I - Tous les extraits ci-dessous contiennent un point de vue externe. Vous devez simplement le justifier en relevant et expliquant les passages descriptifs.
Extrait 1
Cette supérieure s'appelle Mme ***. Je ne saurais me refuser à l'envie de vous la peindre avant que d'aller plus loin. C'est une petite femme toute ronde, cependant prompte et vive dans ses mouvements : sa tête n'est jamais assise sur ses épaules ; il y a toujours quelque chose qui cloche dans son vêtement ; sa figure est plutôt bien que mal ; ses yeux, dont l'un, c'est le droit, est plus haut et plus grand que l'autre, sont pleins de feu et distraits : quand elle marche, elle jette ses bras en avant et en arrière. Veut-elle parler ? elle ouvre la bouche, avant que d'avoir arrangé ses idées ; aussi bégaye-t-elle un peu.
(Denis Diderot, La Religieuse)
Extrait 2
Il y avait là trois ou quatre négociants retirés qui tremblaient pour leurs rentes, et qui appelaient de tous leurs vœux un gouvernement sage et fort. Un ancien marchand d’amandes, membre du conseil municipal, M. Isidore Granoux, était comme le chef de ce groupe. Sa bouche en bec de lièvre, fendue à cinq ou six centimètres du nez, ses yeux ronds, son air à la fois satisfait et ahuri, le faisaient ressembler à une oie grasse qui digère dans la salutaire crainte du cuisinier.
(Émile Zola, La Fortune des Rougon)
Extrait 3
Le Tranche-montagne, lui, était maigre, hâve, noir et sec comme un pendu d’été. Sa peau semblait un parchemin collé sur des os ; un grand nez recourbé en bec d’oiseau de proie, et dont l’arête mince luisait comme de la corne, élevait sa cloison entre les deux côtés de sa figure aiguisée en navette, et encore allongée par une barbiche pointue. Ces deux profils collés l’un contre l’autre avaient beaucoup de peine à former une face, et les yeux pour s’y loger se retroussaient à la chinoise vers les tempes.
(Théophile Gautier, Le Capitaine Fracasse)
II - Tous les extraits ci-dessous contiennent un point de vue interne. Relevez tout ce qui prouve qu’il s’agit bien d’un point de vue interne.
Extrait 1
Quelques heures se passèrent. Un silence profond régnait autour de nous, un silence de tombeau. Rien n’arrivait à travers ces murailles dont la plus mince mesurait cinq milles d’épaisseur.
Cependant, au milieu de mon assoupissement, je crus entendre un bruit ; l’obscurité se faisait dans le tunnel. Je regardai plus attentivement, et il me sembla voir l’Islandais qui disparaissait, la lampe à la main.
Pourquoi ce départ ? Hans nous abandonnait-il ? Mon oncle dormait. Je voulus crier. Ma voix ne put trouver passage entre mes lèvres desséchées. L’obscurité était devenue profonde, et les derniers bruits venaient de s’éteindre.
(Jules Verne, Voyage au centre de la terre)
Extrait 2
II est nuit.
Je m'en aperçois tout d'un coup. Combien y a-t-il de temps que je suis dans ce livre ? Quelle heure est-il ?
Je ne sais pas, mais voyons si je puis lire encore ! Je frotte mes yeux, je tends mon regard, les lettres s'effacent, les lignes se mêlent, je saisis encore le coin d'un mot, puis plus rien.
J'ai le cou brisé, la nuque qui me fait mal, la poitrine creuse ; je suis resté penché sur les chapitres sans lever la tête, sans entendre rien, dévoré par la curiosité, collé aux flancs de Robinson, pris d'une émotion immense, remué jusqu'au fond de la cervelle et jusqu'au fond du cœur […]
(Jules Vallès, L’Enfant)
Extrait 3
Il rêvait au péril que son bonheur lui avait fait éviter, et délibérait en lui-même s’il demeurerait là jusqu'au lendemain, ou s'il prendrait un autre parti, quand il entendit pousser un long soupir auprès de lui. Il s'imagina d'abord que c'était quelque fantôme de son esprit agité, une illusion de la nuit ; c'est pourquoi, sans s'y arrêter, il continua ses réflexions.
Mais, ayant ouï soupirer pour la seconde fois, il ne douta plus que ce ne fût une chose réelle ; et bien qu’il ne vit personne dans la chambre, il ne laissa pas de s’écrier : Qui diable soupire ici ?
(Alain-René Le Sage, Le Diable boiteux)
III - Un texte contenant un point de vue interne peut être réécrit à la première personne.
Réécrivez les extraits ci-dessous à la première personne, et dites si c’est un point de vue interne qui est utilisé ou pas. Justifiez votre réponse.
Extrait 1
Alors, il pensa à sa maison, puis à sa mère, et, pris d'une grande tristesse, il recommença à pleurer. Des frissons lui passaient dans les membres ; il se mit à genoux et récita sa prière comme avant de s'endormir. Mais il ne put l'achever, car des sanglots lui revinrent si pressés, si tumultueux, qu'ils l'envahirent tout entier. Il ne pensait plus ; il ne voyait plus rien autour de lui et il n'était occupé qu'à pleurer.
(Guy de Maupassant, «Le papa de Simon»)
Extrait 2
Aussi, beaucoup moins flegmatique que Mr. Fogg, il était beaucoup plus inquiet. Il comptait et recomptait les jours écoulés, maudissait les haltes du train, l’accusait de lenteur et blâmait in petto Mr. Fogg de n’avoir pas promis une prime au mécanicien. Il ne savait pas, le brave garçon, que ce qui était possible sur un paquebot ne l’était plus sur un chemin de fer, dont la vitesse est réglementée.
(Jules Verne, Le Tour du monde en quatre-vingts jours)
Extrait 3
Lorsque sept heures du soir s’approchèrent, les angoisses de Dantès commencèrent véritablement. Sa main, appuyée sur son cœur, essayait d’en comprimer les battements, tandis que de l’autre il essuyait la sueur de son front qui ruisselait le long de ses tempes. De temps en temps des frissons lui couraient par tout le corps et lui serraient le cœur comme dans un étau glacé. Alors il croyait qu’il allait mourir. Les heures s’écoulèrent sans amener aucun mouvement dans le château, et Dantès comprit qu’il avait échappé à ce premier danger ; c’était d’un bon augure.
(Alexandre Dumas, Le Comte de Monte-Cristo)
IV - Qui voit qui ?
Dites quel est le personnage dont le point de vue oriente la narration.
Extrait 1
Frédéric pensait à la chambre qu’il occuperait là-bas, au plan d’un drame, à des sujets de tableaux, à des passions futures. Il trouvait que le bonheur mérité par l’excellence de son âme tardait à venir. Il se déclama des vers mélancoliques ; il marchait sur le pont à pas rapides ; il s’avança jusqu’au bout, du côté de la cloche ; et, dans un cercle de passagers et de matelots, il vit un monsieur qui contait des galanteries à une paysanne, tout en lui maniant la croix d’or qu’elle portait sur la poitrine. C’était un gaillard d’une quarantaine d’années, à cheveux crépus. Sa taille robuste emplissait une jaquette de velours noir, deux émeraudes brillaient à sa chemise de batiste, et son large pantalon blanc tombait sur d’étranges bottes rouges, en cuir de Russie, rehaussées de dessins bleus.
(Gustave Flaubert, L’Éducation sentimentale)
Extrait 2
Lucien leva les yeux et vit une grande maison, moins mesquine que celles devant lesquelles le régiment avait passé jusque-là ; au milieu d’un grand mur blanc, il y avait une persienne peinte en vert perroquet. « Quel choix de couleurs voyantes ont ces marauds de provinciaux ! »
Lucien se complaisait dans cette idée peu polie lorsqu’il vit la persienne vert perroquet s’entrouvrir un peu ; c’était une jeune femme blonde qui avait des cheveux magnifiques et l’air dédaigneux : elle venait voir défiler le régiment. Toutes les idées tristes de Lucien s’envolèrent à l’aspect de cette jolie figure ; son âme en fut ranimée.
(Stendhal, Lucien Leuwen)
Extrait 3
Il occupait une chaise tournante, devant une grande table couverte de livres, de cartes, de diagrammes. Au moment où j’entrais, il pivota sur son siège pour me faire face. Son aspect me coupa le souffle. J’étais préparé à quelque chose d’étrange, mais non point à une personnalité aussi formidable. Il vous impressionnait par sa taille, par sa prestance, par l’énormité de sa tête, la plus grande que j’eusse jamais vue sur un corps humain : son chapeau, si je m’étais avisé de l’essayer, me fût descendu aux épaules ! Il avait une de ces figures qui pour moi s’associent à l’idée d’un taureau assyrien : toute rouge, avec une barbe d’un noir presque bleu qui lui roulait en ondes sur la poitrine.
(Conan Doyle, Le Monde perdu)
V - Expliquez pourquoi, dans les extraits ci-dessous, le narrateur est omniscient (c’est donc le point de vue zéro qui est utilisé).
Extrait 1
Phileas Fogg avait quitté sa maison de Saville-row à onze heures et demie, et, après avoir placé cinq cent soixante-quinze fois son pied droit devant son pied gauche et cinq cent soixante-seize fois son pied gauche devant son pied droit, il arriva au Reform-Club, vaste édifice, élevé dans Pall-Mall, qui n’a pas coûté moins de trois millions à bâtir.
(Jules Verne, Le Tour du monde en quatre-vingts jours)
Extrait 2
Vers le milieu du mois d’octobre 1829, monsieur Simon Babylas Latournelle, un notaire, montait du Havre à Ingouville, bras dessus bras dessous avec son fils, et accompagné de sa femme, près de laquelle allait, comme un page, le premier clerc de l’Etude, un petit bossu nommé Jean Butscha. Quand ces quatre personnages, dont deux au moins faisaient ce chemin tous les soirs, arrivèrent au coude de la route qui tourne sur elle-même comme celles que les Italiens appellent des corniches, le notaire examina si personne ne pouvait l’écouter du haut d’une terrasse, en arrière ou en avant d’eux, et il prit le médium de sa voix par excès de précaution.
(Honoré de Balzac, Modeste Mignon)
Extrait 3
Heureusement pour lui, ce soir-là, ses discours touchants et emphatiques trouvèrent grâce devant Mme Derville, qui très souvent le trouvait gauche comme un enfant, un peu amusant. Pour Mme de Rênal, la main dans celle de Julien, elle ne pensait à rien ; elle se laissait vivre. Les heures qu’on passa sous ce grand tilleul que la tradition du pays dit planté par Charles le Téméraire, furent pour elle une époque de bonheur. Elle écoutait avec délices les gémissements du vent dans l’épais feuillage du tilleul, et le bruit de quelques gouttes rares qui commençaient à tomber sur ses feuilles les plus basses. Julien ne remarqua pas une circonstance qui l’eût bien rassuré ; Mme de Rênal, qui avait été obligée de lui ôter sa main, parce qu’elle se leva pour aider sa cousine à relever un vase de fleurs que le vent venait de renverser à leurs pieds, fut à peine assise de nouveau, qu’elle lui rendit sa main presque sans difficulté, et comme si déjà c’eût été entre eux une chose convenue.
(Stendhal, Le Rouge et le Noir)