que (souvenez-vous de la mouche susmentionnée) la moindre chose me perturbe.
C’est là que j’ai découvert l’application Dark Noise. J’ai tout d’abord pensé à une blague. En gros, des personnes l’utilisent pour se détendre ou s’endormir. Au choix, on peut écouter une berceuse ou une tondeuse à gazon. Mais on peut aussi écouter et combiner toutes sortes de bruits. J’ai par exemple un mix de pluie qui tombe, d’éclairs que l’on perçoit au loin et du ressac de la mer (« Homme libre… »). On me l’aurait conseillé que j’aurais ri au nez de l’impertinent, mais il se trouve que ça marche. C’est un bruit suffisamment discret pour occulter les nuisances sonores et pas assez « signifiant » pour me distraire (je ne peux pas écouter de la musique pour travailler par exemple). Joints à l’annulation de bruit de mes écouteurs, je jouis d’une quiétude quasi totale tant pour travailler que pour lire.
Parfois, alors que je descends de la rame de métro, je prends subrepticement conscience que j’ai gardé mes écouteurs qui me bercent au doux bruit de la marée, et que j’évolue dans une bulle où persiste le souvenir des dernières lignes que j’ai lues.
Voilà ! Nous sommes arrivés au terme de cet article. Dans le suivant, nous parlerons des nombreuses applications de lecture qui occupent l’écran d’accueil de cet iPad mini.