Lisez l'histoire d'Orphée (extraits des chants X et XI des Métamorphoses d'Ovide) et répondez aux questions.
1. Cherchez dans le dictionnaire les mots « prélude », « expirer », « éloquence » et « tribut ».
2. Que fait Orphée pour retrouver Eurydice ? Y parvient-il ?
3. Qui sont Pluton et Perséphone ?
4. Qu’est-ce qu’une lyre ? Trouvez un mot de la même famille.
5. Faites des recherches, et dites qui est l’inventeur de la lyre ?
6. Quand Orphée utilise-t-il sa Lyre ? Pourquoi ?
7. Quels sont les pouvoirs d’Orphée lorsqu’il joue de la lyre ?
8. Qu’arrive-t-il à Orphée ? Pourquoi ?
9. Qui le venge ? Comment ?
De là, par les champs de l’espace, Hyménée (1), couvert de tissus éclatants, s’élance vers les rives de l’Hèbre (2). Il vient : Orphée l’appelle, mais il l’appelle en vain. Le dieu parut, il est vrai, mais il n’apporta ni paroles sacrées, ni visage souriant, ni fortunés présages. La torche même qu’il balance pétille, et ne jette que des flots de cuisante fumée ; Hymen l’agite sans pouvoir en ranimer la flamme. C’était le prélude d’un plus affreux malheur ; car tandis que la nouvelle épouse, accompagnée de la troupe des Naïades (3), court au hasard parmi les herbes fleuries, la dent d’un reptile pénètre dans son pied délicat. Elle expire. Quand le chantre du Rhodope (4) l’eut assez pleurée à la face du ciel, résolu de tout affronter, même les ombres, il osa descendre vers le Styx (5) par la porte du Ténare (6), à travers ces peuples légers, fantômes honorés des tributs funèbres ; il aborda Perséphone (7) et le maître de ces demeures désolées, le souverain des mânes. Les cordes de sa lyre frémissent ; il chante :
« Ô divinités de ce monde souterrain où retombe tout ce qui naît pour mourir, souffrez que laissant les détours d’une éloquence artificieuse, je parle avec sincérité. Non, ce n’est pas pour voir le ténébreux Tartare (8) que je suis descendu sur ces bords. Non, ce n’est pas pour enchaîner le monstre dont la triple tête se hérisse des serpents de Méduse (9). Ce qui m’attire, c’est mon épouse. Une vipère, que son pied foula par malheur, répandit dans ses veines un poison subtil, et ses belles années furent arrêtés dans leur cours. J’ai voulu me résigner à ma perte ; je l’ai tenté, je ne le nierai pas : l’Amour a triomphé. L’Amour ! il est bien connu dans les régions supérieures. L’est-il de même ici, je l’ignore : mais ici même je le crois honoré, et si la tradition de cet antique enlèvement (10) n’est pas une fable, vous aussi, l’Amour a formé vos nœuds. Oh ! par ces lieux pleins de terreur, par ce chaos immense, par ce vaste et silencieux royaume, Eurydice (11) ! ... de grâce, renouez ses jours trop tôt brisés ! Tous nous vous devons tribut. Après une courte halte, un peu plus tôt, un peu plus tard, nous nous empressons vers le même terme... C’est ici que nous tendons tous... Voici notre dernière demeure, et vous tenez le genre humain sous votre éternel empire. Elle aussi, quand le progrès des ans aura mûri sa beauté, elle aussi pourra subir vos lois. Qu’elle vive ! c’est la seule faveur que je demande. Ah ! si les destins me refusent la grâce d’une épouse, je l’ai juré, je ne veux pas revoir la lumière. Réjouissez-vous de frapper deux victimes ! »
Il disait, et les frémissements de sa lyre se mêlaient à sa voix, et les pâles ombres pleuraient. Il disait, et Tantale ne poursuit plus l’onde fugitive, et la roue d’Ixion s’arrête étonnée, et les vautours cessent de ronger le flanc de Tityus, et les filles de Bélus se reposent sur leurs urnes, et toi, Sisyphe, tu t’assieds sur ton fatal rocher (12). Alors, pour la première fois, des larmes, ô triomphe de l’harmonie ! mouillèrent, dit-on, les joues des Euménides (13). Ni la souveraine des morts, ni celui qui règne sur les mânes ne peuvent repousser sa prière. Ils appellent Eurydice. Elle était là parmi les ombres nouvelles, et d’un pas ralenti par sa blessure, elle s’avance. Il l’a retrouvée, mais c’est à une condition. Le chantre du Rhodope ne doit jeter les yeux derrière lui qu’au sortir des vallées de l’Averne (14) : sinon la grâce est révoquée.
Ils suivent, au milieu d’un morne silence, un sentier raide, escarpé, ténébreux, noyé d’épaisses vapeurs. Ils n’étaient pas éloignés du but ; ils touchaient à la surface de la terre, lorsque, tremblant qu’elle n’échappe, inquiet, impatient de voir, Orphée tourne la tête. Soudain elle est rentraînée dans l’abîme. Il lui tend les bras, il cherche son étreinte, il veut la saisir ; elle s’évanouit, et l’infortuné n’embrasse que son ombre. C’en est fait ! elle meurt pour la seconde fois : mais elle ne se plaint pas de son époux. Et de quoi se plaindrait-elle ? Il l’aimait. Adieu ! ce fut le dernier adieu, et à peine parvint-il aux oreilles d’Orphée : déjà l’Enfer a reconquis sa proie.
Orphée demeure glacé. Perdre deux fois sa compagne ! Il est là, comme ce berger pusillanime (15) à la vue des trois têtes de Cerbère enchaîné. La terreur n’abandonne l’infortuné qu’avec la vie. Son corps se transforme en pierre. Tel encore cet Olénus (16) qui appela sur sa tête le châtiment de ton crime, ô Lethaea, trop fière de ta malheureuse beauté. Cœurs naguère tendrement unis, vous n’êtes plus que des rochers insensibles au sommet humide de l’Ida (17) ! Il prie ; il veut en vain repasser l’Achéron (18). Le nocher le repousse.
Et pourtant, sept jours entiers, couvert de poussière, sevré des dons de Cérès, il reste sur la rive du fleuve, immobile, se repaissant du trouble de son âme, de sa douleur et de ses larmes. Il accuse de cruauté les dieux de l’Erèbe. Enfin, il se réfugie au haut du Rhodope, de l’Hémus (19) que battent les Aquilons (20). Trois fois, sur les pas du Soleil, les célestes Poissons avaient fermé le cercle de l’année, et nulle femme n’avait ramené à Vénus son cœur indocile, soit prudence, soit fidélité. Plusieurs cependant brûlaient de s’unir au chantre divin ; plusieurs essuyèrent la honte d’un refus. Même, à son exemple, les peuples de la Thrace apprirent à s’égarer dans des amours illégitimes, à cueillir les premières fleurs de l’adolescence, ce court printemps de la vie.
Notes :
1 Hyménée : le dieu Hyménée ou Hymen est le dieu du mariage.
2 - Les rives de l'Hèbre : l'Hèbre est un fleuve qui coule dans les montagnes du Rhodope.
3 - Naïades : divinités des sources et des rivières.
4 - Le chantre du Rhodope : un chantre est un chanteur, il s'agit d'Orphée.
5 - Le Styx : l'un des fleuves des Enfers.
6 - Le Ténare : caverne considérée par les Anciens comme l'une des portes des Enfers.
7 - Perséphone est la femme du dieu des Enfers, Pluton.
8 - Le Tartare est l'endroit le plus profond des Enfers, là où sont les condamnés à un châtiment éternel.
9 - Le monstre dont la triple tête se hérisse de serpents de Méduse : le chien Cerbère qui garde l'entrée (et surtout) la sortie des Enfers.
10 - Cet antique enlèvement : allusion à l'enlèvement de Perséphone par Pluton.
11 - Eurydice est la femme d'Orphée.
12 - Ce sont tous les coupables châtiés aux Enfers. Tantale, qui a donné son propre fils à manger aux dieux, est condamné à une faim et une soif éternelles ; Ixion, qui a voulu violer Junon, est attaché à une roue enflammée qui tourne perpétuellement ; Tityos, foudroyé pour avoir tenté de violer Latone, voit son foie sans cesse renaissant dévoré par deux vautours ; les Danaïdes (filles du roi Danaos), ayant tué leurs maris, remplissent un tonneau percé qui se vide continuellement ; Sisyphe, qui a osé enchaîner la Mort, pousse sans fin un rocher qui retombe aussitôt hissé en haut du sommet.
13 - Les Euménides : les Euménides sont appelées, par euphémisme, les Bienveillantes. Elles sont chargées de punir les crimes humains. Ce sont donc des déesses infernales qui persécutent les criminels.
14 - L'Averne : c'est un lac marécageux qui passait pour être une autre entrée des Enfers.
15 - Ce berger pusillanime : l'histoire de ce berger (craintif) n'est pas connue. C'est manifestement la rencontre d'un homme avec Cerbère au moment où Hercule ramène des Enfers le chien tricéphale.
16 - Olénus : l'histoire de cet homme qui, comme Orphée, voudrait partager le sort de sa femme n'est pas davantage connue que celle du berger.
17 - L'Ida : montagne de la Grèce où fut rendu le jugement de Pâris.
18 - L'Achéron : l'un des nombreux fleuves des Enfers qu'il fallait traverser, après avoir payé le nocher Charon, pour accéder au royaume de Pluton.
19 - Au haut du Rhodope, de l'Hémus : noms d'un roi et d'une reine changés en montagnes par les dieux.
20 - Les Aquilons : vent froid et violent de la mythologie romaine.