En route, Dorothée et l’Épouvantail font la rencontre du Bûcheron de fer-blanc, qui souhaiterait avoir un cœur, et du Lion Peureux, qui voudrait du courage. Tous se rendent au pays d’Émeraude, car ils espèrent que le Magicien d’Oz pourra leur donner ce qu’ils désirent.
Avant d’y parvenir, de nombreuses aventures surviennent : les quatre amis franchissent un gouffre, échappent aux Kalidhas, fabriquent un radeau, et échappent aux pavots maléfiques grâce à la reine des souris.
Ils parviennent enfin dans la Cité d’Oz où tout est vert. Là, le gardien des portes leur donne des lunettes pour ne pas être éblouis par l’éclat et la splendeur de la Cité. Le lendemain, Oz reçoit tout d’abord Dorothée.
Mais ce qui intéressait le plus Dorothée, c’était le grand trône de marbre vert qui se trouvait au milieu de la pièce. Il avait la forme d’une chaise et, comme tout le reste, scintillait de pierres précieuses. Au milieu de la chaise, trônait une énorme Tête, sans corps pour la supporter. Il n’y avait pas de cheveux sur cette tête, mais elle avait des yeux, un nez et une bouche. La tête du plus grand des géants eût été plus petite que celle-ci.
Tandis que Dorothée la contemplait avec émerveillement et crainte, les yeux tournèrent doucement et la regardèrent fixement. Puis la bouche bougea, et Dorothée entendit une voix dire :
« Je suis Oz, le Grand et le Terrible. Qui es-tu et pourquoi me cherches-tu ? »
La voix en provenance de la grande Tête n’était pas aussi terrible qu’elle l’avait imaginé ; elle reprit donc courage et répondit :
« Je suis Dorothée, la Petite et la Douce. Je suis venue pour obtenir votre aide. »
Les yeux la regardèrent pensivement pendant une longue minute. Puis la voix dit :
« Où as-tu trouvé ces souliers d’argent ? »
« Je les ai eus de la Méchante Sorcière de l’Est, quand ma maison est tombée sur elle et l’a tuée», répliqua-t-elle.
« D’où vient la marque sur ton front ? » continua la voix.
« C’est là que la Gentille Sorcière du Nord m’a embrassée quand elle m’a dit au revoir et envoyée vous voir », dit la fille.
Les yeux la fixèrent de nouveau, et virent qu’elle disait la vérité. Puis Oz demanda : «Que veux-tu que je fasse ? »
« Renvoyez-moi au Kansas, où sont ma Tante Em et mon Oncle Henry, répondit-elle avec ferveur. Je n’aime pas votre pays, même s’il est magnifique. Et je suis sûre que Tante Em doit être terriblement inquiète de mon absence prolongée. »
Les yeux clignèrent trois fois, et regardèrent du sol au plafond, tournoyèrent si étrangement qu’ils semblaient voir chaque coin de la pièce. À la fin, ils fixèrent Dorothée à nouveau.
« Pourquoi ferais-je cela pour toi ? » demanda Oz.
« Parce que vous êtes fort et que je suis faible ; parce que vous êtes un Grand Magicien et que je ne suis qu’une petite fille. »
« Mais tu as été assez forte pour tuer la Méchante Sorcière de l’Est », dit Oz.
« C’est arrivé, c’est tout, répliqua Dorothée simplement. Je ne l’ai pas fait exprès. »
« Tue la Méchante Sorcière de l’Ouest », répondit Oz.
« Bien, dit la Tête, je vais te donner ma réponse. Tu n’as pas le droit d’exiger que je te renvoie au Kansas si tu ne fais rien en échange pour moi. Dans ce pays, tout le monde doit payer pour ce qu’il reçoit. Si tu souhaites que j’utilise mon pouvoir magique pour te renvoyer chez toi, tu dois faire quelque chose pour moi d’abord. Aide-moi et je t’aiderai. »
« Que dois-je faire ? » demanda la fille.
« Tue la Méchante Sorcière de l’Ouest », répondit Oz.
« Mais je ne peux pas ! » s’exclama Dorothée très surprise.
« Tu as tué la Sorcière de l’Est et tu portes les souliers d’argent, qui ont un pouvoir magique. Il ne reste plus qu’une seule Méchante Sorcière dans tout le pays, et quand tu m’annonceras qu’elle est morte, je te renverrai au Kansas, mais pas avant. »
La petite fille commença à pleurer, elle était si déçue ! Les yeux clignèrent à nouveau et la regardèrent anxieusement, comme si le Grand Oz sentait qu’elle pourrait l’aider si elle le voulait.
« Je ne tuerai jamais qui que ce soit volontairement, hoquetait-elle. Quand bien même le voudrais-je, comment tuerais-je la Méchante Sorcière ? Si vous même, qui êtes Grand et Terrible, ne pouvez la tuer, comment voulez-vous que je le fasse ? »
« Je l’ignore, répondit la Tête, mais c’est ma réponse, et jusqu’à ce que la Méchante Sorcière meure, tu ne reverras pas ton oncle et ta tante. Souviens-toi que la Sorcière est Méchante - horriblement Méchante - et qu’elle doit être tuée. Maintenant pars, et ne demande pas à me voir jusqu’à ce que tu l’aies tuée. »
Dorothée quitta tristement la salle du Trône et retourna auprès du Lion, de l’Épouvantail et du Bûcheron en fer-blanc qui attendaient d’entendre ce qu’Oz lui avait dit. «Il n’y a plus d’espoir pour moi, dit-elle dépitée, «car Oz ne me renverra pas chez moi tant que je n’aurai pas tué la Méchante Sorcière de l’Ouest ; et c’est quelque chose que je ne pourrai jamais faire.»
Ses amis étaient désolés, mais ne pouvaient rien faire pour l’aider. Alors Dorothée retourna dans sa chambre, s’allongea sur le lit et s’endormit en s’apitoyant sur elle-même.
Le matin suivant, le soldat aux moustaches vertes alla trouver l’Épouvantail et lui dit :
« Venez avec moi, car Oz vous demande. »
Alors l’Épouvantail le suivit et fut introduit dans la grande Salle du Trône, où il vit, assis sur le trône d’émeraudes, une très belle Dame. Elle était vêtue d’une gaze de soie verte et portait, sur sa chevelure vert bouclé, une couronne sertie de joyaux. De ses épaules dépassaient des ailes, hautes en couleur et si légères qu’elles flottaient au moindre souffle d’air.
Quand l’Épouvantail eut salué cette ravissante créature, aussi élégamment que la paille le remplissant le lui permit, elle le regarda avec gentillesse, et dit :
« Je suis Oz, le Grand et le Terrible. Qui es-tu, et qu’attends-tu de moi ? »
L’Épouvantail, qui s’était attendu à voir la grande tête dont Dorothée lui avait parlé, était très étonné, mais il lui répondit courageusement.
« Je suis seulement un Épouvantail, rembourré avec de la paille. Par conséquent, je n’ai pas de cerveau, et je suis venu vous prier de me donner un cerveau à la place de la paille que j’ai dans la tête, afin que je puisse devenir un homme semblable aux autres hommes de votre royaume. »
« Pourquoi ferais-je cela pour toi ? » demanda la Dame.
« Parce que vous êtes sage et puissante, et que personne d’autre ne peut m’aider », répondit l’Épouvantail.
« Je n’accorde jamais de faveur sans compensation, dit Oz. En revanche, si tu tues pour moi la Méchante Sorcière de l’Ouest, je t’accorderai un grand cerveau, un cerveau tel que tu deviendras l’homme le plus sage de tout le Pays d’Oz. »
« Je croyais que vous aviez demandé à Dorothée de tuer la Sorcière », dit l’Épouvantail surpris.
« En effet, je le lui ai demandé. Peu m’importe qui la tue. Mais jusqu’à ce qu’elle soit morte, je ne t’octroierai aucun souhait. Maintenant pars, et ne cherche pas à me revoir tant que tu n’auras pas mérité le cerveau que tu désires tant. »
L’Épouvantail retourna tristement auprès de ses amis et leur répéta ce qu’Oz avait dit. Dorothée fut surprise d’apprendre que le Grand Magicien n’était pas une Tête, telle qu’elle l’avait vu, mais une ravissante Dame.
« Tout pareil ! dit l’Épouvantail. Comme le Bûcheron de fer-blanc, il lui manque un cœur. »
Le matin suivant, le soldat aux favoris verts vint trouver le Bûcheron de fer-blanc et lui dit :
« Oz m’a envoyé vous chercher. Suivez-moi. »
Le Bûcheron de fer-blanc le suivit donc et se rendit dans la grande Salle du Trône. Il ne savait pas s’il trouverait Oz en belle Dame ou en Tête, mais il espérait que ce serait la belle Dame. « Car, se disait-il, si c’est la tête, je suis sûr qu’elle ne me donnera pas de cœur, puisqu’une tête n’a pas de cœur et ne peut donc avoir de sentiments à mon égard. Mais si c’est la belle Dame, je pourrai la supplier de me donner un cœur, car toutes les dames ont le cœur tendre. »
Quand le Bûcheron entra dans la grande salle du trône, il ne vit ni la Tête ni la Dame, puisque Oz avait pris la forme d’une bien plus terrible Bête. Presqu’aussi grosse qu’un éléphant, le trône vert semblait à peine assez solide pour supporter son poids. La Bête avait la tête d’un rhinocéros, à ceci près qu’elle avait cinq yeux. Cinq longs bras sortaient de son corps ainsi que cinq longues et maigres pattes. D’épais et laineux cheveux la recouvraient entièrement, et on ne pouvait imaginer monstre plus terrifiant. Heureusement, le Bûcheron de fer-blanc n’avait pas de cœur à ce moment-là, sinon il aurait battu fort et vite de terreur. Mais n’étant constitué que de fer-blanc, le Bûcheron n’était pas du tout effrayé, même s’il était très déçu.
« Je suis Oz, le Grand et le Terrible, dit la Bête d’une voix rugissante. Qui es-tu et pourquoi me cherches-tu ? »
« Je suis un Bûcheron et je suis fait de fer-blanc. C’est pourquoi, je n’ai pas de cœur, et ne peux aimer. Je vous supplie de me donner un cœur pour être semblable aux autres hommes. »
« Pourquoi le ferais-je ? » demanda la Bête.
«Parce que je vous le demande et que vous seul pouvez accéder à ma requête», répondit le Bûcheron.
Oz émit un grognement sourd et dit d’un ton bourru : «Si tu veux vraiment un cœur, tu dois le gagner.»
« Comment ? » demanda le Bûcheron.
« Aide Dorothée à tuer la Méchante Sorcière de l’Ouest, répondit la Bête. Quand la sorcière sera morte, viens me trouver et je te donnerai alors le plus grand, le plus gentil, le plus affectueux des cœurs de tout le Pays d’Oz. »
Ainsi le Bûcheron de fer-blanc fut contraint de rejoindre tristement ses amis et de leur raconter quelle terrible Bête il avait vue. Ils s’étonnaient beaucoup de toutes les apparences que le Grand Sorcier pouvait prendre, et le Lion dit :
« S’il revêt l’apparence d’une Bête, je rugirai le plus bruyamment possible, et ainsi effrayé il m’accordera tout ce que le lui demanderai. Et si c’est la belle Dame, je ferai semblant de lui sauter dessus, et je l’obligerai à réaliser mes ordres. Et c’est la grande Tête, je la ferai rouler dans toute la pièce jusqu’à ce qu’il me promette de nous donner ce que nous souhaitons. Soyons de bonne humeur, mes amis, car tout ira bien. »
Le lendemain matin, le soldat aux favoris verts conduisit le Lion à la grande Salle du Trône et le pria d’entrer.
Le Lion passa aussitôt la porte, regarda autour de lui et vit, à sa grande surprise, devant le trône, une Boule de Feu, si violente et éclatante qu’il pouvait à peine la regarder. Il pensa d’abord qu’Oz avait pris feu par accident et brûlait ; mais quand il essaya de s’approcher, la chaleur était si intense qu’il se brûla les moustaches, et il s’en retourna près de la porte en tremblant.
Puis une voix, basse et calme, vint de la Boule de Feu, et prononça ces paroles :
« Je suis Oz, le Grand et le Terrible. Qui es-tu, et qu’attends-tu de moi ? »
Et le lion répondit : « Je suis un Lion Peureux, j’ai peur de tout. Je suis venu à vous pour vous prier de me donner du courage, afin que je puisse réellement devenir le roi des animaux, comme les hommes m’appellent. »
« Pourquoi devrais-je te donner du courage ? » demanda Oz.
« Parce que de tous les Magiciens vous êtes le plus grand, et vous seul avez le pouvoir de réaliser ma demande », répondit le Lion.
La Boule de feu brûla violemment pendant un certain temps et la voix dit : « Apporte-moi la preuve que la Méchante Sorcière est morte, et à ce moment-là, je te donnerai du courage. Mais aussi longtemps que la sorcière est vivante, tu devras rester un lâche. »
Ce discours mit en colère le Lion, mais il ne put rien répondre, et tandis qu’il la contemplait silencieusement, la Boule de Feu devint si furieusement chaude qu’il se retourna et quitta la pièce. Il était heureux de retrouver ses amis qui l’attendaient, et leur raconta son terrible entretien avec le Magicien.
« Que devons-nous faire maintenant ? » demanda tristement Dorothée.
« Il n’y a qu’une seule chose que nous pouvons faire, répondit le Lion, c’est d’aller au pays des Winkies, chercher la Méchante Sorcière, et l’exterminer. »
(Extrait du chapitre XI)
1 - Sous quelles formes le magicien d’Oz apparaît-il successivement ?
2 - Selon vous, pourquoi change-t-il d’apparence ?
3 - Quelle impression se dégage du magicien d’Oz ?
4 - Que doit faire chaque personnage pour obtenir ce qu’il demande à Oz ?
5 - Quel mode Oz utilise-t-il pour donner ses ordres. Relevez quatre exemples.
6 - Quel mode et quel temps utilise-t-il pour formuler ses promesses ? Relevez quatre exemples.
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