Une phrase commencée dans un vers peut se prolonger dans le suivant. C’est ce qu’on appelle l’enjambement :
Un pauvre Bûcheron tout couvert de ramée,
Sous le faix du fagot aussi bien que des ans
Gémissant et courbé marchait à pas pesants,
Et tâchait de gagner sa chaumine enfumée.
Dans cet exemple, la phrase commencée dans le premier vers se poursuit dans le second, puis le troisième pour enfin s’achever dans le quatrième. On a donc une succession d’enjambements.
On appelle le rejet un mot ou un groupe de mots brefs placé au début d’un vers et qui appartient à la phrase commencée au vers précédent :
Le Loup, par ce discours flatté,
S’approcha. Mais sa vanité lui
Lui coûta quatre dents : le Cheval lui desserre
Un coup ; et haut le pied. Voilà mon loup par terre
Deux rejets ont été indentifiés. « s’approcha » appartient bien à la phrase commencée au vers précédent (le sujet du verbe « Le Loup » se trouve dans le vers précédent) ; de même, le groupe nominal « Un coup » est complément du verbe « desserre » placé précédemment.
Le rejet met en valeur un mot ou un groupe de mots en les plaçant ainsi en début de vers.
Le contre-rejet est l’inverse du rejet.
Au lieu que le rejet est situé en début de vers, le contre-rejet est un mot ou groupe de mots bref placé en fin de vers. Le contre-rejet est évidemment lié, par la construction de la phrase, au vers qui suit :
Après quelques moments, l’appétit vint : l’Oiseau,
S’approchant du bord, vit sur l’eau [...]
Par sa position, le contre-rejet, comme le rejet, met en relief le mot placé à la fin ou au début du vers.
Les vers se terminent par des rimes. Par exemple, le dernier mot d'un vers rime avec le dernier mot du suivant dans un poème à rimes plates.
Trop peu d'honneur pour moi suivrait cette victoire :
À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.
Dans notre exemple théâtral, « victoire » rime avec « gloire ».
Ces deux mots ont un certain nombre de sons en commun : ils riment donc.
Ce nombre va déterminer la qualité de la rime : pauvre, suffisante ou riche. Mais ce qu'il faut bien comprendre, c'est qu'il s'agit de sons et non de lettres ! Dans l'exemple suivant, les rimes ont deux sons en commun.
Ô rage ! ô désespoir ! ô vieillesse ennemie !
N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie
En effet, « ennemie » rime avec « infamie ». On retrouve les lettres « mie » dans les deux mots, mais cela ne fait que deux sons étant donné que la lettre « e » est muette. On a le son [m] et le son [i].
On parle également de la richesse de la rime. Elle se mesure au nombre de sons répétés.
Si deux mots ont un seul son en commun, on dit que la rime est pauvre :
Se trouva fort dépourvue
Quand la Bise fut venue.
Dans cet exemple, « dépourvue » rime avec « venue » et n'ont que le son [y] (1) en commun.
Si deux mots ont deux sons en commun, on dit que la rime est suffisante :
La Cigale, ayant chanté
Tout l’Été,
Dans cet exemple, « chanté » rime avec « Été ». Les deux mots ont deux sons communs, les sons [t] et [e].
Si deux mots ont trois sons ou plus en commun, on dit que la rime est riche :
La Fourmi n’est pas prêteuse :
C’est là son moindre défaut.
Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse.
Dans cet exemple, « prêteuse » rime avec « emprunteuse ». Les rimes sont riches car elles ont trois sons en commun : le son [t], le son [∅] et le son [z].
La richesse de la rime peut aller jusqu’à l’homophonie complète :
Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
Prenons les quatre premiers vers (2) de la fable « La Grenouille qui se veut faire aussi grosse que le bœuf » :
Une Grenouille vit un Boeuf
Qui lui sembla de belle taille.
Elle, qui n'était pas grosse en tout comme un oeuf,
Envieuse, s'étend, et s'enfle, et se travaille,
Chaque rime est symbolisée par une lettre (a, b, c, d...). Les rimes sont disposées selon un certain ordre.
Dans cet extrait, elles sont croisées :
Boeuf (a)
taille (b)
œuf (a)
travaille (b)
Elles peuvent être suivies (on dit également plates) si l'on a la disposition suivante :
Et maintenant il règne, appuyant, ô patrie,
Son vil talon fangeux sur ta bouche meurtrie ;
Voilà ce qu'il a fait; je n'exagère rien ;
Et quand, nous indignant de ce galérien
Et de tous les escrocs de cette dictature,
Croyant rêver devant cette affreuse aventure,
Nous disons, de dégoût et d'horreur soulevés :
— Citoyens, marchons ! Peuple, aux armes, aux pavés !
Enfin, elles peuvent être embrassées :
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage, (a)
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison, (b)
Et puis est retourné, plein d'usage et raison, (b)
Vivre entre ses parents le reste de son âge ! (a)
Les rimes se terminant par un e sont dites féminines. Une rime féminine peut se terminer, au pluriel, par s ou nt. Toutes les autres sont des rimes masculines.
Dans un vers, il n’est pas rare qu’un même son consonantique ou vocalique soit répété. Quand c’est une consonne, on parle d’allitération ; lorsque c’est une voyelle, on parle d’assonance.
La répétition d’un son a un effet d’harmonie, de rythme voire de sens.
L’allitération est la répétition de consonnes :
Pour qui sont ses serpents qui sifflent sur vos têtes ?
Un effroyable cri sorti du fond des flots
Elle a parfois une signification (la répétition du son s imite le sifflement du serpent), mais il est parfois difficile de la préciser. Ainsi, dans le deuxième exemple, la répétition du son f peut suggérer un sentiment de peur, d’effroi ou du bouillonnement des flots...
Plus simplement, l’allitération a un effet rythmique :
Elle n’écoute ni les gouttes, dans leurs chutes,
Tinter d’un siècle vide au lointain le trésor...
Elle souligne le rythme ternaire du vers.
La répétition d’une même voyelle a également un effet rythmique :
Tout m’afflige et me nuit // et conspire à me nuire
Dans ce vers de Racine (Phèdre), l’assonance porte sur les quatre accents de l’alexandrin.
Elle produit une évidente harmonie sonore, et n’est pas dénuée de sens : la répétition du son i met en relief le sentiment d’affliction.
Notes :
1 - C'est ainsi que l'on note le son produit par la lettre « u ».
2 - Dans les fables de Jean de La Fontaine, on dit en fait que les rimes sont mêlées, car on trouve souvent plusieurs voire les trois dispositions dans un même poème.