Afin d’échapper au policier Javert, Jean Valjean et Cosette pénètrent par effraction dans le couvent du Petit-Picpus. Là, ils retrouvent une vieille connaissance, Fauchelevent devenu jardinier du couvent. Celui accepte de les cacher.
Le problème est alors de faire entrer officiellement Jean Valjean et Cosette pour qu’ils soient acceptés par les religieuses. Aussi doivent-ils sortir secrètement pour rentrer légalement !
Le stratagème sera le suivant : Fauchelevent fera sortir Cosette en la cachant dans sa hotte, et Jean Valjean prendra place dans le cercueil d’une religieuse récemment décédée. Il sera enterré à sa place, avec la complicité du père Mestienne. Ensuite, Fauchelevent viendra le déterrer.
Voici le passage où l’on enterre Jean Valjean.
Qui était dans la bière (1) ? on le sait. Jean Valjean.
Jean Valjean s'était arrangé pour vivre là dedans, et il respirait à peu près.
C'est une chose étrange à quel point la sécurité de la conscience donne la sécurité du reste. Toute la combinaison préméditée par Jean Valjean marchait, et marchait bien, depuis la veille. Il comptait, comme Fauchelevent, sur le père Mestienne. Il ne doutait pas de la fin (2). Jamais situation plus critique, jamais calme plus complet.
Les quatre planches du cercueil dégagent une sorte de paix terrible. Il semblait que quelque chose du repos des morts entrât dans la tranquillité de Jean Valjean.
Du fond de cette bière, il avait pu suivre et il suivait toutes les phases du drame redoutable qu'il jouait avec la mort.
Peu après que Fauchelevent eut achevé de clouer la planche de dessus, Jean Valjean s'était senti emporter, puis rouler. A moins de secousses, il avait senti qu'on passait du pavé à la terre battue, c'est-à-dire qu'on quittait les rues et qu'on arrivait aux boulevards. A un bruit sourd, il avait deviné qu'on traversait le pont d'Austerlitz. Au premier temps d'arrêt, il avait compris qu'on entrait dans le cimetière ; au second temps d'arrêt, il s'était dit : voici la fosse.
Brusquement il sentit que des mains saisissaient la bière, puis un frottement rauque sur les planches ; il se rendit compte que c'était une corde qu'on nouait autour du cercueil pour le descendre dans l'excavation (3).
Puis il eut une espèce d'étourdissement.
Probablement les croque-morts et le fossoyeur avaient laissé basculer le cercueil et descendu la tête avant les pieds. Il revint pleinement à lui en se sentant horizontal et immobile. Il venait de toucher le fond.
Il sentit un certain froid.
Une voix s'éleva au-dessus de lui, glaciale et solennelle. Il entendit passer, si lentement qu'il pouvait les saisir l'un après l'autre, des mots latins qu'il ne comprenait pas :
– Qui dormiunt in terrae pulvere, evigilabunt ; alii in vitam aeternam, et alii in opprobrium, ut videant semper (4).
- Une voix d'enfant dit :
– De profundis (5).
La voix grave recommença :
- Requiem aeternam dona ei, Domine (6).
La voix d'enfant répondit :
- Et lux perpetua luceat ei (7).
Il entendit sur la planche qui le recouvrait quelque chose comme le frappement doux de quelques gouttes de pluie. C'était probablement l'eau bénite.
Il songea : Cela va être fini. Encore un peu de patience. Le prêtre va s'en aller. Fauchelevent emmènera Mestienne boire. On me laissera. Puis Fauchelevent reviendra seul, et je sortirai. Ce sera l'affaire d'une bonne heure.
La voix grave reprit:
– Requiescat in pace (8).
Et la voix d'enfant dit :
– Amen.
Jean Valjean, l'oreille tendue, perçut quelque chose comme des pas qui s'éloignaient.
- Les voilà qui s'en vont, pensa-t-il. Je suis seul.
Tout à coup il entendit sur sa tête un bruit qui lui sembla la chute du tonnerre.
C'était une pelletée de terre qui tombait sur le cercueil. Une seconde pelletée de terre tomba.
Un des trous par où il respirait venait de se boucher.
Une troisième pelletée de terre tomba.
Puis une quatrième.
Il est des choses plus fortes que l'homme le plus fort. Jean Valjean perdit connaissance.
Les Misérables de Victor Hugo ( Deuxième partie, Livre huitième - Les cimetières prennent ce qu'on leur donne, Chapitre VI Entre quatre planches )
Notes :
1 - La bière : le cercueil.
2 - Il ne doutait pas de la fin : il ne doutait pas que le plan réussisse.
3 - L’excavation : trou dans lequel on dépose le cercueil.
4 - Ceux qui dorment dans la poussière de la terre se réveilleront ; les uns dans la vie éternelle, et les autres dans la honte, pour en avoir à jamais le spectacle.
5 - Des profondeurs.
6 - Donne-lui le repos éternel, Seigneur.
7 - Et que la lumière sans fin l’illumine.
8 - Qu’il repose en paix.
1. De quelles façons est exprimée la certitude que le plan échafaudé par Jean Valjean et Fauchelevent va marcher sans difficulté
2. Quelle phrase indique que cette certitude est une erreur ?
3. Quelle phrase révèle que ce plan peut-être particulièrement dangereux ?
4. Aux lignes 1 à 7, quels termes ou expressions montrent la tranquillité d’esprit de Jean Valjean ?
5. Aux lignes 9 à 14 , relevez tous les verbes qui montrent que Jean Valjean, même dans le cercueil, comprend ce qui se passe.
6. Quel sens est essentiellement utilisé ? Pourquoi ?
Citez plusieurs mots en rapport avec ce sens.
7. - Les voilà qui s'en vont, pensa-t-il. Je suis seul.
Rapportez ces paroles indirectement.
8. « Puis il eut une espèce d'étourdissement »
Qu’est-ce qui provoque cet étourdissement ?
9. Quel adverbe annonce un événement imprévu ? Quel temps est alors utilisé ?
10. Conjuguez le verbe « sembler » au passé simple.
11. Lignes 39 à 42, pourquoi les phrases sont-elles de plus en plus courtes ?
12. Pourquoi la fin de cet extrait est-elle effrayante ?
Réécrivez la phrase suivante en remplaçant « une voix » par « des voix » et en conjuguant le verbe au passé composé.
Une voix s'éleva au-dessus de lui, glaciale et solennelle.
Reprenez le vocabulaire appris dans le texte précédent (bière, cercueil, cimetière, planche, fosse, croque-mort, fossoyeur, etc.) et dites ce qui s’est passé ci-dessous.
Utilisez le point de vue interne pour raconter cette histoire.