Lecture analytique d'un extrait du chapitre 8 de Don Quichotte (première partie)
L'ensemble du livre peut être consulté et téléchargé ici.
Ce texte met en scène le personnage de Don Quichotte devenu fou après avoir lu une trop grande quantité de romans de chevalerie. Aussi se prend-il pour un chevalier et décide-t-il de partir à l'aventure.
En effet, tout chevalier se doit de se couvrir de gloire en accomplissant des hauts faits. Il doit voyager pour lutter et débarrasser la terre de créatures merveilleuses (dragons, géants...) ; le chevalier s’en remet alors à la fortune (mot d’origine latine désignant une déesse distribuant aléatoirement le bonheur et le malheur - plus tard, le mot signifiera “chance”), gagne des combats dont il tire de la gloire bien sûr mais aussi des richesses ; il combat également pour l’amour d’une dame (Dulcinée) ; enfin il est accompagné d’un écuyer (Sancho Pança). On retrouve donc dans cet extrait un certain nombre d'indices relatifs au genre du roman de chevalerie.
Rappelons l’origine du genre. Il apparaît au XIIe siècle et n’est pas écrit en latin mais en roman c’est-à-dire en ancien français. Il relate les aventures de chevaliers, en vers (et non en prose comme aujourd’hui). Chrétien de Troyes est l’auteur le plus connu de roman avec Le conte du Graal ou Yvain, le chevalier au lion.
Peut-on classer cet extrait dans le genre du roman de chevalerie ?
En fait, Don Quichotte tient plus du anti-héros que du héros. Victime d'une hallucination, il affronte ce qu’il croit être des géants. Il est en effet tourné en ridicule : chevauchant une véritable rosse (le cheval s’appelle Rossinante), il se précipite malgré les avertissements de Sancho Pança sur des moulins.
Nous avons donc un texte qui se moque du roman de chevalerie. C'est une véritable parodie. Ainsi le roman de Cervantès est comique car il est fondé sur la parodie : le texte renvoie à un genre à la fois reconnaissable mais dévalué, dévalorisé. La parodie est une imitation qui tourne en ridicule une œuvre, comme Le Roman de Renart est une parodie de la littérature médiévale.
Don Quichotte est donc une parodie du roman de chevalerie. Mais on remarquera aussi le procédé de l’ironie notamment dans le titre du chapitre excessivement long qui pique la curiosité du lecteur (« Du beau succès que le valeureux Don Quichotte eut en l'épouvantable et jamais imaginée aventure des moulins à vent, avec d'autres événements dignes d'heureuse ressouvenance »). L’ironie est un procédé qui consiste à dire le contraire de ce que l’on pense de manière à se moquer.
Cet extrait peut se lire enfin comme un désenchantement du monde moderne. Don Quichotte montre une réalité dont le merveilleux est absent. Nul géant, nul Briarée à combattre, nulle aventure à vivre. La réalité est décevante et l’on regrette les exploits, les hauts faits des héros débarrassant le monde des monstres, comme dans l’épopée ou le roman de chevalerie. A la place, un gros écuyer sur un âne, un cheval répondant au nom de Rossinante (nom propre devenu nom commun désignant un mauvais cheval, un canasson), une dame nommée Dulcinée (la femme aimée, comme dans tous les romans de chevalerie, mais qui est ici un laideron).