La grotte est un lieu essentiel de l'histoire. Il va à nouveau s'y jouer un événement important.
La vie sur l'île est devenue factice. Tout le monde fait semblant. Vendredi fait semblant de travailler, Robinson fait semblant d'être le gouverneur. Seul Tenn ne fait pas semblant de ne rien faire. Lors de ses moments d'inactivité, Vendredi va fumer la pipe dans la grotte. À ce moment du récit, les temps verbaux sont au passé : imparfait (« faisait »), plus-que-parfait (« avait trouvé »), conditionnel (« punirait »), passé simple (« mit »). Tout à coup, le récit est mené au présent. C'est ce qu'on appelle un présent de narration : « il tire de longues bouffées de la pipe », « il chasse »... Ce présent est utilisé pour faire croire au lecteur que l'histoire se déroule au moment où on la lit. L'aspect dramatique de l'histoire est renforcé.
Ce présent nous mène à l'épisode dans lequel Vendredi fume la pipe. Cet objet a été mentionné tout au long du livre, depuis le premier chapitre (mais à ce moment, le lecteur ne peut percevoir l'importance de ce détail) jusqu'au 19. Une telle insistance révèle forcément l'importance d'un tel détail. C'est par elle que la grotte est détruite. C'est Vendredi qui provoque sa destruction en se débarrassant de la pipe allumée sur des tonneaux de poudre. Ce n'est pas la première destruction. Vendredi avait déjà détruit la rizière, des vêtements. Cette fois, il détruit la grotte et tout ce qu'elle contenait (provisions, objets de valeur, poudre, armes, refuge...).
La destruction de la grotte est synonyme de la fin de la civilisation de l'île. C'est le retour à l'état sauvage. Une nouvelle vie va commencer et c'est Vendredi « qui mènerait le jeu ». On comprend donc désormais le titre. Le héros n'est pas Robinson mais le personnage secondaire de Daniel Defoe. La conjonction de coordination « ou » révèle que le titre pourrait être simplement « la vie sauvage » ou que Vendredi est synonyme de vie sauvage. Or, dans le chapitre 20, le mot apparaît deux fois. Et la vie sauvage, c'est être libre, libre « de cette organisation ennuyeuse et tracassière » qu'était l'œuvre de Robinson.
Les chapitres 19 et 20 sont au cœur du roman. C'est le centre d'un roman qui va basculer dans une deuxième partie qui donne un sens nouveau à l'histoire de Daniel Defoe, revisitée par un Michle Tournier qui entend bien donner le rôle principal au personnage secondaire.