Source : Gallica
Georges Fourest
Ce poète français, né en 1867, mort en 1945, est surtout connu pour son recueil La Négresse blonde.
L’un de ses pseudonymes était Triboulet (bouffon de Louis XII, entre autres). Dans ses poèmes, il rit des grands modèles de la littérature (Phèdre, Andromaque, Iphigénie...).
Va, je ne te hais point.
Corneille
Le palais de Gormaz (1), comte et gobernador (2),
est en deuil : pour jamais dort couché sous la pierre
l’hidalgo (3) dont le sang a rougi la rapière (4)
de Rodrigue appelé le Cid Campeador (5).
Le soir tombe. Invoquant les deux saints Paul et Pierre
Chimène, en voiles noirs, s’accoude au mirador
et ses yeux dont les pleurs ont brûlé la paupière
regardent, sans rien voir, mourir le soleil d’or…
Mais un éclair, soudain, fulgure en sa prunelle :
sur la plaza (6) Rodrigue est debout devant elle !
Impassible et hautain, drapé dans sa capa,
le héros meurtrier à pas lents se promène :
« Dieu ! » soupire à part soi la plaintive Chimène,
« qu’il est joli garçon l’assassin de Papa ! »
La Négresse blonde de Georges Fourest
Notes :
1 - Le palais de Gormaz : le comte de Gormas est Don Gomès, le père de Chimène.
2 - Gobernador : gouverneur en espagnol.
3 - L’hidalgo : le noble espagnol.
4 - La rapière : épée longue, effilée et dont la garde a la forme d’un hémisphère.
5 - Le Cid Campeador : le Cid est le surnom donné par les Maures à Rodrigue. Cela veut dire «le seigneur». Campeador signifie «preux, courageux».
6 - La plaza : la place en espagnol (voir plus loin «la capa», la cape).