En 1532 paraissent Les horribles et épouvantables faits et prouesses du très renommé Pantagruel, Roi des Dipsodes, fils du grand géant Gargantua. Son auteur est un certain Alcofribas Nasier, anagramme de François Rabelais. C’est l’œuvre d’un homme entre quarante et cinquante ans qui, s’il ne veut pas périr sur le bûcher (tel l’humaniste Étienne Dolet), ne peut pas révéler son vrai nom.
Nous ne savons pas précisément en quelle année Rabelais est né (en 1483 ? Peut-être en 1494 ?) ni en quel lieu ((à la métairie de la Devinière non loin de Chinon ?). En revanche, on peut avoir le sentiment qu’il a mené plusieurs vies : tour à tour, moine, médecin et écrivain, il voyage aux quatre coins de la France et de l'Italie. Il meurt en 1553, après avoir été jeté en prison, suite à une condamnation de la Sorbonne.
À 26 ans, Rabelais est un moine franciscain qui se prend de passion pour les textes de l’Antiquité et notamment pour le grec. Quand la faculté de théologie de Paris interdit l’étude du grec en France, les Franciscains s’emparent de ses livres. Il rejoint alors les Bénédictins, ordre créé par saint Benoît, plus favorables à l’étude des auteurs de l’Antiquité.
Rabelais renonce finalement à la vie de moine. En 1530, il étudie à la Faculté de médecine de Montpellier. À cette époque, on étudie la médecine non pas en pratiquant mais en lisant les livres (Hippocrate, Galien...). Un humaniste comme Rabelais va pouvoir travailler directement sur les textes en grec, et non sur des traductions latines pleines d’erreurs.
En 1537, il pratiquera même cette méthode nouvelle d’observation directe du corps, la dissection du cadavre d’un pendu. Cette pratique est évidemment vue d’un mauvais œil par l’Église.
En 1535, le cardinal Jean du Bellay le prend sous sa protection. Il se rend à Rome en qualité de médecin du cardinal. Il y retournera deux fois, et sera mêlé de près aux relations diplomatiques. Il assiste même à l’entrevue d’Aigues-Mortes entre Charles Quint et François 1er en 1538 !
Son premier livre raconte l’histoire du géant Pantagruel. Devant le succès de cette œuvre inspirée des Grandes Chroniques (récit populaire racontant l’histoire d’une famille de géants créée par l’enchanteur Merlin pour la mettre au service du roi Arthur...), Rabelais publie en 1534 La vie très horrifique du grand Gargantua, père de Pantagruel, puis Le Tiers Livre (1546), Le Quart Livre (1548 puis 1552) et enfin Le Cinquième Livre (publié neuf ans après la mort de l’auteur, en 1564).
Son œuvre est complexe : elle tient de la fable, de la farce, du fabliau, du roman de chevalerie, de l’Antiquité grecque et latine, etc. Mêlant combats, explorations, découvertes, obscénités et idéaux humanistes, c’est une œuvre au croisement du Moyen Âge et de la Renaissance.