Robinson se sert de la grotte pour y abriter tout ce qu’il a de plus précieux : céréales, conserves de fruits et de viande, outils, etc. C’est là qu’il conserve aussi des tonneaux de poudre. Une discrète anticipation (quand on raconte à l’avance un événement de l’histoire) annonce que ces tonneaux seront responsables de la destruction de la grotte : ils « auraient suffi à faire sauter toute l’île » (p.53). C’est effectivement ce qui arrivera aux pages 85 et 86.
En explorant le fond de la grotte, Robinson découvre « l’orifice d’une cheminée verticale et fort étroite » (p.54) qui mène à « une sorte de niche tiède » (p.55). Pour y parvenir, Robinson se dénude et s’enduit le corps de lait caillé afin de glisser dans les anfractuosités de la terre.
Ce n’est pourtant pas une simple exploration. Robinson ne fait pas de la spéléologie. Il pénètre dans le ventre de la terre. L’idée d’un corps est rendue par des termes en rapport avec le corps : « Les parois du boyau étaient lisses comme de la chair » (page 54). Parvenu dans la niche, Robinson est «recroquevillé sur lui-même, les genoux remontés au menton, les mollets croisés, les mains posées sur les pieds» (page 55). Robinson est semblable au fœtus et retrouve la vie intra-utérine. La mère est un personnage très important. Robinson pense à cette « grande femme, forte et calme » (page 55) qui lui a auparavant sauvé la vie lors d’un incendie. Contrairement à l’anticipation du début, nous avons cette fois-ci un retour en arrière (un événement de l’histoire qui s’est déroulé avant l’épisode de la grotte). L’île est semblable à la mère. C’est un personnage féminin (voir la page 56) qui accouche d’un nouveau héros.
Sortir de la grotte est donc pour Robinson une nouvelle naissance (voir page 56) : nu, fragile, aveugle, ayant froid, accueilli dans la joie (par le chien Tenn), il sort de la grotte. C’est un nouveau Robinson qui vient au jour, et qui comprend que désormais sa vie est ici, sur l’île de Sperenza. L’île est sa mère. C’est l’île accouchant d’un nouveau Robinson qui, comme on a pu le voir lors de la séance précédente, ne cherche plus à fuir l’île en prenant la mer. C’est désormais là qu’est sa vie.