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Et je pensais aussi ce que pensait Ulysse

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Le massacre des prétendants

Et je pensais aussi ce que pensait Ulysse,
Qu'il n'était rien plus doux que voir encore un jour
Fumer sa cheminée, et après long séjour
Se retrouver au sein de sa terre nourrice.

Je me réjouissais d'être échappé au vice,
Aux Circés d'Italie, aux Sirènes d'amour,
Et d'avoir rapporté en France à mon retour
L'honneur que l'on s'acquiert d'un fidèle service.

Las ! mais après l'ennui (1) de si longue saison (2),
Mille soucis mordants je trouve en ma maison,
Qui me rongent le cœur sans espoir d'allégeance (3).

Adieu donques, Dorat (4), je suis encor Romain,
Si l'arc que les neuf Sœurs (5) te mirent en la main
Tu ne me prête (6) ici, pour faire ma vengeance.

Les Regrets (Sonnet CXXX), Joachim du Bellay (1522-1560)


Notes :

1 - L'ennui : la souffrance, le tourment.
2 - De si longue saison : de si longue période.
3 - Allégeance : soulagement.
4 - Dorat : L'humaniste et poète Jean Dorat dont Joachim du Bellay fut l'élève au collège de Coqueret.
5 - Les neuf Sœurs : les neuf Muses (les neuf filles de Zeus et Mnémosyne, représentant chacune un art).
6 - « prête » comme « encor » (deux vers plus haut) sont des licences poétiques, c'est-à-dire que le poète peut modifier l'orthographe pour des raisons de versification.
L'arc prêté est celui de la satire permettant de châtier les prétendants, comme le fit Ulysse avec ceux qui pillaient le palais d'Ithaque dans L'Odyssée.

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