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Le vilain et l’oiselet

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Le vilain et l’oiselet

Un vilain avait pris un des oiseaux les plus petits (on l’appelle un rossignol), et il allait le tuer avec son couteau, mais l’oiseau reçut la faculté de parler et lui dit :

« À quoi te servira-t-il de m’ôter la vie ? Tu ne pourras apaiser ta faim avec mon corps ; mais si tu voulais me relâcher, je te donnerais trois conseils qui, si tu les suis bien, pourront t’être d’un grand avantage. »

Le vilain, surpris d’entendre l’oiseau parler, promit de le relâcher s’il lui communiquait ces trois utiles préceptes (1).

« Écoute donc, dit l’oiseau. Voici le premier : N’essaie jamais d’atteindre une chose qui ne peut être atteinte. Voici le second : Ne te chagrine pas pour une chose perdue et impossible à recouvrer. Voici le troisième : Ne crois jamais à une parole incroyable. Observe ces trois recommandations, et tu t’en trouveras bien. »

RossignolLe vilain laissa donc l’oiseau s’envoler, comme il le lui avait promis. Et le rossignol, en voltigeant au-dessus de sa tête, se mit à chanter doucement. Puis, sa chanson finie, voulant savoir si l’homme avait compris la valeur de ses préceptes et en avait retiré quelque utilité, il lui dit :

« Que tu as été déraisonnable (2) ! tu as perdu par ta faute un grand trésor : j’ai dans mes entrailles une perle plus grosse qu’un œuf d’autruche. »

L’homme, en entendant ces mots, fut plein de douleur. Il tendit son filet et s’efforça de reprendre l’oiseau. Il lui disait : « Viens dans ma maison, j’aurai tous les soins de toi, je te nourrirai de mes mains et je te laisserai voler à ton aise. »

Mais le rossignol lui répondit : « Maintenant, je vois que tu es vraiment déraisonnable. Tu n’as retiré aucun fruit des préceptes que je t’ai donnés : tu te chagrines de m’avoir perdu quand tu ne peux me recouvrer ; tu as essayé de me prendre quand il t’est impossible de m’atteindre ; et tu crois qu’il y a dans mes entrailles une perle plus grosse qu’un œuf d’autruche, quand mon corps tout entier n’atteint pas cette grosseur. »

Notes :

1 - Conseil, enseignement.
2 - Manquer de raison, ne pas être raisonnable.

Questions

Un fabliau merveilleux

1. Quelle figure de style a-t-on lorsqu’un animal parle ?

2. À quel genre littéraire peut-on penser lorsqu’un animal parle ? Citez-en au moins deux.

3. Trouve-t-on habituellement ce genre de personnage dans le fabliau ?

L’homme bête, la bête intelligente

4. Encore une fois, à quoi sert-il de savoir (bien) parler ?

5. Quels sont les conseils donnés par l’oiseau ?

6. Quel temps et quel mode est utilisé pour formuler un conseil ? Relevez des exemples.

7. Que signifie l’expression « avoir une cervelle d’oiseau » ?

8. Que penser du vilain : a-t-il raison ou a-t-il tort de croire à ces conseils ? Justifiez votre réponse.

9. Que signifie le mot « absurde » ? Pourquoi peut-on dire que cette histoire est absurde ?

Rédigez

Formulez, comme l’oiseau, quelques conseils (sur le sujet de votre choix : pour pratiquer un sport, pour bien commencer au collège, etc.).

Utilisez le même mode, et classez vos conseils par ordre en utilisant des déterminants numéraux ordinaux (le premier, le deuxième, etc.).

Vocabulaire

Expliquez la formation du mot « déraisonnable ».

Lecture analytique du vilain et l’oiselet

Albucasis, Tacuinum sanitatisDans ce fabliau, un vilain attrape un oiseau lequel promet, s’il est relâché, de lui enseigner trois vérités. Finalement libéré, l’oiseau déclare : « Ne crois jamais les yeux fermés tout ce qu’on t’aura raconté. Garde bien ce que tu tiendras, pour promesses ne le perds pas. Si tu as subi quelque perte, il faut savoir te consoler ».

Un fabliau différent

Ce fabliau est quelque peu différent de la définition que nous en avons donnée. En effet, dans l’histoire racontée, un dialogue s’établit entre un vilain et l’oiseau qu’il a attrapé. Ce dernier est donc personnifié : il parle et raisonne comme un être humain. On s’aperçoit que notre fabliau se rapproche du genre de la fable ou encore du Roman de Renart. En principe, le genre du fabliau exclut le merveilleux, notamment les oiseaux bavards qui prétendent avoir une jaconce dans le gésier. On en conclura que les genres littéraires ont des frontières poreuses !

Ce fabliau joue donc sur le thème du merveilleux. On y rencontre un oiseau qui parle, mais dans le même temps le volatile - qui est libre à présent - se rit du vilain auquel il parvient à faire croire qu’il cache une pierre précieuse (la jaconce) dans son gésier.

« Tu viens de perdre grand avoir. Que n’as-tu ouvert mon gésier ! Tu y trouvais une jaconce qui pèse exactement une once ».

Un fabliau satirique tout de même

Cela nous ramène donc au genre du fabliau : on se moque du vilain et de sa naïveté, de sa bêtise et surtout de sa crédulité (du latin credulus venant du verbe credere = croire).
Tout le comique de l’histoire vient alors de ce que l’oiseau se moque du vilain et de ses défauts (la sottise, la naïveté et la crédulité). Plus encore, l’animal censé être peu intelligent (pensez à l’expression Avoir une cervelle d’oiseau), l’emporte dans le raisonnement. Le comique trouve alors sa source dans un renversement : l’homme est bête, et la bête raisonne comme un homme. Ce dernier se fait d’ailleurs avoir deux fois, l’oiseau s’assurant que le vilain a compris la triple leçon en lui tendant un « piège » (la pierre précieuse).

Enfin, comme souvent, les moralités abondent dans ce type de texte : on nous invite à ne pas croire tout ce que l’on raconte, on nous invite à ne pas regretter ce qui est perdu...

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