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Texte 2 Iphigénie, acte I, scène 1

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Sujet 1

Vous ferez le commentaire composé de cet extrait en vous demandant, entre autres, en quoi cette scène répond aux exigences de l’exposition classique d’une tragédie.

Sujet 2

Vous ferez l’introduction et la première partie du commentaire en vous demandant en quoi cette scène répond aux exigences de l’exposition classique d’une tragédie.

Iphigénie
Source

PERSONNAGES.

AGAMEMNON.
ACHILLE.
ULYSSE.
CLYTEMNESTRE, femme d’Agamemnon.
IPHIGÉNIE, fille d’Agamemnon.
ÉRIPHILE, fille d’Hélène et de Thésée.
ARCAS, EURYBATE, domestiques d’Agamemnon.
ÆGINE, femme de la suite de Clytemnestre.
DORIS, confidente d’Ériphile.
Gardes.

La scène est en Aulide (1), dans la tente d’Agamemnon.

ACTE PREMIER.

Scène première.

AGAMEMNON, ARCAS.

AGAMEMNON.

Oui, c’est Agamemnon, c’est ton roi qui t’éveille.
Viens, reconnais la voix qui frappe ton oreille.

ARCAS.

C’est vous-même, seigneur ! Quel important besoin
Vous a fait devancer l’aurore de si loin ?
À peine un faible jour vous éclaire et me guide,
Vos yeux seuls et les miens sont ouverts dans l’Aulide.
Avez-vous dans les airs entendu quelque bruit ?
Les vents nous auraient-ils exaucés cette nuit ?
Mais tout dort, et l’armée, et les vents, et Neptune.

AGAMEMNON.

Heureux qui, satisfait de son humble fortune,
Libre du joug superbe où je suis attaché,
Vit dans l’état obscur où les dieux l’ont caché !

ARCAS.

Et depuis quand, seigneur, tenez-vous ce langage ?
Comblé de tant d’honneurs, par quel secret outrage
Les dieux, à vos désirs toujours si complaisants,
Vous font-ils méconnaître et haïr leurs présents ?
Roi, père, époux heureux, fils du puissant Atrée,
Vous possédez des Grecs la plus riche contrée :
Du sang de Jupiter issu de tous côtés,
L’hymen vous lie encore aux dieux dont vous sortez ;
Le jeune Achille enfin, vanté par tant d’oracles,
Achille, à qui le ciel promet tant de miracles,
Recherche votre fille, et d’un hymen si beau
Veut dans Troie embrasée allumer le flambeau :
Quelle gloire, seigneur, quels triomphes égalent
Le spectacle pompeux que ces bords vous étalent ;
Tous ces mille vaisseaux, qui, chargés de vingt rois,
N’attendent que les vents pour partir sous vos lois ?
Ce long calme, il est vrai, retarde vos conquêtes ;
Ces vents depuis trois mois enchaînés sur nos têtes
D’Ilion (2) trop longtemps vous ferment le chemin :
Mais, parmi tant d’honneurs, vous êtes homme enfin ;
Tandis que vous vivrez, le sort, qui toujours change,
Ne vous a point promis un bonheur sans mélange.
Bientôt… Mais quels malheurs dans ce billet tracés
Vous arrachent, seigneur, les pleurs que vous versez ?
Votre Oreste, au berceau, va-t-il finir sa vie ?
Pleurez-vous Clytemnestre ou bien Iphigénie ?
Qu’est-ce qu’on vous écrit ? daignez m’en avertir.

AGAMEMNON.

Non, tu ne mourras point ; je n’y puis consentir.

ARCAS.

Seigneur…

AGAMEMNON.

Tu vois mon trouble ; apprends ce qui le cause,
Et juge s’il est temps, ami, que je repose.
Tu te souviens du jour qu’en Aulide assemblés
Nos vaisseaux par les vents semblaient être appelés :
Nous partions ; et déjà, par mille cris de joie,
Nous menacions de loin les rivages de Troie.
Un prodige étonnant fit taire ce transport (3) ;
Le vent qui nous flattait nous laissa dans le port.
Il fallut s’arrêter, et la rame inutile
Fatigua vainement une mer immobile.
Ce miracle inouï me fit tourner les yeux
Vers la divinité qu’on adore en ces lieux (4) :
Suivi de Ménélas, de Nestor et d’Ulysse,
J’offris sur ses autels un secret sacrifice.
Quelle fut sa réponse ! et quel devins-je, Arcas,
Quand j’entendis ces mots prononcés par Calchas :
« Vous armez contre Troie une puissance vaine,
« Si, dans un sacrifice auguste et solennel,
« Une fille du sang d’Hélène,
« De Diane, en ces lieux, n’ensanglante l’autel.
« Pour obtenir les vents que le ciel vous dénie,
« Sacrifiez Iphigénie ! ».

ARCAS.

Votre fille !

Notes :

1 - Aulide : région du port d’Aulis, en Béotie.
2 - Ilion : autre nom de la ville de Troie.
3 - Transport : transport de joie ; vive émotion.
4 - Vers la divinité qu’on adore en ces lieux : la déesse Diane.

Plan

  1. 1. Une scène d’exposition classique, intrigante et riche d’informations...
  2. 2. Commençant au plus près de la crise...
  3. 3. Et contenant en germe les termes du dénouement tragique.

1. Une scène d’exposition

1.1 Un début in medias res...

Début in medias res : adverbe « oui » qui ouvre la pièce à la manière de beaucoup d’autres pièces de ce type. Scène d’exposition relative (le dialogue a déjà commencé). Artifice de la pièce commençant la nuit et qui nécessite que le premier explicite son identité au moment d’éveiller le second. De fait, Agamemnon énonce lui-même son identité permettant par là même au spectateur de comprendre à qui il a affaire (« Oui, c’est Agamemnon, c’est ton roi qui t’éveille ». Notez le double présentatif « c’est »). La réponse du second indique son rang (« C’est vous-même, seigneur ! ». Le substantif est répété 3 fois et placé à chaque fois à l’hémistiche = mise en valeur). Si le premier tutoie (« [...] c’est ton roi qui t’éveille » au vers 1), le second vouvoie (« C’est vous-même, seigneur ! » au vers 3). On a là le classique dialogue entre un maitre et son confident, prétexte à délivrer les informations nécessaires à la compréhension de la pièce. Arcas = personnage protatique qui pose les questions (pas moins de neuf !). Double énonciation qui informe alors autant le personnage que le spectateur (voir, par exemple, « Qu’est-ce qu’on vous écrit ? daignez m’en avertir » au vers 39).

1.2 Classique mais intrigante...

La pièce commence donc de nuit (se rappeler les règles de bienséance : une seule action, un seul lieu, un seul jour). Voir les champs lexicaux du jour et de la nuit : « éveille » (v.1), « aurore » (v.4), « faible jour » (v.5), « éclaire » (v.5) et « nuit » (v.8), « dort » (v.9), « état obscur » (v.12). L’histoire va donc se dérouler dans les vingt-quatre heures qui suivent. Mais surtout métaphore théâtrale (la lumière succède au noir du commencement ➝ lever du rideau), métaphore de la tranquillité, celle du repos (voir notamment les trois vers de la deuxième réplique d’Agamemnon et surtout le superbe vers 9 avec la polysyndète) qui, en principe, précède le trouble.
Aux questions étonnées d’Arcas, Agamemnon répond d’ailleurs sur un ton quasi élégiaque (voir la tournure latine « Heureux qui » du vers 10, « mon trouble » v.42, etc.). Le rang de roi est un « joug superbe », groupe nominal quasi oxymorique qui suscite justement l’étonnement d’Arcas (« Et depuis quand, seigneur, tenez-vous ce langage ? » au vers 13). Tristesse d’Agamemnon. « Mais quels malheurs dans ce billet tracés/Vous arrachent, seigneur, les pleurs que vous versez ? » (v.35-36). Qu’arrive-t-il au roi des rois ?

1.3 Qui donne de nombreuses informations.

Scène d’exposition posant une question mais apportant de très nombreuses informations nécessaires à la compréhension de la pièce. Présentation des lieux « Vos yeux seuls et les miens sont ouverts dans l’Aulide » (v.6). On l’a vu, présentation des deux personnages qui ouvrent la pièce (voir notamment l’accumulation dans ce vers résumant tout « Roi, père, époux heureux, fils du puissant Atrée », v.17), mais aussi de tous les autres (successivement, Achille, Oreste, Clytenmestre, Iphigénie). La présentation de cette dernière intervient précisément en dernier (« Votre fille ! ») au moment où l’on mentionne son sacrifice présenté comme un impératif (« Sacrifiez Iphigénie ! » au vers 63) et donc présentation de l’intrigue. Question : le personnage éponyme ne doit-il apparaître que pour être sacrifié ?

2. Commençant au plus près de la crise

2.1 Pourquoi sacrifier Iphigénie ?

Un début donc très riche en informations (roi malheureux devant sacrifier sa fille), mais l’origine du problème n’est tout d’abord mentionné qu’avec beaucoup de discrétion. Pourtant il est omniprésent. Il est disséminé à travers toute la scène = le vent (« les airs » v.7, « les vents » v.8, 9, 28, 30, 45, 49, 62). Arcas, bien que réveillé en pleine nuit, est de ce point de vue tout à fait pertinent :

Avez-vous dans les airs entendu quelque bruit ?
Les vents nous auraient-ils exaucés cette nuit ?
Mais tout dort, et l’armée, et les vents, et Neptune.

En trois vers, il ne parle que du sujet. Il faut dire que ce doit être la préoccupation de l’armée grecque tout entière.
L'hypothèse pourtant juste d’un problème relatif au vent est abandonnée par celui qui l’a formulée. Tout ce qui suit va faire le portrait d’un homme honoré des dieux pour finalement revenir au vent.
En effet, toute la première partie de cette scène est composée de deux parties : tirade d’Arcas présente le bonheur d’Agamemnon tout en s’étonnant au début et à la fin du mécontentement de son roi (vers 13 à 39) à laquelle répond la réplique de l’Atride expliquant les motifs de son mécontentement aux vers 42 à 63 (« apprends ce qui le cause » v.42). Évocation du passé (cf. imparfaits et passés simples des vers 45 à 57) suivi du discours direct rapportant la parole oraculaire et la nécessité du sacrifice si l’on veut que les vents mènent la troupe des Achéens.

2.2 Un obstacle invisible retient les Grecs (de l’épopée à la tragédie)

Les Grecs font donc face à un problème, celui de l’absence du vent. Toute l’armée grecque est bloquée au port en Aulide. Les deux tirades successives sont l’occasion de rappeler tout un arrière-plan mythologique : Troie v.24, Ilion v.31, Ménélas, Nestor, Ulysse, Calchas (v.54 et 57). Souffle épique : anaphore « nous » (v.46 et 47), déterminant possessif « nos » (v.45). Grossissement épique : « Tous ces mille vaisseaux, qui, chargés de vingt rois » (v.27), « mille cris de joie » (hyperboles). Divinité (périphrase « Vers la divinité qu’on adore en ces lieux », v.33), prodige (merveilleux, surnaturel d’ailleurs bien contraire à l’esthétique classique qui ne saurait le représenter sur scène). Personnification « Ces vents depuis trois mois enchaînés sur nos têtes » (v.30). Mais ironie du vers 48, « Un prodige étonnant fit taire ce transport » (jeu de mots sur « transport » désignant à la fois le déplacement et l’émotion). L’épopée retombe comme un soufflet, laissant les hommes démunis, incapables d’aller guerroyer.

2.3 Depuis trop longtemps

On le sait, la tragédie commence au plus près de l’action. Si celle-ci est sur le point d’éclater, c’est parce que de long mois ont précédé et exacerbé les sentiments des hommes. C’est ainsi dans Phèdre (« Depuis plus de six mois »), dans Andromaque (« Qu’après plus de six mois que je t'avais perdu ») ou dans Mithridate (« Mais ce n’est point, Arbate, un secret de deux jours »). Ce peut être des années d’endurance (« Je me suis tu cinq ans » dans Bérénice, « Depuis trois ans entiers, qu’a-t-il dit, qu’a-t-il fait [...] ?» dans Britannicus).
Dans Iphigénie = « depuis trois mois » (v.30), « trop longtemps » (v.31). Il n’est plus temps d’attendre (voir « Et juge s’il est temps, ami, que je repose » v.43).

3. Et contenant en germe les termes du dénouement tragique.

3.1 Passage du bonheur au malheur

Au champ lexical de la réjouissance (« honneurs » v.14, « complaisants » v.15, « présents » v.16, « riche » v.18, « gloire », « triomphe » au vers 25, « conquêtes » v.29) répond le champ lexical du malheur (« malheurs » v.35, « pleurs » v.36, « Pleurez-vous » v.38). Tragédie = passage d’un état à l’autre, du bonheur au malheur (en principe). Importance du destin : « le sort qui toujours change » (v.34).
Arcas fait le portrait d’un roi heureux, aimé des dieux. Voir énumération « Roi, père, époux heureux, fils du puissant Atrée » (v.17). Champ lexical de l’abondance (« comblé de tant de » v.14, « toujours » v.15, « leurs présents » v.16, « possédez la plus riche contrée [voir notamment le superlatif] » v.18, « de tous côtés », « vanté par tant d’oracles » v.21, « étalent » v.26, « tous ces mille vaisseaux [plus hyperbole] » v.27, etc. Et voir les déterminants possessifs « vos désirs » v.15, « votre fille » v.23, « vos lois » v.28. Possessions immenses, homme comblé. Principe de la tragédie : un homme au sommet de sa gloire, en plein prospérité tombe, par une erreur qu’il commet, dans le malheur. Cf. fatalité, fortune...

3.2 Malédiction des dieux

Ce revers de fortune s’explique par la malédiction des Atrides.
Mention « fils du puissant Atrée » (v.17). Rappeler l’histoire des Atrides. Voir à ce sujet la généalogie. Rien ne bon. E peut venir du descendant d’Atrée.
« vous êtes homme enfin » (v.32) dit Arcas. L’adverbe sonne comme une conclusion.
L’homme, ce héros tragique, devra choisir entre la gloire évoquée par Arcas et sa famille. Ce « vous êtes homme enfin » laisse attendre le spectacle d’un homme livré à ses passions, incapable d’y résister et prêt à tout pour réaliser ses rêves de conquête. Voir notamment les vers qui suivent ce passage :

Moi-même (je l'avoue avec quelque pudeur),
Charmé de mon pouvoir et plein de ma grandeur,

Orgueil du personnage, hybris de celui qui passe la mesure. C’est l'homme livré à ses passions.
Pourtant, on trouve cette idée que toute action est vaine (« Vous armez contre Troie une puissance vaine » au vers 58) si elle heurte la volonté des dieux. Voir aussi l’adverbe « vainement » (v.51) Topos du héros tragique essayant d’agir, d’affirmer sa liberté alors qu’il est déjà condamné, que les choses sont déjà écrites. Mais aussi objectif de susciter la terreur et la pitié (sacrifice d’une innocente). Propos de l’oracle en octosyllabes !

3.3 Dilemme et ambiguïté de l’oracle

Le dilemme qui sera celui d’Agamemnon dans les actes suivants se laisse deviner dans l’apposition « Roi, père » (v.17). Opposition entre raison politique et raison familiale. Si quand la scène commence, le roi fait déjà face à un dilemme qu’il n’exprime cependant pas encore ou qu’il a du moins momentanément réglé, on sait qu’il a un problème (« mon trouble », v.42) qui n’admet pas le repos et justifie qu’il soit debout en pleine nuit (« Et juge s’il est temps, ami, que je repose », v.43). Solitude du personnage (qui est aussi une solitude politique) rendue évidente par la synecdoque du début « Vos yeux seuls et les miens sont ouverts dans l’Aulide » au vers 6)
Le camp est à la fois un lieu fermé, d’où il est impossible de s’échapper (la fuite d’Iphigénie, pourtant voulue par Agamemnon, échoue en IV, 1), et un lieu ouvert (c’est de là que doit partir la flotte grecque). C’est un lieu provisoire et incertain.
Par ailleurs, ambiguïté de l’oracle (« Une fille du sang d’Hélène » v.60). Hélène étant la sœur de Clytemnestre, Iphigénie est bien de la famille de la première. Discours rapporté d’Agamemnon rapportant les paroles d’Arcas rapportant les paroles de la déesse. Donc discours sujet à caution. Le coup de théâtre de la fin de la pièce révélera la méprise :

Un autre sang d’Hélène, une autre Iphigénie
Sur ce bord immolée y doit laisser sa vie.
Thésée avec Hélène uni secrètement
Fit succéder l’hymen à son enlèvement.
Une fille en sortit, que sa mère a celée ;
Du nom d’Iphigénie elle fut appelée.

Il s’agit d’Ériphile sans laquelle il n’y aurait d’ailleurs pas de tragédie puisque Iphigénie n’est donc pas sacrifiée.

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