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Séance 3 De quoi En attendant Godot est-il l’histoire ?

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Source : Archive.org

Voyez la mise en scène d’En attendant Godot par Walter D. Asmus (partie 1 et partie 2 sur YouTube ou sur Archive.org).

Lisez également la notice bibliographique sur le site de la BNF puis répondez aux questions suivantes en rédigeant et en justifiant entièrement vos réponses. Appuyez-vous sur des exemples précis extraits du texte.

  1. Que se passe-t-il dans cette pièce ?
  2. Qui est Godot ?
  3. Est-ce une pièce drôle ou tragique ?

Correction (éléments de réponses)

1. En attendant Godot ne raconte pas une histoire. « Rien ne se passe, personne ne vient, personne ne s’en va, c’est terrible », dit Estragon.

Essayons tout de même un résumé. Au premier acte, sur une route de campagne, au pied d’un arbre, deux vagabonds (Vladimir et Estragon) attendent la venue d’un certain Godot avec lequel ils pensent avoir rendez-vous. À la fin de l’acte, ils apprennent que Godot ne viendra pas, mais qu’il le fera le lendemain. Le deuxième acte répète exactement le même canevas.

Symétrie des deux actes qui se terminent tous deux par ce dialogue mais inversé :

ESTRAGON. — Alors, on y va ?
Ils ne bougent pas.

À chaque acte, ils rencontrent le couple formé par Pozzo et Lucky, tour à tour maître et esclave. À chaque acte, Vladimir et Estragon tentent de se suicider et échouent. Ces changements soulignent davantage l’uniformité de la pièce que la variation.
C’est donc l’histoire d’une attente (« On attend » est répété 14 fois). Il ne se passe rien. La phrase « Rien à faire », « Nous n’avons plus rien à faire ici » ou « Il n'y a rien à faire » est répétée cinq fois dans la pièce. On est tenté de conclure comme Pozzo et dire « C’est comme ça que ça se passe sur cette putain de terre ». Toutefois l’attente *semble* synonyme d’un espoir (du moins pour Vladimir, car nous verrons qu’il n’en est rien pour Estragon). Il s’agit d’attendre la venue de Godot :

ESTRAGON. — Et s’il vient ?
VLADIMIR. — Nous serons sauvés.

2. On a pu voir dans Godot une allusion à « god » et même un diminutif formé de la même façon que Pierre/Pierrot ou Charles/Charlot (allusion renforcée par le chapeau melon portée par les personnages de la pièce à la manière de Charlie Chaplin) ou encore la contraction de « godillot ».
Le titre de la pièce peut aussi être une allusion à L’Attente de Dieu de Simone Weil.
On peut y voir une référence au personnage de Balzac Godeau dans la comédie du Faiseur (plus connue sous le titre de Mercadet). Dans cette pièce, Mercadet est un agent de change qui attribue ses difficultés financières à son ancien Godeau qui a disparu avec leur capital commun. L’espoir du retour de Godeau et donc du remboursement des fonds détournés est constamment agité par Mercadet à l’adresse des créancier. Beckett dit ne pas connaître la pièce au moment de l’écriture de la sienne.
Toutefois, l’identité de Godot est secondaire. Le sujet de la pièce n’est pas Godot, mais l’attente, l’acte d’attendre en tant qu’aspect essentiel de la condition humaine. Beckett disait par ailleurs à Alan Schneider qui fit la première mise en scène américaine de En attendant Godot et qui lui demandait qui était ou que signifiait Godot : « Si je le savais, je l’aurais dit dans la pièce ».

3. Jean Anouilh disait de la pièce que c’était « les Pensées de Pascal jouées par les Fratellini ».
En regardant Vladimir et Estragon, on peut penser à Laurel et Hardy (Beckett avait choisi dans sa mise en scène un acteur grand et dégingandé pour le premier et petit et rond pour le second). D’autre part, la démarche de Vladimir « s’approchant à petits pas raides, les jambes écartées » fait penser à Charlie Chaplin. Les répliques rapides, les échanges d’injures ou encore les disputes immédiatement suivies de réconciliation font penser aux personnages des clowns ou encore de la commedia dell’arte. L'humour scatologique (« l’acacacacadémie d’Anthropopopométrie » page 59, « Qui a pété ? » page 114), le comique de répétition (Estragon et sa chaussure, le jeu avec les chapeaux), les chutes innombrables (dont celle du pantalon d’Estragon) relèvent également du comique clownesque :

VLADIMIR. — On se croirait au spectacle.
ESTRAGON. — Au cirque.
VLADIMIR. — Au music-hall.
ESTRAGON. — Au cirque. (pp. 47-48).

Les personnages font rire malgré eux. Image du clown triste : « Son visage se fend dans un sourire maximum qui se fige, dure un bon moment, puis subitement s’éteint » (page 13).

Toutefois chaque personnage est marqué par un problème physique (Vladimir et sa vessie, Estragon et ses pieds). Le thème de la souffrance est évoqué dès le début (cf. « Tu as mal ? » page 11). Ils souffrent de la faim (carottes, navets ou radis sont le seul repas ou encore les os de poulet ramassés).
Les personnages sont dans l’impossibilité de communiquer, ils ne s’écoutent pas ou ne se comprennent pas. La violence semble également affecter les uns et les autres (aussi bien Estragon que Lucky). Ils sont enfermés dans la circularité d’un monde similaire à celui de la piste d’un cirque (« nous sommes servis sur un plateau », « nous sommes cernés » page 104. Voir aussi jeu de jongleurs avec les chapeaux page 101).

Ces personnages sans véritable identité (Estragon dit être Catulle par exemple) comblent le vide existentiel par la parole (« Ça passera le temps », page 14 ou 97). Ces êtres souffrants ont une conscience aiguë de la vacuité du monde, privés qu’ils sont de divertissement au sens pascalien (« Je t’assure, ce sera une diversion », page 97). En dépit de velléités de suicide, ils continuent (forme circulaire du temps). Éternel recommencement d’une vie aux maigres satisfactions. « Rien n’est plus drôle que le malheur » dit Nell dans Fin de partie (page 33) et dont il semble impossible de sortir malgré les velléités de suicide (« Si on se pendait », page 21. « Et si on se pendait », page 132).

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