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Évaluation L’incipit de Germinal

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Méthode du commentaire de Germinal

Les trois étapes ci-dessous ambitionnent de vous montrer comment bâtir un commentaire composé.

Première étape

La première étape consiste à jeter vos idées puis à les réunir autour de thèmes qui les rassemblent. C’est ce que nous avons fait avec notre carte mentale.

Carte mentale

Seconde étape

Après avoir trouvé ces différents thèmes : l’incipit, un texte poétique, le pays noir, jeu sur les focalisations… il faut les rassembler en deux ou trois grandes parties.

Par exemple, nous pouvons avoir ici :

  1. Une ouverture romanesque symbolique
  2. Un texte réaliste et poétique
  3. La révolte contenue en germe

La partie 1 reprend les sous-parties Incipit, Jeu sur les focalisations, La lumière.

La partie 2 reprend L’usine : un paysage fantasmagorique, Un texte poétique.

La partie 3 reprend Le pays noir, La désolation, Le titre.

Ces parties constituent le plan de notre commentaire (c’est ce plan qu’il faudra annoncer dans l’introduction).

Troisième étape

Il s’agit à présent d’être en mesure de « résumer » en une phrase votre plan. On appelle souvent cela la problématique ou encore le parcours voire le projet de lecture.

Cette phrase peut prendre la forme d’une affirmation, plus souvent d’une interrogation.

Par exemple : Comment cet incipit romanesque mêle réalisme et poésie ?

Pour conclure

Notez que nous avons procédé « à l’envers » :

Commentaire de Germinal (rédigé)

Une ouverture romanesque symbolique

Cet extrait est le tout début du roman. C’est ce qu’on appelle un incipit, c’est-à-dire une ouverture. Tout début romanesque s’efforce d’apporter quelques réponses aux questions que se pose le lecteur qui a besoin d’un minimum d’informations pour comprendre l’ouvrage qu’il entreprend de lire.

La première d’entre elles est « Qui ? » : qui est le personnage apparaissant dès la première ligne ? Celui-ci est désigné par le groupe nominal « un homme ». L’article indéfini « un » ne nous apporte que peu de précisions. Nous avons là un topos romanesque qui présente un personnage à l’identité problématique. Ce début est traité en focalisation externe (« un homme suivait seul la grande route de Marchiennes à Montsou »). On ignore qui il est (il s’agit de garder le mystère).

Nous suivons alors la déambulation de cet individu mystérieux désigné quelques lignes plus loin par « lui » puis « il ». Ce n’est qu’au deuxième paragraphe qu’il devient « l’homme » (comme si l’on se familiarisait déjà avec cet inconnu). C’est cependant l’adjectif « ouvrier » qui nous apporte l’information voulue. Mais à ce niveau, nous avons changé de focalisation. Le narrateur connaît les pensées de son personnage (« Une seule idée occupait sa tête vide d’ouvrier », « il ne put résister au besoin douloureux de se chauffer un instant les mains »), ce que révèlent également les verbes de perception (« il aperçut »). Par la suite, on voit que le narrateur ne résiste pas au plaisir de l’omniscience (« le coton aminci » sonne comme le révélateur d’une connaissance comprenant les dimensions du vêtement dans le temps).

Le texte répond aux autres questions avec un peu plus d’économie. À la question « Quand ? », nous pouvons répondre qu’il s’agit de la nuit (« sous la nuit sans étoiles ») et que nous sommes probablement au tout début du printemps (« les souffles du vent de mars »). Nous savons, enfin, que l’homme se trouve sur « la grande route de Marchiennes à Montsou », c’est-à-dire dans le nord de la France. On imagine sans peine que cet ouvrier cherche, en plus de la chaleur, du travail et qu’il en trouvera en se dirigeant vers « la silhouette d’une cheminée d’usine » (ce qui nous permet alors de répondre à la question « Quoi ? »).

Ainsi, le sens s’éclaire progressivement dans ce texte qui nous fait passer de l’ombre à la lumière, comme le montre ce double champ lexical de la noirceur tout d’abord (« d’une obscurité et d’une épaisseur d’encre », « sous la nuit sans étoiles », « le sol noir », « l’embrun aveuglant des ténèbres », « bois noircis », « noyée de nuit et de fumée ») ; puis de la lumière (« des feux rouges, trois brasiers brûlant », « les feux », « de rares lueurs », « cinq ou six lanternes »).

En somme, cet incipit effectue une mise en marche : celle du personnage tout d’abord (voir les nombreux verbes d’action dont l’homme est le sujet : « suivait », « marchait », « avançait », etc.), mais celle aussi du texte (mimétique du personnage). Cette marche est une entrée dans l’espace romanesque. L’histoire peut commencer. Une histoire qui joue sur les topoï du genre : topos de l’inconnu, topos de l’arrivée (pensez à Jean Valjean dans Les Misérables), topos de la lumière qui apparaît progressivement comme au spectacle.

Un texte réaliste et poétique

L’écriture réaliste identifiable à travers la toponymie (celle du nord de la France) mêle référence réelle (Marchiennes) et fictive (Montsou). Ce dernier nom joue-t-il avec l’onomastique (il laisse entendre assez ironiquement qu’il y là une montagne de sous) ? Toujours est-il qu’il offre une antithèse saisissante avec le Voreux (désigné à ce stade par « une fosse »), qui est le nom de l’usine qui est présentée de façon assez peu réaliste cette fois.

En effet, l’usine apparaît comme une fantasmagorie. C’est tout d’abord, « une vision de village » qui s’offre à l’homme, puis « un autre spectacle », celui de l’usine, qui est une « apparition fantastique » (encore que l’adjectif est à prendre au sens de « formidable », « étonnant »). Mais ce lieu, comme le montre le nom sur lequel se clôt cet extrait, n’est rien moins qu’« une fosse ». C’est donc un lieu annonciateur de mort, un lieu trompeur qui laissait envisager un réconfort : « il ne put résister au besoin douloureux de se chauffer un instant les mains », mais qui est évidemment une tromperie et qui possède une inquiétante étrangeté. Le lieu est même personnifié (« une seule voix », « la respiration grosse et longue »). C’est une sorte de monstre tapi dans l’ombre. La promesse d’un réconfort est donc fallacieuse mais surtout mortifère.

Cette écriture réaliste jouant de tous ses effets (topoï, jeu sur les focalisations), présentant un spectacle fantasmagorique, se trouve également être un texte poétique. On le voit aux diverses métaphores (« le pavé se déroulait », « l’embrun aveuglant des ténèbres »), aux comparaison (« comme sur une mer, glacées »), mais aussi aux assonance en « a » (« mars, des rafales larges »).

Ainsi le roman concilie écriture réaliste, écriture poétique et description fantasmagorique.

Thème de la révolte

Enfin, l’incipit donne à voir un triste spectacle. C’est un pays noir où il n’y a rien. Le protagoniste paraît même perdu dans cet environnement désert. Perdu aussi géographiquement que grammaticalement : « Dans la plaine rase, sous la nuit sans étoiles, d’une obscurité et d’une épaisseur d’encre, un homme suivait seul la grande route de Marchiennes à Montsou, dix kilomètres de pavé coupant tout droit, à travers les champs de betteraves. » L’homme paraît perdu dans un flot de compléments en tout genre (circonstanciels : « Dans la plaine rase, sous la nuit sans étoiles », « à travers les champs de betteraves » ; du nom : « d’une obscurité et d’une épaisseur d’encre » ; d’objet : « la grande route de Marchiennes à Montsou »).

C’est un lieu de désolation, ce que suggère l’emploi des négations (« il ne voyait même pas », « il n’avait la sensation de l’immense horizon plat que », « Aucune ombre d’arbre », « qu’on ne voyait point »). Ce thème précède celui de la privation. Encore une fois, les négations sont révélatrices : « homme sans gîte, sans travail ». Le seul bien que possède le personnage est « Un petit paquet » et suggère le dénuement et l’indigence des ouvriers.

On l’a vu avec le champ lexical de la nuit (« obscurité », « nuit », « noir », « ténèbres »), c’est un lieu de noirceur où il n’y a rien. C’est le nord comme le montrent « les champs de betteraves » ou encore « l’immense horizon plat ». C’est un paysage morne (« le ciel mort », « lanternes tristes »). On ne peut s’empêcher de concevoir cette nuit comme symbole de la misère ouvrière (cf. la préface des Misérables de Victor Hugo : « tant que les trois problèmes du siècle, la dégradation de l’homme par le prolétariat, la déchéance de la femme par la faim, l’atrophie de l’enfant par la nuit, ne seront pas résolus… »).

Ainsi le roman annonce le thème de la révolte ouvrière. C’est une révolte à venir. Elle est contenue en germe. En effet, l’histoire se déroule au mois de mars qui est celui de la germination, mot auquel le titre Germinal fait écho. C’est le mois du calendrier révolutionnaire. C’est le mois indiquant l’idée de renouveau, de ce qui prend vie. Or le roman s’ouvre un 20 mars pour se terminer le 19 avril.

On a donc là une boucle qui démarre lors d’un printemps assombri et s’achève dans la lumière printanière, à la manière de cet incipit qui nous fait passer du noir à la lumière, du vide à la poussée révolutionnaire. C’est ce que confirme la fin du roman : « Maintenant, en plein ciel, le soleil d’avril rayonnait dans sa gloire, échauffant la terre qui enfantait. […] Un débordement de sève coulait avec des voix chuchotantes, le bruit des germes s’épandait en un grand baiser. […] Des hommes poussaient, une armée noire, vengeresse, qui germait lentement dans les sillons, grandissant pour les récoltes du siècle futur, et dont la germination allait faire bientôt éclater la terre. » (chapitre 6 de la septième partie)

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