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La versification 4 (les types de vers)

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Monosyllabe

C’est un vers qui ne contient qu’une syllabe (du grec « monos »). Très rare en isométrie, on le trouve pourtant, par exemple, dans le sonnet de Jules de Rességuier (« Sur la mort d’une jeune fille ») :

Fort
Belle
Elle
Dort

Sort
Frêle !
Quelle
Mort !

Rose
Close,
La

Brise
L’a
Prise.

Il ne faut pas confondre vers monosyllabe et vers monosyllabique. Ce dernier est composé de mots monosyllabiques comme dans ce vers de Phèdre : « Le jour n’est pas plus pur que le fond de mon cœur », par ailleurs condamné par l’esthétique classique.

Dissyllabe

C’est un vers de deux syllabes.
On le trouve aussi bien en isométrie :

On doute
La nuit...
J’écoute : -
Tout fuit,
Tout passe ;
L’espace
Efface
Le bruit

(Victor Hugo, « Les Djinns »)

Qu’en hétérométrie :

Lune, quel esprit sombre
Promène au bout d’un fil
Dans l’ombre,
Ta face et ton profil

(Alfred de Musset, « Ballade à la lune »)

Trisyllabe

C’est un vers de trois syllabes. On le trouve, par exemple, associé à l’heptasyllabe dans un poème de Guillaume de Machaut ou encore en isométrie chez Victor Hugo dans « Le Prince fainéant » (Toute la lyre) :

Même aux belles
J’ai mépris,
Et loin d’elles
Mon cœur pris
Laisse, en somme,
Faire un somme
Aux cerfs, comme
Aux maris.

Tétrasyllabe

C’est un vers de quatre syllabes employé en grande majorité en hétérométrie :

— Que sont mi ami devenu
que j’avoue si près tenu
Et tant amé ?
Je cuit qu’il sont trop cler semé ;
il ne furent pas bien fermé,
Si son failli.

(Rutebeuf)

On le trouve également dans le vers libre :

Pourquoi s’étendre si longtemps dans les plumes de la lumière
Pourquoi s’éteindre lentement dans l’épaisseur froide de la carrière
Pourquoi courir
Pourquoi pleurer
Pourquoi tendre sa chair sensible et hésitante
À la torture de l’orage avorté

(Pierre Reverdy, Ferraille)

Pentasyllabe

C’est un vers de cinq syllabes. Baudelaire l’utilise en alternance avec l’alexandrin, de telle sorte qu’il reçoive les rimes féminines :

La musique souvent me prend comme une mer !
Vers ma pâle étoile,
Sous un plafond de brume ou dans un vaste éther,
Je mets à la voile ;

[...]

(Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal)

On le trouve dans la chanson « Au clair de la lune » et aussi chez Louis Aragon dans Le Roman inachevé. Voici un exemple en isométrie extrait de « Le long pour l’un pour l’autre est court » :

La barque à l’amarre
Dort au mort des mares
Dans l’ombre qui mue

Feuillards et ramures
La fraîcheur murmure
Et rien ne remue

Sauf qu’une main lasse
Un instant déplace
Un instant pas plus

La rame qui glisse
Sur les cailloux lisses
Comme un roman lu

Hexasyllabe

C’est un vers de six syllabes. Il s’emploie fréquemment en hétérométrie ainsi avec des vers de quatre syllabes dans le refrain du « Jet d’eau » de Charles Baudelaire :

La gerbe épanouie
En mille fleurs,
Où Phoebé réjouie
Met ses couleurs,
Tombe comme une pluie
De larges pleurs.

En isométrie, on le trouve par exemple employé par distiques dans la poésie de Guillevic, tels ces vers de Carnac :

Tu n’as pour te couvrir
Que le ciel évasé,

Les nuages sans poids
Que du vent fait changer

Tu rêvais de bien plus,
Tu rêvais plus précis.

Heptasyllabe

Ce vers de sept syllabes est fréquemment employé dans la poésie lyrique courtoise. Employé le plus souvent en hétérométrie par les poètes de la Pléiade, Molière l’utilise dans Amphitryon. En isométrie, on le trouve dans certaines fables de Jean de la Fontaine comme dans « La Cigale et la Fourmi » (si on excepte le deuxième vers) :

La Cigale ayant chanté
Tout l’été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue.

On le retrouve au XIXe siècle chez Musset, Hugo, Baudelaire, Verlaine ou Rimbaud puis au début du XXe chez Paul Valéry dans ce sonnet de type élisabéthain (trois quatrains à rimes croisées suivis d’un distique final) :

Si la plage penche, si
L’ombre sur l’œil s’use et pleure
Si l’azur est larme, ainsi
Au sel des dents pure affleure

La vierge fumée ou l’air
Que berce en soi puis expire
Vers l’eau debout d’une mer
Assoupie en son empire

Celle qui sans les ouïr
Si la lèvre au vent remue
Se joue à évanouir
Mille mots vains où se mue

Sous l’humide éclair de dents
Le très doux feu du dedans.

(« Vue », Album de vers anciens in Charmes)

Il est employé également dans la poésie de René Char, souvent en concomitance avec des mètres proches comme l’octosyllabe ou l’hexasyllabe (voir « Les nuits justes » dans Les Matinaux).

Octosyllabe

Ce vers de huit syllabes est le plus ancien des vers en France. Il date du Xe siècle. À partir du milieu du XVIe siècle, il est plutôt dévolu aux genres dits mineurs et on ne le retrouve dans la grande poésie lyrique qu’avec André Chénier puis les poètes du XIXe siècle souvent en hétérométrie :

L’épi naissant mûrit, de la faux respecté ;
Sans crainte du pressoir, le pampre, tout l’été
Boit les doux présents de l’Aurore ;
Et moi, comme lui belle, et jeune comme lui,
Quoique l’heure présente ait de trouble et d’ennui,
Je ne veux point mourir encore.

(André Chénier, « La jeune captive »)

Guillaume Apollinaire l’a également prisé et, de nos jours, il est toujours le plus utilisé après l’alexandrin.

Ennéasyllabe

C’est un vers de neuf syllabes. Dans la poésie lyrique du Moyen Âge, on trouve l’ennéasyllabe plutôt en hétérométrie (il est très rarement employé seul). Aux XVIe et XVIIe siècles, il est réservé, comme d’ailleurs les autres vers impairs, aux genres légers. Ce sont Verlaine et les symbolistes qui l’ont mis à l’honneur.
Il peut se présenter en trois mesures de trois syllabes, avec césure après la première (3//3/3), comme dans ce poème de Malherbe :

L’air est plein // d’une halei/ne de roses

Ou avec une césure qui le divise en 4/5 chez Verlaine en particulier, rythme qui l’apparente à un décasyllabe amputé d’une syllabe :

De la musique // avant toute chose,
Et pour cela // préfère l’impair.

Cette structure peut s’inverser en 5/4, mais elle est beaucoup plus rare :

Je suis la morveuse // entre mes bras
De toute force exaspérée.

(Émile Verhaeren)

Décasyllabe

Ce vers de dix syllabes date du milieu du XIe siècle. D’abord utilisé dans la poésie épique (comme dans la chanson de geste) et la poésie hagiographique, il devient à partir du XIIIe siècle le grand vers lyrique. Appelé « vers héroïque » dans la Défense et illustration de la langue française de Du Bellay, « vers commun » par Ronsard, il est concurrencé au XVIe siècle par l’alexandrin qui, aux XVIIe et XVIIIe siècles, le confine dans le domaine de la poésie plaisante. Il ne retrouve la grande poésie lyrique qu’au XIXe siècle et Paul Valéry l’a particulièrement prisé.

Je vous envoie un bouquet que ma main
Vient de trier de ces fleurs épanies ;
Qui ne les eût à ce vêpre cueillies,
Chutes à terre elles fussent demain.

Cela vous soit un exemple certain
Que vos beautés, bien qu'elles soient fleuries,
En peu de temps cherront toutes flétries,
Et, comme fleurs, périront tout soudain.

(Pierre de Ronsard, « Sonnet à Marie »)

Hendécasyllabe

Ce vers de onze syllabes est assez ancien, mais est utilisé en France de manière irrégulière. Employé en hétérométrie dans la poésie lyrique médiévale, il tombe en désuétude à la fin du XIIIe siècle. On le retrouve au XVIIe siècle dans les chansons, puis au XIXe siècle sous la plume de Marceline Desbordes-Valmore et également de Verlaine et Rimbaud. On le trouve aussi dans l’œuvre d’Yves Bonnefoy, rythmé en 6/5 :

Tu fus sage d’ouvrir, // il vint à la nuit,
Il posa près de toi // la lampe de pierre.

Il est le plus souvent césuré en 5/6 :

Mon âme se prend // à chanter sans effort,
À pleurer aussi, // tant mon amour est fort !

(Marceline Desbordes-Valmore)

Mais on le trouve aussi en 6/5, ce qui lui donne une allure d’alexandrin « raté » :

C’est trop beau ! C’est trop beau ! // mais c’est nécessaire

(Arthur Rimbaud)

Verlaine le découpe en 7/4 :

Tous les Désirs rayonnaient // en feux brutaux.

Mais ce rythme peut être inversé, comme le montre ce vers de Rimbaud :

Par un brouillard // d’après-midi tiède et vert.

Alexandrin

Ce vers de douze syllabes est aussi appelé un dodécasyllabe. C’est le seul vers français dont le nom n’est pas fondé sur sa quantité syllabique. Il date du début du XIIe siècle. Son nom, qui ne lui a été donné qu’au XVe siècle, est dû à un poème en vers de douze syllabes sur Alexandre le Grand, qui parut à la fin du XIIe siècle et connut un vif succès. Au XIIIe siècle, il est utilisé dans les épopées hagiographiques, les discours majestueux, les chansons de geste remaniées puis il tombe dans l’oubli. Il ne reparaît que dans la deuxième moitié du XVIe siècle puisqu’en 1548, dans son Art poétique français, Thomas Sébillet remarque, le comparant à l’octosyllabe et au décasyllabe :

Cette espèce est moins fréquente( que les autres deux précédentes, et ne se peut proprement appliquer qu’aux choses fort graves.

C’est grâce aux poètes de la Pléiade qu’il évince le décasyllabe pour conquérir les domaines de la poésie lyrique, puis du théâtre : d’abord la tragédie puis la comédie. Au XVIIe siècle, il s’impose comme le « grand vers ». Il n’a cessé depuis d’être le plus employé de la poésie française jusqu’à « la lassitude par abus de la cadence nationale », dit Mallarmé.

L’alexandrin classique est divisé en deux groupes de six syllabes, appelés hémistiches qui correspondent à deux accents métriques fixes, l’un à la césure, l’autre en fin de vers, sur la dernière voyelle non muette :

Vous-même rougiri ez // de ma lâche con duit(e)
(Bérénice)

Empruntant à la métrique latine sa terminologie, mais dans un sens tout à fait différent, on appelle tétramètre un alexandrin qui comporte quatre mesures égales de trois syllabes (3/3//3/3) :

Chaque instant / te dévor(e) // un morceau / du délice
(Charles Baudelaire)

Et trimètre (cultivé par les romantiques) celui dont les accents grammaticaux favorisent un découpage ternaire (par exemple 4/4/4) :

La Caïus pleur(e), / Achab (//) frémit, / Commode rêve

Dans ce vers de Victor Hugo, la césure passe entre un sujet et son verbe, et le vers lui-même est constitué de trois groupes formés d’un sujet suivi de son verbe.

Verlaine a contribué à effacer complètement la marque accentuelle de la césure médiane. D’après Jacques Roubaud, les années 1870-1880 ont vu « l’assassinat de l’alexandrin » : effacement de la marque grammaticale de la césure médiane, changements dans le statut du « -e » atone, de règles comme la diérèse ou le hiatus finissent par modifier la nature de l’alexandrin.

Mais depuis Victor Hugo, l’alexandrin dit « libéré » jouait déjà des formules métriques. Ainsi, par exemple, le semi-ternaire combine librement trois mesures de trois, quatre et cinq syllabes ; le vers asymétrique de 5//7 ou 7//5, etc.

J'ai disloqué ce grand niais d'alexandrin ;
Les mots de qualité, les syllabes marquises,
Vivaient ensemble au fond de leurs grottes exquises,
Faisaient la bouche en cœur et ne parlant qu'entre eux,
J'ai dit aux mots d'en bas : Manchots, boiteux, goîtreux,
Redressez-vous ! planez, et mêlez-vous, sans règles,
Dans la caverne immense et farouche des aigles !
J'ai déjà confessé ce tas de crimes-là ;
Oui, je suis Papavoine, Érostrate, Attila :
Après ?

(Victor Hugo « Quelques mots à un autre »)

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