Quand je me mettrai à voler,
Et sur elles (1) me sentirai,
En si grande aise (2) je serai,
Que j’ai peur de m’essorer (3).
Beau crier aura le lévrier (4),
Chemin de plaisant vent prendrai (5),
Quand je me mettrai à voler,
Et sur elles me sentirai.
La cage il m'a fallu garder
Longtemps. Plus ne le ferai,
Puisque doux temps et clair verrai.
On me le devra pardonner,
Quand je me mettrai à voler.
Charles d’Orléans, Poésies
Notes :
1 - Sur des ailes.
2 - Joie.
3 - M’élancer dans l’air, m’envoler.
4 - Le lévrier aura beau crier (aboyer).
5 - « Je prendrai ». Le pronom sujet « je » est également omis aux vers 8, 10 et 11.
1. Combien ce poème compte-t-il de strophes ? Et combien ces strophes ont-elles de vers ?
2. Combien y a-t-il de syllabes par vers ?
3. Comment sont disposées les rimes ?
4. Quel vers est répété ? Comment appelle-t-on, un peu comme dans une chanson, une telle répétition ?
5. À quels emplacements ce vers est-il répété ? Que remarquez-vous concernant la construction du poème ?
6. À votre avis, qui dit « je » ?
7. Que désire-t-il ? Relever le champ lexical de l’envol.
8. À quel temps les verbes sont-ils principalement conjugués ? Qu’est-ce que cela indique ?
9. Quels seront les sentiments du poète quand il prendra son envol ? Justifiez votre réponse en citant le texte.
10. Pourquoi le poète veut-il partir ? Appuyez votre réponse en citant les vers qui le montrent. Par quel moyen la durée de son emprisonnement est-elle mise en valeur ?
Le rondeau est un court poème du Moyen Âge qui doit son nom à la ronde (que l’on dansait et chantait à l’origine).
Il est apparu au XIIIe siècle, et est généralement composé de trois strophes en octosyllabes (ou en décasyllabes) sur deux rimes seulement.
Le rondeau est rythmé par un refrain. La figure du rond est donnée par la forme, puisque le poème s’achève sur les vers qui l’ont commencé.
Lire la leçon complète sur le rondeau
À votre tour, rédigez un rondeau. Choisissez pour cela un thème très simple : votre amour, le temps qu’il fait...
Le poème étudié est une adaptation, mais il est intéressant de la confronter au texte original :
Quant commenceray à voler,
Et sur elles me sentiray,
En si grant aise je seray
Que j'ay double de m'essorer.
Beau crier aura le levrier,
Chemin de plaisant vent tendray.
Quant commenceray à voler,
Et sur elles me sentiray.
La mue m'a fallu garder
Par longtemps, plus ne le feray,
Puisque doulx temps et cler verray;
On le me devra pardonner.
Quant commenceray à voler.
Ce petit poème est un rondeau. Il est composé de trois strophes, sur deux rimes :
Quant commenceray à voler, A
Et sur elles me sentiray, B
En si grant aise je seray B
Que j'ay double de m'essorer. A
Les rimes sont représentées par une lettre majuscule (ABBA). Pour trouver les rimes, il faut lire le dernier mot du vers et les derniers sons qu’il a en commun avec un autre. Ainsi, « voler » rime avec « essorer » ; « sentiray » rime avec « seray ».
Chaque strophe répète le vers « Quand je me mettrai à voler ». C’est ce qu’on appelle un refrain. Il est constitué du premier vers, répété au milieu de la deuxième strophe, puis à la fin de la dernière strophe.
Le mot rondeau vient de la danse que l’on appelait la ronde. La figure du rond se retrouve dans la forme circulaire du poème, puisque la fin du poème est le début.
Dans ce rondeau, Charles d’Orléans évoque son désir de s’envoler, désir de quitter « la cage » (voir la troisième strophe) qui se comprend si l’on se rappelle que le poète a subi 25 ans de captivité après avoir été fait prisonnier par les Anglais après la bataille d’Azincourt (pendant la guerre de cent ans). La longévité de cette captivité est rendue par le rejet de l’adverbe « longtemps » au vers 10 (un rejet est un mot appartenant à la phrase du vers précédent, au vers 9 dans notre exemple). Un rejet permet de mettre un mot, une idée en valeur.
En 1415, à la bataille d’Azincourt (lors de la guerre de Cent Ans), Charles d’Orléans est fait prisonnier.
Il est emmené en Angleterre et d’abord enfermé à Windsor puis ramené à Londres.
Une rançon est demandée pour sa libération, mais il attendra vingt-cinq ans avant d’être libéré.
Source : Wikipédia
Ce désir de liberté n’est pas encore réalisé, c’est un rêve qui appartient encore au futur d’où l’abondance de ce temps : « mettrai », « serai », « devra ».
La réalisation de ce rêve procurera au poète un intense sentiment de plaisir (« En si grande aise je serai »). On parle de lyrisme quand un poète dit « je » et évoque ses sentiments (« j'ai peur », « plaisant »).