Nous avons vu deux extraits, l'un est le premier épisode de la série Lost, l'autre est Monsieur N. d'Antoine de Caunes.
Chacun de ces extraits commence par un début in medias res.
Dans Lost, il s'agit de créer dès le début un effet de suspense.
Un gros plan sur un œil qui s'ouvre peut être compris comme une métaphore du spectacle cinématographique : l'œil - comme celui du spectateur - s'ouvre au moment où commence le film. Le plan suivant révèle l'environnement dans lequel se trouve le personnage (le décor apparaissait déjà dans la pupille du personnage). On regarde du bas vers le haut. Des bambous apparaissent donc en contre-plongée. On voit ce que voit le personnage. C'est ce qu'on appelle un plan en caméra subjective. Le plan suivant montre le visage d'un homme blessé. Puis, du bas vers le haut, selon un lent travelling vertical, on voit l'homme entièrement cette fois. Tout de suite, cet homme à l'identité problématique et en costume intrigue. Le spectateur se demande en effet qui est ce personnage, où il est, comment il est arrivé là, pourquoi il est blessé... Toutes ces questions intriguent et font que l'on veut voir la suite.
Dans Monsieur N., le récit commence par la fin de l'histoire (on pourrait appeler cela un début in ultima res), c'est-à-dire par l'exhumation (c'est le contraire d'inhumation) de Napoléon. La date indique que l'histoire se passe en 1840 sur l'île de Sainte Hélène. La question que ne manquera pas de se poser le spectateur est : comment est-il mort ? Que s'est-il passé ?
Le début se déroulait lors d'une nuit pluvieuse. S'ensuit un retour en arrière aisément repérable à la date (la date indique 1815), au fait qu'il fait jour et relativement beau.
Ce retour en arrière apportera toutes les réponses. C'est pour cette raison qu'un retour en arrière est toujours explicatif. Mais les explications ne sont que partielles, car en même temps qu'elles apportent des réponses, d'autres questions se laissent formuler. Manifestement, et comme le laisse entendre la voix off (narration menée par un jeune officier anglais), le film fera le récit de la dernière bataille de Napoléon. En effet, le nouveau gouverneur de l'île entend mener la vie dure à son impérial prisonnier. Il est amusant de voir que tous deux sont symbolisés par un animal. L'aigle luttant contre le vent et observé par le gouverneur représente évidemment Napoléon ; le gouverneur, lui, évolue parmi les tortues, sur un terrain glissant, sous l'œil narquois de son inaccessible prisonnier. Ce dernier va jusqu'à lui refuser ses visites, le maréchal Bertrand lui expliquant sans sourciller que l'empereur ne peut être dérangé et qu'il fait la sieste ! À ce moment, le maréchal est vu en une légère contre-plongée comme si nous étions parmi les Anglais dépités, impressionnés par cette légende vivante.
Un retour en arrière que ce soit au cinéma dans Lost ou Monsieur N., que ce soit en littérature dans L’Île mystérieuse, est toujours un moyen de créer un horizon d'attente, d'intriguer le lecteur, de faire que celui-ci se pose des questions et qu'il ait envie de voir ou de lire la suite.