Séance 5 Le portrait de Gwynplaine (lecture analytique)
Introduction
À rédiger
Phrase d’accroche
À rédiger
Présentation de l’extrait
À rédiger
Problématique
En quoi le portrait de Gwynplaine est-il une réflexion sur l’art et le rire ?
Plan
Axe 1 Un portrait entre grotesque et sublime
- Un portrait dynamique
- De la nature à l’art
- Une œuvre d’art horrible
Axe 2 Portrait de l’artiste
- La monstruosité sublime
- Le comique malgré lui
- Un être qui souffre
Axe 3 Réflexion sur la monstruosité et le rire
- Questionnement métaphysique
- Réflexion sur le rire
- Le masque de la souffrance
Axe 1 Un portrait entre grotesque et sublime
Introduction de l’axe 1
Le portrait de Gwynplaine — mimétique du regard — conduit à une interrogation sur l’origine de la laideur du bateleur. C’est un portrait dynamique fait de contrastes, d’antithèses et d’interrogations qui aboutit à un paradoxe et fait de la laideur une œuvre d’art.
Sous-partie 1 Un portrait dynamique
- Les cinq premières lignes correspondent au premier coup d'œil du spectateur, ce que confirme la phrase « on laissait se dissiper la première impression de gaîté » aux lignes 11 et 12. Puis le spectateur est amené à détailler la particularité du visage de Gwynplaine, ce qui entraîne un deuxième portrait détaillé (lignes 7 à 10) et même un troisième (lignes 13 à 21) dans lequel une série de plus-que-parfait détaille ce qui a été fait à ce visage.
- Le portrait est donc mimétique de la réaction du spectateur découvrant Gwynplaine pour la première fois et amené à supposer que la nature a produit un tel monstre. La conjonction de coordination « mais » dans l’interrogation « mais était-ce la nature ? » (lignes 4 et 5) introduit un doute renforcé par une deuxième interrogation « Ne l’avait-on pas aidée ? » (l.6). L’observation de Gwynplaine suscite, in fine, un questionnement qui ne trouve cependant pas de réponse (« Par quelle providence ? Y a-t-il une providence Démon comme il y a une providence Dieu ? Nous posons la question sans la résoudre. », lignes 24 et 26). Gwynplaine est un mystère.
- La deuxième partie du texte (essentiellement des lignes 23 à la fin) indique l’effet du visage du saltimbanque sur son public. La complexité des réactions suscitées par l’observation de Gwynplaine est soulignée par de nombreux connecteurs adversatifs (« mais » à la ligne 4 et « pourtant » à la ligne 33) mais aussi aux adverbes comme « seulement » (l.10) ou la conjonction de subordination « quoi que » à la ligne 23 répétée trois fois à la ligne 39. C’est donc un portrait qui a la dynamique de la réflexion qui cherche à comprendre, progresse, se rétracte avant d’aller plus loin pour admettre qu’un tel visage ne peut que « dérouter » l’esprit. On est passé de la question à la remise en question.
Sous-partie 2 De la nature à l’art
- Le premier paragraphe évoque la nature (le groupe nominal est répété trois fois) comme l’auteur(e) de l’apparence physique de Gwynplaine. Une nature désignée ironiquement comme bénéfique (« prodigue », « bienfaits » à la ligne 1 ; « comblé » à la ligne 4).
- On l’a vu, une suite d’interrogations rhétoriques suggère le doute et aboutit à la conclusion ligne 22 : « On ne naît pas ainsi ». Force est de reconnaître « la trace de l’art » (l.12). Art ➝ du latin ars qui a le sens d’« habileté acquise par l’étude ou la pratique » et de « talent » et s’oppose, entre autres, à natura.
- Le sens étymologique de « art » se trouve confirmé par l’emploi du champ lexical du même thème : « industrieux » (l.13), « science mystérieuse » (l.14), « sculpture » (l.20) et encore « industrie » (l.34) qui dans son sens premier renvoie à l’habileté à exécuter quelque chose et donc à l’art. Or c’est bien de cela qu’il s’agit : le « hiatus » (1) à la ligne 7 ne dit pas autre chose. Gwynplaine est un patchwork vivant (bouts de visages déplacés et collés à d’autres) fait de « coutures » et de « cicatrices » (l.19). C’est une œuvre de chair.
Sous-partie 3 Une œuvre d’art horrible
- Les Comprachicos, ces « manieurs d’enfants » (l.13) ont façonné la face de Gwynplaine. Ils « avaient travaillé cette figure » (l.13), verbe qui n’est pas sans évoquer son étymologie (« tripaliare » = torturer). Les Comprachicos sont les connaisseurs d’une « science mystérieuse », « occulte » aussi mystérieuse que « l’alchimie ». On est dans l’ésotérisme (2) dont toute certitude est bannie (« Il semblait », l.14-15, l’adverbe « probablement » à la même ligne »), mais que Hugo nous donne pourtant à voir, comme si on assistait à l’opération même qui a « ciselé cette chair » (l.15).
- En effet, au champ lexical du corps (« bouche », « oreilles », « yeux », « nez », « visage » dans le premier paragraphe ou celui plus précis des lignes 11 à 21) s’ajoute celui du travail de la chair : « ciselé » (l.15), « fendu » (l.17), mais aussi la longue énumération de verbes suggérant par l’allitération en « d » ce façonnage horrible (« débridé », « dénudé », « distendu », « désordonné » aux lignes 17 et 18) et enfin « élargi » (l.18), « estompé » et « ramené » (l.19). C’est un art de « Démon » (l.25).
- De fait, l’œuvre est inconcevable. Le nez est « informe » (l.2) et est « fait pour l’oscillation des lunettes de grimacier » (l.3). Voir aussi la comparaison « deux yeux pareils à » (l.7). Il faut alors recourir à l’imagination « Qu’on se figure une tête de Méduse gaie », ce qui outre l’oxymore (celle d’un monstre monstrueux ou du moins plus monstrueux qu’il ne l’est déjà) ne peut ni se concevoir et encore moins se regarder. C’est pourtant ce à quoi nous convie l’auteur et qui ressort du long paragraphe descriptif allant des lignes 11 à 21, s’achevant sur le nom Gwynplaine à la clausule. Résultat horrible ayant façonné cette personne (à reprocher du mot « masque » à la ligne 20 puisque c’est le sens du latin « personna »).
Transition
À rédiger
Axe 2 Portrait de l’artiste
Introduction de l’axe 2
Ce portrait constitué d’oppositions entre grotesque et sublime mène à une réflexion sur l’œuvre d’art. En effet, Gwynplaine est une métaphore de l’art. C’est un artiste mais un artiste comique malgré lui.
Sous-partie 1 La monstruosité sublime
- « chefs-d’œuvre » à la ligne 9 ou encore « admirablement réussi » à la ligne 23 font, on l’a vu, de Gwynplaine une œuvre d’art. Les termes sont mélioratifs pour évoquer sa monstruosité. Même la nature ne saurait être aussi « prodigue » (l.1), ni donner (« avait donné » toujours l.1) ou faire « ses dons » (l.4) puisque « on ne naît pas ainsi » nous dit l’auteur (l.22). « Cette sculpture puissante et profonde » (l.20) est l’œuvre de l’homme.
- La laideur est si horrible qu’elle en devient sublime et suscite l’admiration. Il est « admirablement réussi » (l.23). L’adverbe « admirablement » vient du verbe « admirer ». Gwynplaine possède une « fort satisfaisante renommée d’homme horrible » (l.31-32). Gwynplaine est donc la synthèse du laid et du beau.
- Gwynplaine comme métaphore artistique et romantique : « [...] la muse purement épique des anciens n’avait étudié la nature que sous une seule face, rejetant sans pitié de l’art presque tout ce qui, dans le monde soumis à son imitation, ne se rapportait pas à un certain type du beau. [...] Elle sentira que tout dans la création n’est pas humainement beau, que le laid y existe à côté du beau, le difforme près du gracieux, le grotesque au revers du sublime, le mal avec le bien, l’ombre avec la lumière. » (Préface de Cromwell). Gwynplaine est l’alliance du « grotesque et du sublime » (ouvrage cité).
Sous-partie 2 Le comique malgré lui
- Gwynplaine est exhibé. Cf. champ lexical du regard : « regarder » (l.3), « observait » (l.12), « voir » (l.27), « apercevaient » (l.29), « voyait » (l.29), « devant les yeux » (l.40). C’est est un artiste. Le mot « bateleur » est répété deux fois (l.11). On trouve le mot « saltimbanque » (l.27), terme qui renvoie au spectacle de même que le mot « masque » (l.20) qui fait de l’homme et de l’artiste une seule et même personne.
- Gwynplaine œuvre donc « dans les champs de foire et dans les carrefours » (l.31). Son rôle est mince tant les Comprachicos ont, si l’on ose dire, bien fait les choses : « Il se faisait voir en public. Pas d’effet comparable au sien » (l.27). Gwynplaine n’a rien à faire (« rien qu’en se montrant », l.28). L’asyndète aux lignes 29 à 30 suggère le caractère automatique de l’effet produit par son visage : « On voyait Gwynplaine, on se tenait les côtes ; il parlait, on se roulait à terre ».
- Le rire est associé à la face de Gwynplaine. Le mot traverse tout le texte : « rire » (l.9, 10 et 33). Mais voir aussi les mots « joie » (l.10 et 36), « gaieté » (l.12). Gwynplaine provoque le rire, ce que confirme le polyptote « riant », « rire », « riait » cité deux fois (l.33) + nouvelle asyndète.
Sous-partie 3 Un être qui souffre
- « Deux yeux pareils à des jours de souffrance » (l.7) ; un être passif (« Il se faisait voir en public », l.27 ; « Gwynplaine ne s’en mêlait pas », l.35).
- Impossibilité d’exprimer ses émotions ou de trouver chez les autres des individus capables de dépasser les apparences (sauf pour ceux qui ne voient pas comme Déa, la jeune aveugle qu’il a sauvée enfant).
- Gwynplaine est comme emmuré dans sa propre personne (dedans vs dehors). C’est un être torturé. Son corps est une prison dans laquelle son âme est murée.
Transition
À rédiger
Axe 3 Réflexion sur la monstruosité et le rire
Introduction de l’axe 3
Gwynplaine génère malgré lui le comique, mais le lecteur ne saurait percevoir le personnage de Hugo comme un sujet risible (et ce d’autant plus qu’il est perçu comme un héros sublimé quasi christique). On ne voit même pas comment il pourrait déclencher le rire tant il est vrai que les portraits successifs désamorcent toute velléité de rire. On conçoit simplement que Gwynplaine fasse rire par ses apparitions. C’est toutefois un rire qui fait naître la réflexion.
Sous-partie 1 Questionnement métaphysique
- La première partie du texte est composée d’une série de portraits, mais à partir des lignes 23 et 24, Hugo s’interroge : « Par quelle providence ? Y a-t-il une providence Démon comme il y a une providence Dieu ? » (et voir également : « [...], le rire est-il synonyme de la joie ? » l.10). Ce sont des phrases qui ne trouvent pas de réponse (« Nous posons la question sans la résoudre »). Elles sont au présent de vérité générale. C’est donc un questionnement métaphysique, une interrogation sur le mystère de la création, sur l'origine du bien et du mal, antithèse qui fait écho à l’antithèse du beau du laid et donc à l’esthétique romantique.
Sous-partie 2 Réflexion sur le rire
- Le rire est présenté comme une nécessité à laquelle on ne saurait se soustraire (« et il fallait rire », l.43). C’est, on l’a dit, un impératif mécanique qui s’empare du spectateur (« l’éclat de rire foudroyant », l.41). Le mystère du rire est d’autant plus frappant que le verbe « rire » est le plus souvent employé intransitivement. On rit tout court. On sait de qui mais sait-on vraiment de quoi ?
- Notons que le lecteur est assimilé au public par l’emploi du pronom « on » (« On voyait Gwynplaine, on se tenait les côtes ; il parlait, on se roulait à terre » aux lignes 29 et 30 et encore « Qu’on se figure » ou « Tout ce qu’on avait dans l’esprit » aux lignes 42 et 43). Nous sommes contraints de partager ce rire « indécemment » (ligne 29).
- Le rire naît du spectacle de la souffrance des autres. Les spectateurs ne semblent pas réfléchir à ce qu’a subi Gwynplaine (pensent-ils dans un premier temps que le saltimbanque est l'œuvre de la nature ?). C’est un rire cathartique qui « guérissait les hypocondries » (l.28) ou forçait même à rire les « gens en deuil » (l.28). Force est de revenir à la notion de don déjà évoquée dans le premier paragraphe puis démenti du moins dans son rapport à la nature. Si Gwynplaine est bien un don, c’est « un don fait par la providence à la tristesse des hommes » (l.24). Ainsi l’homme qui rit est un exécutoire telle l'œuvre d’art aboutissant au divertissement pascalien (détourne l’homme de sa misère).
Sous-partie 3 Le masque de la souffrance
- Mais ce rire — ce masque de rire — est un masque que le comédien ne saurait enlever. « une fort satisfaisante renommée d’homme horrible » laisse entendre une discrète ironie. Cette renommée ne saurait être satisfaisante ou alors peu pour l’acteur en tout cas pour l’homme, ce que confirme la phrase « L’espèce de visage inouï [...] riait tout seul. Gwynplaine ne s’en mêlait pas » (l.34-35).
- C’est un rire fallacieux qui induit en erreur : « Le dehors ne dépendait pas du dedans » à la ligne 35. Étrange métaphore (« dehors »/« dedans ») à rapprocher de « façonné » (l.34). Comme si le visage relevait de la maçonnerie (on se rappellera de Quasimodo dans Notre-Dame de Paris (« ces dents désordonnées, ébréchées çà et là, comme les créneaux d’une forteresse »).
- Anaphores des lignes 37 à 41 montrent que les sentiments de Gwynplaine (étonnement, souffrance, colère, pitié) provoquent inéluctablement et invariablement la même réaction du spectateur : le rire. Véritable malédiction et pour l’acteur et pour le spectateur. Malédiction sociale à rapprocher de ces propos de Gwynplaine : « Je représente l'humanité telle que ses maîtres l'ont faite. L'homme est un mutilé. Ce qu'on m'a fait, on l'a fait au genre humain. On lui a déformé le droit, la justice, la vérité, la raison, l'intelligence, comme à moi les yeux, les narines et les oreilles ; comme à moi, on lui a mis au cœur un cloaque de colère et de douleur, et sur la face un masque de contentement. ». Gwynplaine est l’archétype du héros romantique (personnage sacrifié, incompris, sentiments exacerbés, malédiction, solitude...).
Conclusion
À rédiger
Résumé des idées principales
À rédiger
Ouverture
À rédiger
Notes :
1 - Le mot a plusieurs sens. Il désigne en linguistique la rencontre de deux voyelles à l’intérieur d’un mot (aérer, géant) ou entre deux mots énoncés sans pause (tu as eu). Il a chez Victor Hugo le sens anatomique d’espace entre deux choses et donc de fente, d’ouverture.
2 - C’est une doctrine selon laquelle des connaissances ne peuvent ou ne doivent pas être diffusées, mais communiquées seulement à un petit nombre de disciples. Par extension, c’est ce qui est impénétrable, énigmatique, qui a un sens caché.