Plusieurs passages descriptifs peuvent être relevés dans l’ensemble du texte. Voici les principaux :
« Devant moi, se tenait un grand vieillard, rasé de frais, si l'on excepte la longue moustache blanche, et vêtu de noir des pieds à la tête, complètement de noir, sans la moindre tache de couleur nulle part. »
« [...] cette main était aussi froide que de la glace ; elle ressemblait davantage à la main d'un mort qu'à celle d'un vivant. »
« La force de sa poignée de main, en outre, me rappelait à tel point celle du cocher dont, à aucun moment, je n'avais vu le visage, que je me demandai alors si ce n'était pas encore au cocher que j'étais en train de parler. »
« Son nez aquilin lui donnait véritablement un profil d'aigle ; il avait le front haut, bombé, les cheveux rares aux tempes mais abondants sur le reste de la tête ; les sourcils broussailleux se rejoignaient presque au-dessus du nez, et leurs poils, tant ils étaient longs et touffus, donnaient l'impression de boucler. La bouche, ou du moins ce que j'en voyais sous l'énorme moustache, avait une expression cruelle, et les dents, éclatantes de blancheur, étaient particulièrement pointues ; elles avançaient au-dessus des lèvres dont le rouge vif annonçait une vitalité extraordinaire chez un homme de cet âge. Mais les oreilles étaient pâles, et vers le haut se terminaient en pointe ; le menton, large, annonçait, lui aussi, de la force, et les joues, quoique creuses, étaient fermes. Une pâleur étonnante, voilà l'impression que laissait ce visage. »
« J'avais bien remarqué, certes, le dos de ses mains qu'il tenait croisées sur ses genoux, et, à la clarté du feu, elles m'avaient paru plutôt blanches et fines ; mais maintenant que je les voyais de plus près, je constatais, au contraire, qu'elles étaient grossières : larges, avec des doigts courts et gros. Aussi étrange que cela puisse sembler, le milieu des paumes était couvert de poils. Toutefois, les ongles étaient longs et fins, taillés en pointe. »
« On voit que ces passages sont de longueurs variables, une phrase voire un paragraphe tout entier. Parfois un simple groupe nominal peut être descriptif (« ses dents proéminentes »).
Ces passages descriptifs sont disséminés dans l’ensemble du texte. Ils ne forment pas un tout unique d’un seul tenant comme nous avons pu le voir précédemment dans le texte extrait de Frankenstein. C’est ce qu’on appelle un portrait par touches successives. C’est-à-dire que l’on découvre progressivement le comte comme le fait le narrateur Harker. La lumière ou le fait que les personnages soient assis permettent de mieux voir et favorisent donc la description du personnage : « C'était, en vérité, la première occasion qui m'était donnée de pouvoir bien l'observer, et ses traits accentués me frappèrent ».
Un portrait se reconnaît aisément aux nombreux adjectifs qualificatifs, aux imparfaits également, mais aussi aux comparaisons et aux métaphores (« il restait là, semblable à une statue », « cette main était aussi froide que de la glace ; elle ressemblait davantage à la main d'un mort qu'à celle d'un vivant », « Son nez aquilin lui donnait véritablement un profil d'aigle » ).
Le portrait est construit selon une progression qui commence par une vue d’ensemble :
« Devant moi, se tenait un grand vieillard, rasé de frais, si l'on excepte la longue moustache blanche, et vêtu de noir des pieds à la tête, complètement de noir, sans la moindre tache de couleur nulle part. »
Viennent ensuite les détails (le visage tout d’abord, les mains ensuite). La description du visage est construit selon un axe verticale puisque le regard observe le comte du front en descendant jusqu’au menton. Au cœur de la description : la bouche et les dents :
« La bouche, ou du moins ce que j'en voyais sous l'énorme moustache, avait une expression cruelle, et les dents, éclatantes de blancheur, étaient particulièrement pointues ; elles avançaient au-dessus des lèvres dont le rouge vif annonçait une vitalité extraordinaire chez un homme de cet âge. »
Les mains font l’objet d’une attention toute particulière :
« elles étaient grossières : larges, avec des doigts courts et gros. Aussi étrange que cela puisse sembler, le milieu des paumes était couvert de poils. Toutefois, les ongles étaient longs et fins, taillés en pointe. »
Le comte est un monstre qui a des dents pointues pour mordre, des mains puissantes pour saisir sa proie. C'est un prédateur. D’ailleurs il ne dit pas autre chose :
« Des citadins comme vous ne pourront jamais éprouver les sentiments du chasseur... »
Dracula tient avant tout du monstre. À la fois vieillard et prédateur, il est très grand et très fort. Sa pâleur contraste avec la vitalité qu’annonce la rougeur de ses lèvres. Certaines parties de son anatomie étonnent : les dents pointues, les oreilles pointues, les mains poilues sur les paumes ! Son haleine manque de faire vomir le narrateur (« Peut-être, son haleine sentait-elle mauvais ; toujours est-il que mon cœur se souleva et qu'il me fut impossible de le cacher. ») Ce qui provoque un sourire « de mauvais augure et qui me laissa encore mieux voir ses dents proéminentes. »
Ce portrait crée un sentiment de peur. Il procure également un sentiment de bizarrerie déconcertante. Dracula a beau être un prédateur, il n’en est pas moins d’une politesse étonnante :
« D'un geste poli de la main droite, l'homme me pria d'entrer »
« S'inclinant courtoisement, il répondit »
« II insista, voulant à tout prix porter mes valises ; il traversa le corridor »
« la courtoisie du comte »
« S'inclinant courtoisement — toujours si courtoisement — pour me laisser passer, il ouvrit la porte »
Le comte Dracula est inquiétant, comme le sont les lieux dans lesquels il vit. C'est un endroit sombre, aux multiples portes. L'isolement et le silence font que chaque bruit prend une importance particulière :
« ce fut le bruit de chaînes que l'on détachait et de gros verrous que l'on tirait »
« il traversa le corridor, prit un grand escalier en colimaçon, puis un autre couloir, sur le pavé duquel chacun de nos pas résonnait longuement »
« il poussa une lourde porte »
« une autre porte qui ouvrait sur une petite pièce octogonale éclairée par une seule lampe ; je n'y vis aucune fenêtre. »