Ambrosio, un moine, est amoureux de la belle Antonia. Prêt à tout pour posséder celle qu’il aime, il accepte l’aide d’une jeune femme, Mathilde, qui s’apprête à convoquer le diable.
- Venez ! dit-elle, et elle lui prit la main ; suivez-moi, et soyez témoin des effets de votre résolution.
À ces mots, elle l’entraîna précipitamment. Ils passèrent dans le lieu de sépulture sans être vus, ouvrirent la porte du sépulcre, et se trouvèrent à l’entrée de l’escalier souterrain. Jusqu’alors la clarté de la lune avait guidé leurs pas, mais à présent cette ressource leur manquait. Mathilde avait négligé de se pourvoir d’une lampe. Sans cesser de tenir la main d’Ambrosio, elle descendit les degrés de marbre ; mais l’obscurité les obligeait de marcher avec lenteur et précaution.
- Vous tremblez ! dit Mathilde à son compagnon ; ne craignez rien, nous sommes prêts du but.
Ils atteignirent le bas de l’escalier, et continuèrent d’avancer à tâtons le long des murs. À un détour, ils aperçurent tout à coup dans le lointain une pâle lumière, vers laquelle ils dirigèrent leurs pas : c’était celle d’une petite lampe sépulcrale qui brûlait incessamment devant la statue de Sainte-Claire ; elle jetait une sombre et lugubre lueur sur les colonnes massives qui supportaient la voûte, mais elle était trop faible pour dissiper les épaisses ténèbres où les caveaux étaient ensevelis.
Mathilde prit la lampe.
[...]
- Suivez-moi ! dit-elle au moine d’une voix lente et solennelle ; tout est prêt !
Il sentit ses membres trembler en lui obéissant. Elle le guida à travers divers étroits passages ; et de chaque côté, comme ils avançaient, la clarté de la lampe ne montrait que les objets les plus révoltants : des crânes, des ossements, des tombes et des statues dont les yeux semblaient à leur approche flamboyer d’horreur et de surprise. Enfin ils parvinrent à un vaste souterrain dont l’œil cherchait vainement à discerner la hauteur : une profonde obscurité planait sur l’espace ; des vapeurs humides glacèrent le cœur du moine, et il écouta tristement le vent qui hurlait sous les voûtes solitaires. Ici Mathilde s’arrêta ; elle se tourna vers Ambrosio, dont les joues et les lèvres étaient pâles de frayeur. D’un regard de mépris et de colère, elle lui reprocha sa pusillanimité ; mais elle ne parla pas. Elle posa la lampe à terre près du panier ; elle fit signe à Ambrosio de garder le silence, et commença les rites mystérieux. [...]
Ce fut alors qu’Ambrosio se repentit de sa témérité. L’étrangeté solennelle du charme l’avait préparé à quelque chose de bizarre et d’horrible : il attendit avec effroi l’apparition de l’esprit dont la venue était annoncée par la foudre et le tremblement de terre ; il regarda d’un œil égaré autour de lui, persuadé que la vue de cette vision redoutable allait le rendre fou ; un frisson glaçait son corps, et il tomba sur un genou, hors d’état de se soutenir.
- Il vient ! s’écria Mathilde avec un accent joyeux.
Ambrosio tressaillit, et attendit le démon avec terreur. Quelle fut sa surprise quand, le tonnerre cessant de gronder, une musique mélodieuse se répandit dans l’air ! Au même instant le nuage disparut, et Ambrosio vit un être plus beau que n’en créa jamais le pinceau de l’imagination. C’était un jeune homme de dix-huit ans à peine, d’une perfection incomparable de taille et de visage ; il était entièrement nu ; une étoile étincelait à son front ; ses épaules déployaient deux ailes rouges, et sa chevelure soyeuse était retenue par un bandeau de feux de plusieurs couleurs, qui se jouaient à l’entour de sa tête, formaient diverses figures, et brillaient d’un éclat bien supérieur à celui des pierres précieuses ; des bracelets de diamants entouraient ses poignets et ses chevilles, et il tenait dans sa main droite une branche de myrte en argent ; son corps jetait une splendeur éblouissante ; il était environné de nuages, couleur de rose, et au moment où il parut, une brise rafraîchissante répandit des parfums dans la caverne. Enchanté d’une vision si contraire à son attente, Ambrosio contempla l’esprit avec délice et étonnement ; mais toute son admiration ne l’empêcha pas de remarquer dans les yeux du démon une expression farouche, et sur ses traits une mélancolie mystérieuse qui trahissaient l’ange déchu et inspiraient une terreur secrète.
Matthew Gregory Lewis, Le Moine
Toutes les questions doivent être impérativement rédigées. Celles qui ne le sont pas ne seront pas prises en compte.
1. Quels sont les deux principaux personnages de cette histoire ? (0,5 point)
2. Qui recherchent-ils ? Relevez deux groupes nominaux le désignant (n’utilisez pas le paratexte). (1,5 point)
3. Ce personnage ressemble-t-il à ce que l’on pouvait craindre ? Pour répondre à cette question, relevez :
a) les termes montrant l’étonnement d’Ambrosio. (1 point)
b) les termes montrant les sentiments qu’Ambrosio éprouve à sa vue. (1,5 point)
4. Relevez quelques mots ou expressions montrant la beauté de ce personnage. (1,5 point)
5. Quels détails révèlent cependant sa véritable nature ? (2 points)
6. Quel sentiment éprouvait Ambrosio avant de le voir (parcourez l’ensemble du texte) ? (2 points)
7. Ses sentiments sont-ils les mêmes à la vue du personnage recherché ? Et après l’avoir vu ? (1 point)
8. Où se passe l’histoire ? Relevez au moins trois termes ou expressions qui se rapportent aux lieux. (1,5 point)
9. À quel moment de la journée l’histoire se passe-t-elle. Justifiez en citant le texte. (1 point)
10. Voit-on clairement ? Relevez tous les mots qui le montrent. (2 points)
11. Relevez des termes désignant les lieux ou les objets qui s’y trouvent. Pourquoi sont-ils décrits ? (2 points)
12. Cette histoire appartient-elle au fantastique ou merveilleux ? Justifiez vos réponses en expliquant la différences entre les deux et en utilisant certaines de vos précédentes réponses. (1,5 point)
13. Quel type de roman raconte des histoires se déroulant souvent la nuit, dans des endroits sombres, dont l’atmosphère est inquiétante ? (1 point)