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Dix petits nègres d'Agatha Christie

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Dix petits nègres
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Il faut avoir lu un roman policier de ce type pour comprendre à quel point le désir impérieux de savoir s’empare du lecteur, le pousse à lire très tard dans la nuit. On veut en effet savoir qui est le coupable, qui a fait ça… Les Anglais appellent d’ailleurs ce type de roman le Whodunit, c’est-à-dire Who done it ? Qui a fait ça ? Dans ces romans, le lecteur reçoit un certain nombre d’indices qui "pourraient" lui permettre — tel un enquêteur — de résoudre l’énigme. On peut penser, par exemple, au Mystère de la chambre jaune. Mais il y en a bien d’autres. Il y a d’ailleurs matière à créer une jolie séquence dans laquelle je verrais bien un extrait de Zadig, un des Histoires extraordinaires, etc.

Quoi qu’il en soit, la lecture de ce petit livre est bien agréable : c’est confortable. Et il me semble que mes élèves ne me contrediront pas. L’omniscience narrative procure ce sentiment, on pénètre les pensées des personnages, mais uniquement selon la volonté de l’auteur. Il y a un jeu trompeur avec le lecteur. Je vous dis ce que pensent les personnages, mais pas tout, uniquement ce que je veux que vous sachiez. Vous saurez en temps voulu…

Le titre, dès le début, intrigue. Il s’agit en fait d’une comptine qu’un sadique va s’efforcer de suivre pour éliminer ses victimes :

Dix petits nègres s’en furent dîner,
L’un d’eux but à s’en étrangler
— n’en resta plus que neuf.
Neuf petits nègres se couchèrent à minuit,
L’un d’eux à jamais s’endormit
— n’en resta plus que huit.
[…]

Qui plus est l’histoire se passe sur une île. Au reste, ce serait un autre sujet de séquence intéressant : l’île dans les romans (Que l’on songe à L’Île au trésor, à Vendredi ou la vie sauvage, L’Île aux trente cercueils, Sa Majesté des mouches…). L’île est le lieu magique de tous les combats, de la promiscuité forcée, de l’humanité perdue, de la bestialité retrouvée... Agatha Christie ne manque pas de rappeler le caractère singulier d'une île :

« Une île, ça avait quelque chose de magique ; le mot seul frappait l’imagination. On perdait contact avec son univers quotidien - une île, c’était un monde en soi. Un monde dont on risquait parfois - qui sait ? - de ne jamais revenir ».

Tout au long du roman, la tension monte :

« L’un de nous… l’un de nous… l’un de nous… »
Quatre mots, inlassablement répétés, qui s’enfonçaient heure après heure dans des cerveaux réceptifs.
Cinq personnes… cinq personnes terrifiées. Cinq personnes qui s’épiaient mutuellement, qui ne prenaient même plus la peine de cacher leur état de tension. Plus question de donner le change — plus question de bavarder pour sauver les apparences. Ils étaient cinq ennemis, unis par un même instinct de conservation.

… jusqu’à la fin, jusqu’à la chute inévitable des protagonistes tout d’abord, du roman ensuite.

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