Romantisme, Parnasse et Symbolisme sont les mouvements littéraires dont la définition peut se résumer à la réaction de ce qui les précédait et auquel ils ont succédé.
Le mot est d'abord employé pour qualifier ce qui est caractéristique du genre littéraire appelé roman (il sera supplanté par romanesque). Il s’emploie ensuite pour qualifier des sites, des paysages ou des jardins qui touchent la sensibilité à la manière des descriptions de romans. Le mot s’élargit et devient synonyme de sentimental puis évoque la mélancolie, l’imagination, etc.
Le romantisme est en ce sens un mouvement réactionnaire (Victor Hugo est d’ailleurs royaliste dans sa jeunesse (1)), mais c’est aussi un mouvement de libération, une forme de liberté dans l’art (« Le romantisme [...] n'est, à tout prendre, [...] que le libéralisme en littérature » écrit Victor Hugo dans Hernani) qui s’oppose au rationalisme du siècle des Lumières ou au carcan des règles classiques qui pour certaines ont toujours cours au XIXe siècle.
Le romantisme privilégie les thèmes de l’expression du soi, la mélancolie, l’émerveillement devant la nature, la passion amoureuse, etc.
L’isolement
Souvent sur la montagne, à l’ombre du vieux chêne,
Au coucher du soleil, tristement je m’assieds ;
Je promène au hasard mes regards sur la plaine,
Dont le tableau changeant se déroule à mes pieds.
Ici gronde le fleuve aux vagues écumantes ;
Il serpente et s’enfonce en un lointain obscur ;
Là, le lac immobile étend ses eaux dormantes
Où l’étoile du soir se lève dans l’azur.
Au sommet de ces monts couronnés de bois sombres
Le crépuscule encor jette un dernier rayon ;
Et le char vaporeux de la reine des ombres
Monte et blanchit déjà les bords de l’horizon.
Cependant, s’élançant de la flèche gothique,
Un son religieux se répand dans les airs :
Le voyageur s’arrête, et la cloche rustique
Aux derniers bruits du jour mêle de saints concerts.
Mais à ces doux tableaux mon âme indifférente
N’éprouve devant eux ni charme ni transports ;
Je contemple la terre ainsi qu’une âme errante :
Le soleil des vivants n’échauffe plus les morts.
De colline en colline en vain portant ma vue,
Du sud à l’aquilon, de l’aurore au couchant,
Je parcours tous les points de l’immense étendue,
Et je dis : Nulle part le bonheur ne m’attend.
Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières,
Vains objets dont pour moi le charme est envolé ?
Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères,
Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé !
Alphonse de Lamartine, Méditations poétiques (1820)
Dans la mythologie grecque, le mont Parnasse était consacré à la fois au dieu Apollon et aux neuf Muses. L’expression « gradus ad Parnassum » désignait l’art et l’enseignement de la rhétorique pour accéder à l’expression poétique. Au XVIIe, l’expression « nourrisson du Parnasse » désigne le poète.
Partisans de l’Art pour l’Art, les poètes du Parnasse reprochent aux romantiques d'avoir fait prévaloir le fond (épanchement sentimental excessif mais aussi engagement politique) sur la forme et donc la beauté et la perfection de la langue. Pour ces poètes, « Il n'y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien ; tout ce qui est utile est laid » (préface de Mademoiselle de Maupin de Théophile Gautier). Ils privilégient donc la virtuosité technique dans la composition du poème.
Fuyant les facilités du lyrisme, le travail poétique et le souci de l’impersonnalité sont privilégiés. Les métaphores empruntées au domaine de la sculpture sont fréquentes. Tel un sculpteur, le poète travaille les mots.
C’est un palais du dieu, tout rempli de sa gloire.
Cariatides sœurs, des figures d’ivoire
Portent le monument qui monte à l’éther bleu,
Fier comme le témoin d’une immortelle histoire.
Quoique l’archer Soleil avec ses traits de feu
Morde leurs seins polis et vise à leurs prunelles,
Elles ne baissent pas les regards pour si peu.
Même le lourd amas des pierres solennelles
Sous lesquelles Atlas plierait comme un roseau,
Ne courbera jamais leurs têtes fraternelles.
Car elles savent bien que le mâle ciseau
Qui fouilla sur leurs fronts l’architrave et les frises
N’en chassera jamais le zéphyr et l’oiseau.
Hirondelles du ciel, sans peur d’être surprises
Vous pouvez faire un nid dans notre acanthe en fleur :
Vous n’y casserez pas votre aile, tièdes brises.
Ô filles de Paros, le sage ciseleur
Qui sur ces médaillons a mis les traits d’Hélène
Fuit le guerrier sanglant et le lâche oiseleur.
Bravez même l’orage avec son âpre haleine
Sans craindre le fardeau qui pèse à votre front,
Car vous ne portez pas l’injustice et la haine.
Sous vos portiques fiers, dont jamais nul affront
Ne fera tressaillir les radieuses lignes,
Les héros et les Dieux de l’amour passeront.
[...]
Saluez ces martyrs, ô mes Cariatides !
Théodore de Banville, Les Cariatides (1842)
Le « sumbolon », en grec, désigne un signe de reconnaissance, à l’origine un objet coupé en deux dont deux individus conservent chacun une moitié pour s’identifier et se reconnaître.
Ce n’est qu’au XVIe siècle que le mot prend le sens actuel de « fait ou objet qui évoque par sa forme ou sa nature une association d'idées avec quelque chose ».
Réagissant contre les Parnassiens (et aussi les naturalistes et le matérialisme), le symbolisme vise à fonder l’art sur une vision symbolique et spirituelle du monde. Le poète est alors capable de déchiffrer les mystères du monde qu’il dévoile par le recours de symboles et d’images.
Le mot « symbolisme » est proposé par Moréas dans son Manifeste du symbolisme (1886) pour « mettre ensemble » l’idée abstraite et l’image poétique chargée de l’exprimer.
Les symbolistes usent souvent d’images et d’analogies :
La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers.
« Correspondances » de Charles Baudelaire
Le poème est conçu comme un mystère dont le lecteur doit chercher la clé :
Nommer un objet, répond-il dans l’Enquête de Jules Huret, c’est supprimer les trois quarts de la jouissance du poème qui est faite du bonheur de deviner peu à peu ; le suggérer voilà le rêve. C’est le parfait usage de ce mystère qui constitue le symbole : évoquer petit à petit un objet pour montrer un état d’âme, ou, inversement, choisir un objet, et en dégager un état d’âme par une série de déchiffrements. (Stéphane Mallarmé)
Apparition
La lune s’attristait. Des séraphins en pleurs
Rêvant, l’archet aux doigts, dans le calme des fleurs
Vaporeuses, tiraient de mourantes violes
De blancs sanglots glissant sur l’azur des corolles
— C’était le jour béni de ton premier baiser.
Ma songerie aimant à me martyriser
S’enivrait savamment du parfum de tristesse
Que même sans regret et sans déboire laisse
La cueillaison d’un Rêve au cœur qui l’a cueilli.
J’errais donc, l’œil rivé sur le pavé vieilli
Quand avec du soleil aux cheveux, dans la rue
Et dans le soir, tu m’es en riant apparue
Et j’ai cru voir la fée au chapeau de clarté
Qui jadis sur mes beaux sommeils d’enfant gâté
Passait, laissant toujours de ses mains mal fermées
Neiger de blancs bouquets d’étoiles parfumées.
Stéphane Mallarmé, Poésies (1887)
Notes :
1 - En 1819, il fonde la revue Le Conservateur littéraire.