Lucile, la fille de Gorgibus, aime Valère. Malheureusement, son père désire qu’elle épouse Villebrequin.
Sur les conseils de sa cousine Sabine, Lucile feint d’être malade. Sganarelle, déguisé en médecin lui conseille alors de prendre un repos qui lui permettra de retrouver Valère, et de l’épouser.
La scène IV introduit le faux médecin (Sganarelle) demandant à voir la fausse malade (Lucile).
Scène IV
Sabine, Gorgibus, Sganarelle
Sabine
Je vous trouve à propos (1), mon oncle, pour vous apprendre une bonne nouvelle. Je vous amène le plus habile médecin du monde, un homme qui vient des pays étrangers, qui sait les plus beaux secrets, et qui sans doute guérira ma cousine. On me l'a indiqué par bonheur, et je vous l'amène. Il est si savant, que je voudrais de bon cœur (2) être malade, afin qu'il me guérît.
Gorgibus
Où est-il donc ?
Sabine
Le voilà qui me suit ; tenez, le voilà.
Gorgibus
Très humble serviteur à Monsieur le médecin ! Je vous envoie quérir (3) pour voir ma fille, qui est malade ; je mets toute mon espérance en vous.
Sganarelle
Hippocrate dit, et Galien (4) par vives raisons persuade qu'une personne ne se porte pas bien quand elle est malade. Vous avez raison de mettre votre espérance en moi ; car je suis le plus grand, le plus habile, le plus docte (5) médecin qui soit dans la faculté (6) végétable, sensitive et minérale.
Gorgibus
J'en suis fort ravi.
Sganarelle
Ne vous imaginez pas que je sois un médecin ordinaire, un médecin du commun. Tous les autres médecins ne sont, à mon égard, que des avortons de médecine. J'ai des talents particuliers, j'ai des secrets. Salamalec, salamalec (7). « Rodrigue, as-tu du cœur ? » (8) Signor, si; segnor, non (9). Per omnia saecula saeculorum (10). Mais encore voyons un peu.
Sabine
Hé! ce n'est pas lui qui est malade, c'est sa fille.
Sganarelle
Il n'importe : le sang du père et de la fille ne sont qu'une même chose ; et par l'altération (11) de celui du père, je puis connaître la maladie de la fille. Monsieur Gorgibus, y aurait-il moyen de voir de l'urine de l'égrotante (12) ?
Gorgibus
Oui-da ; Sabine, vite allez quérir de l'urine de ma fille. (Sabine sort.) Monsieur le médecin, j'ai grand'peur qu'elle ne meure.
Sganarelle
Ah ! qu'elle s'en garde bien ! Il ne faut pas qu'elle s'amuse à se laisser mourir sans l'ordonnance du médecin. (Sabine rentre.) Voilà de l'urine qui marque grande chaleur, grande inflammation dans les intestins : elle n'est pas tant mauvaise pourtant.
Gorgibus
Hé quoi ? Monsieur, vous l'avalez ?
Sganarelle
Ne vous étonnez pas de cela ! Les médecins, d'ordinaire, se contentent de la regarder ; mais moi, qui suis un médecin hors du commun, je l'avale, parce qu'avec le goût je discerne bien mieux la cause et les suites de la maladie. Mais, à vous dire la vérité, il y en avait trop peu pour asseoir un bon jugement (13) : qu'on la fasse encore pisser.
Sabine sort et revient
J'ai bien eu de la peine à la faire pisser.
Sganarelle
Que cela ? voilà bien de quoi ! Faites-la pisser copieusement, copieusement. Si tous les malades pissent de la sorte, je veux être médecin toute ma vie.
Sabine sort et revient
Voilà tout ce qu'on peut avoir : elle ne peut pas pisser davantage.
Sganarelle
Quoi ? Monsieur Gorgibus, votre fille ne pisse que des gouttes ? voilà une pauvre pisseuse que votre fille ; je vois bien qu'il faudra que je lui ordonne une potion pissative. N'y aurait-il pas moyen de voir la malade ?
Sabine
Elle est levée ; si vous voulez, je la ferai venir.
Notes :
1 - Je vous trouve à propos : je vous trouve au bon moment.
2 - De bon cœur : volontiers.
3 - Quérir : chercher.
4 - Hippocrate et Galien sont des médecins grecs qui font encore autorité au XVIIe siècle.
5 - Docte : savant.
6 - Faculté : science.
7 - Salamalec : formule de politesse arabe employée pour saluer quelqu’un (« Paix sur toi »).
8 - « Rodrigue, as-tu du cœur ? » : célèbre citation du Cid de Corneille.
9 - Signor, si ; segnor, non : mélange d’Italien et de latin (« Monsieur, oui ; vieillard, non »).
10 - Per omnia sæcula sæculorum : Pour les siècles des siècles (formule employée lors de la messe).
11 - L’altération : le changement dû à la maladie.
12 - L’égrotante : la malade.
13 - Pour asseoir un bon jugement : pour se faire une opinion juste (de la maladie).
1 - Qui présente Sganarelle ? Le portrait fait de celui-ci est-il positif ou négatif ? Justifiez votre réponse.
2 - Que fait tout d’abord Sganarelle pour paraître un grand médecin ? Observez ses deux premières répliques pour répondre à cette question.
3 - Peut-on dire, sans rire, qu’une personne ne se porte pas bien quand elle est malade ? Pourquoi ?
4 - Que répond ensuite Gorgibus ? Qu’est-ce que cela prouve de son caractère ?
5 - Pour établir son pronostic, que demande Sganarelle ? À quel moment seulement pense-t-il à demander à voir la malade ?
6 - Combien de fois le mot « pisser » est-il répété ? Quel effet cela provoque-t-il ?
7 - Les examens d’urine sont fréquents en médecine, mais que fait Sganarelle ?
8 - Comment réagit Gorgibus ? Quels types de phrases sont alors utilisés ?
9 - Relevez les indices qui montrent que cette scène est davantage destinée à être représentée que lue.
Rédigez un dialogue commençant par « Je vous amène le plus.. » afin de présenter un personnage devant - comme Sganarelle - interpréter une profession (professeur, gendarme, charcutier...). Et comme Sganarelle, il commettra erreur sur erreur.
Votre texte fera une dizaine de lignes et sera écrit, pour l’essentiel, au présent. Il devra, bien évidemment, être comique.
Apprenez la scène IV, et jouez-la.
Pour vous entraîner, filmez-vous avec votre iPad pour travailler la mise en scène, mais aussi les gestes ou la diction.
Lorsque vous êtes satisfaits du résultat, représentez devant la classe votre interprétation de cette scène. Pensez aux accessoires et aux costumes !