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Scène 7 Le dénouement (éléments de correction)

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En attendant Godot
Source

Introduction

Godot, personnage attendu, encore plus que ne le sont une Athalie (acte II, scène 3) ou un Tartuffe (acte III, scène 2) et même que le Godeau balzacien, puisqu'il ne vient jamais, demeure un mystère. Toute la pièce s’est donc déroulée dans l’attente de ce personnage, attente qui est le vrai sujet de la pièce qui arrive à sa fin. Selon l’esthétique classique, cette dernière scène doit constituer un dénouement, c'est-à-dire la résolution d’un conflit, quand le nœud de l’intrigue se débrouille.

Problématiques possibles :

Plan

  1. Une fin qui n’en est pas une...
  2. cyclique...
  3. qui plus est une fin absurde

1. Une fin qui n’en est pas une

La règle des trois unités est battue en brèche. Pas plus que la scène d’exposition, le dénouement ne répond aux exigences d’un théâtre classique auquel se plient pourtant un Sartre ou un Camus.
Pas d’unité de temps « Le soleil se couche, la lune se lève » (au premier acte était mentionné sobrement « Soir »), mais unité de lieu. Mais peut-on parler d’unité d’action ? Y a-t-il seulement une action ?

On a vu que le sujet de la pièce était l’attente : que fait-on en attendant ? C’est la question qui se pose. Eh bien pas grand-chose. Les personnages parlent ou, pour utiliser un mot enfantin, babillent. Tout dans leur attitude est en effet puéril : la solution du suicide est traitée sur le registre enfantin (« Et si on se pendait ? »). La réponse de Vladimir (« Il nous punirait ») évoque d’ailleurs la crainte d’un Godot, le père. Le dialogue qui termine la pièce se fait sur le ton de la réprimande (à cause du pantalon baissé). Mais rien ne se fait, rien n’aboutit.

Les deux clowns que sont Gogo et Didi prêtent à rire, parfois un peu difficilement, mais émeuvent, incapables qu’ils sont de prendre une décision. Cette scène est en effet une fin où rien ne se passe. Abondance des phrases négatives : « Je n’ai rien », « Je ne sais pas », « On ne peut pas », « Non ». Toutes sortes de phrases répétées à de multiples reprises. L’action tout comme la communication ne progresse pas.

Par ailleurs, le langage n’a pas toujours la primauté, d’où les nombreuses didascalies notamment marquant un « Silence » omniprésent. Si elles apportent une gravité angoissante à cette attente désespérée, elles frustrent le lecteur/spectateur dans son attente d’une signification. Elles marquent aussi le burlesque de l’histoire (dans l’absence de langage, les agissements des personnages prennent le dessus) : pantalonnade, chutes ont émaillé toute la pièce. On repense encore aux Laurel et Hardy, Buster Keaton ou Charlie Chaplin et aux gags qui émaillent leurs histoires. Ici, comique de situation, de gestes (Estragon enlevant la corde tenant son pantalon), de mots, de répétition (« Relève ton pantalon ») font qu’En attendant Godot relève de la comédie. Mais quel sens lui donner ? Rappelons que le mot « sens » a une double acception : une signification et une direction. La pièce a-t-elle un sens ?

2. Une fin symétrique du début

On l’a dit, dans En attendant Godot, il ne se passe rien et la dernière scène ne déroge pas à la règle. Pourtant, la pièce s'achève sur la décision de partir, décision qui n’aboutit pas évidemment. On observe toutefois que le dialogue qui clot la pièce a déjà été dit :

Fin de l’acte 1 (page 75)
VLADIMIR. — C’est vrai, maintenant ce n’est plus la peine.
ESTRAGON. — Alors, on y va ?
VLADIMIR. — Allons-y.
Ils ne bougent pas.
RIDEAU

Fin de l’acte 2
ESTRAGON. C’est vrai.
[...]
VLADIMIR. — Alors, on y va ?
ESTRAGON. — Allons-y.
Ils ne bougent pas.
RIDEAU

On remarque cependant l'inversion des personnages, mais comme on a pu déjà le voir cette inversion souligne davantage les similitudes que les différences. Elle forme surtout un cercle dont il est impossible de sortir, un cercle un peu comme dans la forme poétique du rondeau (dans lequel le premier vers est également le dernier) puisque la fin est également le début.

L’action ne progresse donc pas (pas plus que les personnages ne bougent). La fin est similaire au début. En effet, l’extrait est précédé de la venue de l’enfant, venue qui précède la clôture également de l’acte 1. La scène de la pendaison est également commune aux deux actes. Les dialogues sont quasi identiques, etc.

Cette circularité de l’histoire, du temps (symbolisé par l’arbre) fait de la pièce (et de la scène) un cercle dont il est impossible de sortir, qui suscite un désir d’ailleurs (« Moi je m’en vais », « Moi aussi ») mais génère dans le même temps une angoisse existentielle.

3. qui plus est une fin absurde

Pas de réelle scène d’exposition, un dénouement qui n’en est pas un dans une pièce où rien ne se passe ➝ antithéâtre. Volonté de battre en brèche les conventions. Se rappeler des propos d’Ionesco quand on lui demandait ce qu’il avait voulu dire dans la Cantatrice chauve : « Absolument rien ». Le théâtre de l’absurde est un héritier du théâtre d’Alfred Jarry, des mouvements dada ou surréaliste. D’une certaine manière, il relève de la farce. Mais c’est une farce qui n’en propose pas moins une réflexion sur la condition humaine. Angoisse existentielle : « Je ne peux plus continuer comme ça », dit Estragon page 133.

Les personnages ne font pas ce qu’ils disent. Échec du langage ? Échec de l'action. Sur la scène — quasi vide — le décor n’est constitué que d’un seul arbre. « Seul l’arbre vit ». Vie végétative supérieure à celles des personnages ? Sa seule présence est de suicider un désir de mort improbable. À moins qu’il soit une tout aussi improbable allusion à l’arbre de la connaissance de la Genèse ou, plus précisément, au saule comme celui du suicide d’Ophélie dans Hamlet.

Reste que cette image de la vie offre paradoxalement l’opportunité de la mort, ce qui renvoie au « Être ou ne pas être » d’Hamlet. Cette aspiration à la mort renvoie à la seule question qui mérite d’être traitée selon Albert Camus : « Il n’y a qu’un problème philosophique vraiment sérieux : c’est le suicide. Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d’être vécue, c’est répondre à la question fondamentale de la philosophie. » (Le Mythe de Sisyphe).

Conclusion

Pièce déroutante dont le sens est incertain ➝ rappeler les idées principales.

Les dialogues sont pauvres. Les phrases sont très courtes. On repensera à ce que disait Beckett à un étudiant qui lui demandait pourquoi il avait écrit la pièce en français :  « Parce qu’en français, c’est plus facile d'écrire sans style ». En d’autres termes, recherche de la sobriété, refus de la virtuosité stylistique, volonté de simplicité dans l’économie d’expression.

C’est donc une pièce dont le sens peut nous échapper aisément. Elle crée pourtant de petits îlots de sens (l’arbre, l’attente, les velléités de suicide...) sur lequel le lecteur avide de signification peut se jeter. Il faut toutefois se méfier des lectures allégoriques. La fascination que peut exercer cette pièce tient précisément au fait que le sens nous échappe, qu’elle est absurde, qu’elle est tragique mais aussi comique à la fois.

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