C’est un vers qui ne contient qu’
Fort
Belle
Elle
Dort
Sort
Frêle !
Quelle
Mort !
Rose
Close,
La
Brise
L’a
Prise.
Il ne faut pas confondre vers monosyllabe et vers monosyllabique. Ce dernier est composé de mots monosyllabiques comme dans ce vers de Phèdre : « Le jour n’est pas plus pur que le fond de mon cœur », par ailleurs condamné par l’esthétique classique.
C’est un vers de
On le trouve aussi bien en isométrie :
On doute
La nuit...
J’écoute : -
Tout fuit,
Tout passe ;
L’espace
Efface
Le bruit
(Victor Hugo, « Les Djinns »)
Qu’en hétérométrie :
Lune, quel esprit sombre
Promène au bout d’un fil
Dans l’ombre,
Ta face et ton profil
(Alfred de Musset, « Ballade à la lune »)
C’est un vers de
Même aux belles
J’ai mépris,
Et loin d’elles
Mon cœur pris
Laisse, en somme,
Faire un somme
Aux cerfs, comme
Aux maris.
C’est un vers de
— Que sont mi ami devenu
que j’avoue si près tenu
Et tant amé ?
Je cuit qu’il sont trop cler semé ;
il ne furent pas bien fermé,
Si son failli.
(Rutebeuf)
On le trouve également dans le vers libre :
Pourquoi s’étendre si longtemps dans les plumes de la lumière
Pourquoi s’éteindre lentement dans l’épaisseur froide de la carrière
Pourquoi courir
Pourquoi pleurer
Pourquoi tendre sa chair sensible et hésitante
À la torture de l’orage avorté
(Pierre Reverdy, Ferraille)
C’est un vers de
La musique souvent me prend comme une mer !
Vers ma pâle étoile,
Sous un plafond de brume ou dans un vaste éther,
Je mets à la voile ;
[...]
(Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal)
On le trouve dans la chanson « Au clair de la lune » et aussi chez Louis Aragon dans Le Roman inachevé. Voici un exemple en isométrie extrait de « Le long pour l’un pour l’autre est court » :
La barque à l’amarre
Dort au mort des mares
Dans l’ombre qui mue
Feuillards et ramures
La fraîcheur murmure
Et rien ne remue
Sauf qu’une main lasse
Un instant déplace
Un instant pas plus
La rame qui glisse
Sur les cailloux lisses
Comme un roman lu
C’est un vers de
La gerbe épanouie
En mille fleurs,
Où Phoebé réjouie
Met ses couleurs,
Tombe comme une pluie
De larges pleurs.
En isométrie, on le trouve par exemple employé par distiques dans la poésie de Guillevic, tels ces vers de Carnac :
Tu n’as pour te couvrir
Que le ciel évasé,
Les nuages sans poids
Que du vent fait changer
Tu rêvais de bien plus,
Tu rêvais plus précis.
Ce vers de
La Cigale ayant chanté
Tout l’été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue.
On le retrouve au XIXe siècle chez Musset, Hugo, Baudelaire, Verlaine ou Rimbaud puis au début du XXe chez Paul Valéry dans ce sonnet de type élisabéthain (trois quatrains à rimes croisées suivis d’un distique final) :
Si la plage penche, si
L’ombre sur l’œil s’use et pleure
Si l’azur est larme, ainsi
Au sel des dents pure affleure
La vierge fumée ou l’air
Que berce en soi puis expire
Vers l’eau debout d’une mer
Assoupie en son empire
Celle qui sans les ouïr
Si la lèvre au vent remue
Se joue à évanouir
Mille mots vains où se mue
Sous l’humide éclair de dents
Le très doux feu du dedans.
(« Vue », Album de vers anciens in Charmes)
Il est employé également dans la poésie de René Char, souvent en concomitance avec des mètres proches comme l’octosyllabe ou l’hexasyllabe (voir « Les nuits justes » dans Les Matinaux).
Ce vers de
L’épi naissant mûrit, de la faux respecté ;
Sans crainte du pressoir, le pampre, tout l’été
Boit les doux présents de l’Aurore ;
Et moi, comme lui belle, et jeune comme lui,
Quoique l’heure présente ait de trouble et d’ennui,
Je ne veux point mourir encore.
(André Chénier, « La jeune captive »)
Guillaume Apollinaire l’a également prisé et, de nos jours, il est toujours le plus utilisé après l’alexandrin.
C’est un vers de
Il peut se présenter en trois mesures de trois syllabes, avec césure après la première (3//3/3), comme dans ce poème de Malherbe :
L’air est plein // d’une halei/ne de roses
Ou avec une césure qui le divise en 4/5 chez Verlaine en particulier, rythme qui l’apparente à un décasyllabe amputé d’une syllabe :
De la musique // avant toute chose,
Et pour cela // préfère l’impair.
Cette structure peut s’inverser en 5/4, mais elle est beaucoup plus rare :
Je suis la morveuse // entre mes bras
De toute force exaspérée.
(Émile Verhaeren)
Ce vers de
Je vous envoie un bouquet que ma main
Vient de trier de ces fleurs épanies ;
Qui ne les eût à ce vêpre cueillies,
Chutes à terre elles fussent demain.
Cela vous soit un exemple certain
Que vos beautés, bien qu'elles soient fleuries,
En peu de temps cherront toutes flétries,
Et, comme fleurs, périront tout soudain.
(Pierre de Ronsard, « Sonnet à Marie »)
Ce vers de
Tu fus sage d’ouvrir, // il vint à la nuit,
Il posa près de toi // la lampe de pierre.
Il est le plus souvent césuré en 5/6 :
Mon âme se prend // à chanter sans effort,
À pleurer aussi, // tant mon amour est fort !
(Marceline Desbordes-Valmore)
Mais on le trouve aussi en 6/5, ce qui lui donne une allure d’alexandrin « raté » :
C’est trop beau ! C’est trop beau ! // mais c’est nécessaire
(Arthur Rimbaud)
Verlaine le découpe en 7/4 :
Tous les Désirs rayonnaient // en feux brutaux.
Mais ce rythme peut être inversé, comme le montre ce vers de Rimbaud :
Par un brouillard // d’après-midi tiède et vert.
Ce vers de
Cette espèce est moins fréquente( que les autres deux précédentes, et ne se peut proprement appliquer qu’aux choses fort graves.
C’est grâce aux poètes de la Pléiade qu’il évince le décasyllabe pour conquérir les domaines de la poésie lyrique, puis du théâtre : d’abord la tragédie puis la comédie. Au XVIIe siècle, il s’impose comme le « grand vers ». Il n’a cessé depuis d’être le plus employé de la poésie française jusqu’à « la lassitude par abus de la cadence nationale », dit Mallarmé.
L’alexandrin classique est divisé en deux groupes de six syllabes, appelés hémistiches qui correspondent à deux accents métriques fixes, l’un à la césure, l’autre en fin de vers, sur la dernière voyelle non muette :
Vous-même rougiri ez // de ma lâche con duit(e)
(Bérénice)
Empruntant à la métrique latine sa terminologie, mais dans un sens tout à fait différent, on appelle tétramètre un alexandrin qui comporte quatre mesures égales de trois syllabes (3/3//3/3) :
Chaque instant / te dévor(e) // un morceau / du délice
(Charles Baudelaire)
Et trimètre (cultivé par les romantiques) celui dont les accents grammaticaux favorisent un découpage ternaire (par exemple 4/4/4) :
La Caïus pleur(e), / Achab (//) frémit, / Commode rêve
Dans ce vers de Victor Hugo, la césure passe entre un sujet et son verbe, et le vers lui-même est constitué de trois groupes formés d’un sujet suivi de son verbe.
Verlaine a contribué à effacer complètement la marque accentuelle de la césure médiane. D’après Jacques Roubaud, les années 1870-1880 ont vu « l’assassinat de l’alexandrin » : effacement de la marque grammaticale de la césure médiane, changements dans le statut du « -e » atone, de règles comme la diérèse ou le hiatus finissent par modifier la nature de l’alexandrin.
Mais depuis Victor Hugo, l’alexandrin dit « libéré » jouait déjà des formules métriques. Ainsi, par exemple, le semi-ternaire combine librement trois mesures de trois, quatre et cinq syllabes ; le vers asymétrique de 5//7 ou 7//5, etc.
J'ai disloqué ce grand niais d'alexandrin ;
Les mots de qualité, les syllabes marquises,
Vivaient ensemble au fond de leurs grottes exquises,
Faisaient la bouche en cœur et ne parlant qu'entre eux,
J'ai dit aux mots d'en bas : Manchots, boiteux, goîtreux,
Redressez-vous ! planez, et mêlez-vous, sans règles,
Dans la caverne immense et farouche des aigles !
J'ai déjà confessé ce tas de crimes-là ;
Oui, je suis Papavoine, Érostrate, Attila :
Après ?
(Victor Hugo « Quelques mots à un autre »)